Cocos: les risques à surveiller de près

Lidia Treiber, WisdomTree

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Les convertibles contingentes peuvent séduire, pour autant que leurs émetteurs soient solides et que l’on fasse confiance au régulateur.

L’année 2020 s’est avérée une année marquante pour les investisseurs: le confinement généralisé provoqué par l’épidémie de Covid-19 et le krach boursier qui lui a succédé ont modifié le profil de l’économie mondiale. La crise a été telle que près de la moitié des entreprises figurant dans l’indice FTSE 100 a réduit, annulé, ou reporté ses décisions concernant le versement des dividendes. Le secteur bancaire européen n'a pas échappé à ce phénomène: la Banque centrale européenne a en effet demandé aux banques de la zone euro d’interrompre le paiement de dividendes et de cesser les rachats d'actions afin de maintenir une liquidité suffisante dans un contexte économique marqué par la crise du Covid-19.

Cependant, le régulateur n’est pas encore intervenu sur le front des obligations convertibles contingentes (Coco AT1) des banques européennes et n’a pas demandé la cessation du paiement de leurs coupons. En effet, si ces derniers devaient ne plus être versés, cela pourrait impacter les spreads d’autres titres et en particulier provoquer un écartement des différentiels de rendement des obligations bénéficiant d’un degré supérieur de séniorité, du moins si les investisseurs venaient à douter de la solidité des banques.  

Pour les Cocos, c’est à un organe de surveillance de déterminer
quand le point de non-solvabilité d'une banque est atteint.

Dans ce contexte, trois facteurs-clés méritent toute l’attention des investisseurs. Le premier est le risque de réduction du nominal ou de conversion en actions. S’il reste important compte tenu des incertitudes quant aux conséquences économiques du Covid-19 et de l’accroissement des provisions pour pertes sur prêts, il semble relativement contenu pour le moment du fait que banques européennes bénéficient de ratios de fonds propres élevés. Leurs ratios de fonds propres CET1 (Common Equity Tier One) se situent en effet bien au-dessus des seuils de conversion qui sont en général de 5,125 et 7%.  Par ailleurs, il est important de souligner que, pour les Cocos, c’est à un organe de surveillance de déterminer quand le point de non-solvabilité d'une banque est atteint et qu'un renflouement légal devient nécessaire. Historiquement, le régulateur s’est montré précautionneux en la matière afin d’éviter de créer de la confusion autour de cette classe d'actifs.

Un deuxième risque est celui du non-versement des coupons. Il est limité à l’heure actuelle, les ratios de fonds propres élevés affichés par les banques tendant à indiquer qu’elles respectent les exigences de fonds propres définies par le régulateur et sont donc en mesure de continuer à payer les coupons de leurs emprunts (précisons que les coupons des Cocos font l’objet d’un maximum distribuable s’ils doivent être suspendus, ceci afin de s'assurer que les banques maintiennent des coussins en capital suffisants). Cependant, les petites banques régionales peuvent se trouver confrontées à des pressions plus marquées, du fait qu’elles disposent de coussins moins importants et que leur accès aux marchés des capitaux est plus restreint que celui des grandes banques bien dotées en fonds propres.

Il est indispensable d’avoir une certaine
conviction vis-à-vis de l’actif concerné.

Le risque de non-usage de la première option de remboursement est également à surveiller avec attention. Ce risque s’accroît parce que les marchés du crédit ont subi une vaste réévaluation de leurs risques et que les rendements y ont progressé depuis leurs plus bas de janvier 2020. Les banques dont les Cocos sont potentiellement remboursables au cours des 12 prochains mois pourraient choisir de repousser la date de ces remboursements, car les coûts des nouvelles émissions ont considérablement augmenté.

En 2019, la plupart des émetteurs ont procédé au remboursement de leurs CoCos AT1 à la première échéance possible et, dans de nombreux cas, ils les ont remplacées par de nouvelles émissions. La Banco Santander a fait exception, car elle a laissé passer la première date possible de remboursement de son émission obligataire AT1 libellée en euros. En revanche, peu de temps après, elle a procédé au remboursement de ses obligations AT1 libellées en dollars américains. Cette année, Deutsche Bank (DB) a renoncé à exercer l’option de remboursement de ses Cocos libellées en dollars alors que la date de cette première option se situait en avril. La prochaine date de remboursement pour ces AT1 semble être dans 5 ans, aussi la banque pourrait-elle décider de ne les rembourser que lorsque les conditions de marché se seront normalisées.

La solidité des débiteurs et les orientations données par le régulateur sont des éléments importants à prendre en considération lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont les émetteurs les mieux à même de surmonter la crise actuelle. Les investisseurs qui sont confiants dans les fondamentaux du crédit des banques européennes et qui estiment que le régulateur est à même d’intervenir pour soutenir les banques et éviter tout risque systémique peuvent s’intéresser aux Cocos. En effet, qu’il s’agisse d’actions ou d’obligations, avant de procéder à un investissement, il est indispensable d’avoir une certaine conviction vis-à-vis de l’actif concerné.

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