Comment pivoter les portefeuilles actions?

Ioana Mihut, BNP Paribas Wealth Management

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Assisterons-nous en 2023 à un retour aux fondamentaux des entreprises comme facteur principal de la performance boursière?

En 2022, les marchés des actions ont été malmenés par des facteurs macro-économiques. Les valorisations se sont considérablement contractées en raison de la hausse des taux d’intérêt, alors que la croissance des bénéfices des entreprises a tenu mieux qu’anticipé. Malgré les révisions négatives, les bénéfices se sont inscrits en hausse de 17,4% en Europe et de 6,3% aux Etats-Unis par rapport à 2021, reflétant en partie la capacité des entreprises à augmenter leurs prix dans un contexte inflationniste.

Depuis les points bas d’octobre 2022 et jusqu’en février, la hausse marquée des actions s’est déroulée selon le scénario classique: les actions à beta élevé, faible valorisation et de petite capitalisation, ont pris les devants. L’environnement s’est montré favorable aux valeurs cycliques qui avaient atteint des niveaux de valorisation historiquement bas par rapport aux valeurs défensives. La baisse des taux long, des prix du gaz et du pétrole, suivie par la réouverture de la Chine ont en effet calmé les craintes de récession. Par ailleurs, l’inflexion positive des indicateurs économiques avancés, combinée à la décélération des révisions baissières des bénéfices des entreprises, ont laissé penser qu’un ralentissement maîtrisé de l’économie était envisageable. Enfin, la période d’annonce des résultats du quatrième trimestre 2022 et des perspectives 2023 ont permis un retour aux éléments micro-économiques. Les réactions boursières en témoignaient.

Cependant, quelques indicateurs publiés depuis février mais surtout les déroutes récentes de quelques banques ont suffi à nous rappeler que les marchés maintiennent toujours leur forte sensibilité à l’environnement macro-économique. Les investisseurs restent incertains quant aux scénarii possibles mais, globalement, ces déboires bancaires signent à nouveau le retour des risques de récession. Les banques centrales peuvent assurer la fourniture de liquidités, mais les coûts de financement augmenteront. Les marchés financiers ont réagi en conséquence ces derniers jours avec des pressions fortes sur les prix du pétrole, des matières premières, les rendements obligataires et les points morts de l’inflation. Ces éléments ont à leur tour impactés les actions, que ce soit d'un point de vue sectoriel ou des styles d’investissement alors que les corrélations intra-sectorielles ont augmenté.

Construire des portefeuilles équilibrés avec des marges de manœuvre tactiques.

A ce stade, nous ne voyons pas de risque systémique à grande échelle pour le système bancaire mondial. Alors que certains titres voire segments de marché nous semblent survendus, nous pourrions assister à un rebond au moins technique du marché mais il est difficile de dire combien de temps il faudra pour rétablir durablement la confiance. Ainsi, la construction des portefeuilles nécessite des ajustements afin de pallier aux changements de direction sur les marchés, les fameuses rotations sectorielles. Il est opportun de réduire les risques dans les portefeuilles et de privilégier un positionnement équilibré. Ceci implique de favoriser à la fois certains secteurs cycliques et défensifs, value et croissance.

Les incertitudes profitent aux sociétés défensives et plus généralement aux entreprises de qualité, qui se caractérisent par des bilans solides, des flux de trésorerie abondants et une proportion élevée de revenus récurrents. Normalement, ces actifs sont perçus comme ayant une «duration» longue et sous-performent lorsque l’économie est en reprise et/ou lorsque les taux longs grimpent. Par conséquent, il n’est pas surprenant d’avoir vu ce segment de marché à la traine pendant le fort rebond cyclique de l’hiver. Comme il est rationnel de les voir surperformer dans le contexte actuel, tendance qui pourrait perdurer. Par ailleurs, leurs valorisations étaient devenues plus attractives, en relatif, par rapport aux valeurs cycliques.

La santé est notre secteur défensif de prédilection. Les sociétés dans ce secteur attestent un positionnement concurrentiel durable, un fort pouvoir de fixation des prix et une moindre sensibilité au contexte économique. Des opportunités peuvent se présenter dans les télécommunications, qui ont entamé des politiques de hausse de prix pendant que la thèse d’une baisse des besoins de dépenses d’investissement sur les prochaines années fait son chemin. Enfin, les sociétés dans les services aux collectivités pourraient connaitre un environnement réglementaire plus favorable afin de stimuler la transition énergétique. En même temps, le secteur de la consommation courante est confronté aux effets de l’élasticité/prix de la demande suite aux hausses des prix sans précédent et à des valorisations élevées par rapport à la génération des bénéfices à moyen terme dans ce secteur. Une approche sélective s’impose.

Dans l’ensemble, cette crise augmente la probabilité d’un ralentissement économique plus marqué. Depuis 2021, avec les changements des politiques monétaires et la hausse des taux d’intérêt, nous avons privilégié les sociétés qui traitaient à des valorisations basses, associé au style value. Ces actions présentent toujours des valorisations attractives par rapport à leur moyenne historique ce qui n’est pas encore le cas des sociétés de croissance, malgré la compression des multiples de valorisation ces derniers trimestres. Cependant, la baisse des rendements obligataires et la perception de risques macro-économiques accrus, pourraient soutenir le style «croissance» des actions, au détriment du style «value».  A ce titre, nous avons récemment rajouté à notre exposition au secteur de la technologie.

Pour résumer, dans un environnement incertain, un portefeuille équilibré s’impose avec des marges de manœuvre tactiques afin d’accompagner l’évolution des probabilités des scenarii futurs. Enfin, la croissance de bénéfices, son évolution par rapport aux attentes actuelles et les politiques de retour aux actionnaires à travers les dividendes et le rachat de titres seront les principaux moteurs de performance des actions. Ceci devrait conduire à une plus grande dispersion des performances boursières entre entreprises lorsque nous sortirons de l’œil du cyclone.

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