Comment battre les actions américaines en investissant en Europe

Emmanuel Ferry, Banque Pâris Bertrand

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Investir sous l’angle du revenu permet de transformer la fragilité structurelle de l’Europe en opportunité dans les actions européennes.

La sous-performance boursière de l’Europe dans le cycle actuel ne fait aucun doute: +158% depuis la fin 2008 contre +280% pour les Etats-Unis, soit un écart annualisé de 4,3% (6,6% dans la même devise). Les causes souvent mises en avant sont la faiblesse de la croissance et la mauvaise gouvernance économique et monétaire. Les déséquilibres macro-financiers nés de l’euro ont muté à partir de 2007 en crise bancaire, crise souveraine, crise économique et enfin crise politique et sociale. Les deux années de perdues pour mettre en place des mesures de stimulation massive et non orthodoxes de la part de la BCE en coordination avec la Fed ont eu un coût très élevé. Les politiques d’austérité budgétaire se sont généralisées en 2011. Elles ont eu un caractère pro-cyclique désastreux en amplifiant la diffusion de la crise. Dans le domaine industriel, le complet ratage de la révolution numérique est à mettre au compte des institutions européennes qui n’ont pas su créer une dynamique continentale. A contrario, l’Europe était leader en 2000 dans la révolution TMT (technologie, média, télécom).

Le poids boursier des actions de la zone euro
est inférieur à son poids économique dans le monde.

Les marchés Actions de la zone euro sont sous-développés et en déclin. Ils représentent aujourd’hui seulement 10% de la capitalisation boursière mondiale contre 18% en 2001 et en 2008. Son poids boursier est inférieur à son poids économique dans le monde. Rapporté au PIB de la zone euro, le marché Actions représente 64% du PIB aujourd’hui contre 80% en 1999. Cela reflète une atrophie de l’offre (surreprésentation des secteurs régulés, peu de leaders européens à part le luxe, éviction des entreprises par les Etats surendettés), et de la demande (pas ou peu de fonds de pension, pas de Equity culture). Enfin, le dernier point concerne le secteur bancaire. Il est resté peu intégré, la logique de champions nationaux continuant à prévaloir sur une logique de consolidation pan-européenne.

Le cumul des risques politiques, souverains et monétaires crée des conditions particulièrement adverses pour les investisseurs en actions européennes. Face à cet environnement difficile, la réponse consiste généralement à rechercher soit la sécurité avec des portefeuilles de sociétés peu cycliques, soit un potentiel de re-rating en privilégiant les sociétés fortement décotées. Entre ces deux extrêmes, la recherche d’un rendement stable pour l’actionnaire permet de combiner solidité et convexité et constitue donc une solution particulièrement séduisante. La génération de revenus via les dividendes est source de convexité dans un marché difficile car les sociétés attachent une importance particulière à la stabilité de leurs dividendes, et qu’une augmentation du dividende est toujours une décision réfléchie qui constitue un signal positif quant aux perspectives de profits futurs. Le marché européen est particulièrement attractif à cet égard car les sociétés ont mené une politique financière conservatrice. Contrairement aux Etats-Unis, les sociétés européennes ont résisté au releveraging via des rachats d’actions massifs, dont le montant consolidé outre atlantique dépasse celui des dividendes. Les ratios d’endettement en Europe sont proches des plus bas alors qu’ils ont largement dépassé les plus hauts du cycle passé aux Etats-Unis. Il y a donc une vraie marge d’amélioration en termes de politique pro-actionnariale en Europe, qui n’existe pas ou plus ailleurs.

Mieux vaut combiner le niveau du rendement avec des critères permettant
d’évaluer le potentiel de croissance et de soutenabilité du dividende.

La forte exposition à la croissance globale constitue également un atout indéniable du marché européen. L’exposition à l’économie domestique ne représente au final que 50% du chiffre d’affaires de l’indice MSCI Europe, le reste étant réparti entre les USA et l’Asie. L’investisseur peut donc aisément diversifier le risque domestique et construire un portefeuille qui combine rendement pour l’actionnaire et exposition au dynamisme de la croissance mondiale. La question finale est celle du taux de rendement cible du portefeuille. Avec un rendement du dividende de 3,8% pour l’indice MSCI Europe, contre 1,9% pour l’indice MSCI USA, il n’y a nul besoin d’aller chercher les taux de rendement les plus élevés. Au contraire, un taux de rendement trop élevé (proche de deux chiffres) est bien souvent synonyme d’un risque important de diminution du dividende. Il est donc préférable de combiner le niveau du rendement avec des critères permettant d’évaluer le potentiel de croissance et de soutenabilité du dividende. Un portefeuille ainsi construit sur les principes de rendement ajusté du risque a été capable de performer aussi bien que les actions américaines depuis 2009. C’est encore le cas cette année.

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