Cash is back

Salima Barragan

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«Nous n’avons eu que le hors d’œuvre, et allons assister à une série de mesures», estime Vincent Juvyns de J.P. Morgan Asset Management.

 

Pour cette première partie de l’année, la déconvenue est de mise. Les rhétoriques de guerre commerciale, qui n’étaient, jusqu’à présent, qu’une guerre des mots, commencent à affecter le commerce mondial. «Bien que nous soyons toujours dans les Goldilocks, avec une croissance mondiale bien orientée, nous arrivons dans un environnement risk-off à cause de ces tensions», affirme Vincent Juvyns. Le stratégiste de J.P. Morgan Asset Management explique comment se positionner dans ce scénario.

Réduction des attentes globales

Bien que les signaux sur les marchés actions restent encourageants, Vincent Juvyns se positionne de manière défensive. «Si la guerre commerciale n’a pas lieu, l’on peut escompter de belles performances sur les marchés américains et émergents avec respectivement 20% et 10% de croissance des bénéfices. Mais dans le contexte actuel, nous nous attendons à des rendements moyens». Depuis le début de l’année, le niveau de confiance a fléchit, mais le curseur reste toujours sur les actions. Par ailleurs, les durations ont été augmentées comme amortisseurs si la situation s’envenime. «Nous sommes passés de négatif à neutre sur les durations, car la visibilité sur l’évolution des taux d’intérêts n’est pas bonne, mais aussi avec l’idée que dans un mouvement risk-off, nous prenons les risques sur nos convictions: les actions», explique le stratégiste. Enfin, il a construit une poche de liquidité car le bon du trésor américain à 2 ans devient rémunérateur.

Un taux à 3,5% n’est pas irréaliste
et le marché doit s’y préparer.

D’ici quelques mois, l’arrêt du Quantitative Easing devrait avoir un impact positif sur les valorisations des obligations globales. «Fondamentalement, c’est un scénario que nous maintenons car nous voyons un re-rating s’opérer en février avec un rendement des taux longs dépassant la barre des 3%», estime le stratégiste. «Un taux à 3,5% n’est pas irréaliste et le marché doit s’y préparer. Si une solution est trouvée pour empêcher cette guerre commerciale, l’on reviendra sur les fondamentaux, et cela devrait empêcher le seuil des 4% d’avoir un impact négatif sur les actions», rajoute-il.

Un été difficile sur le front européen

Le tassement des PMIs contraste avec une inflation en amélioration et une croissance réelle soutenue. Mais les discordes sur le Brexit, le sommet européen et la situation en Italie, qui a atteint son paroxysme, ont amplifié le décalage entre l’Europe et le reste du monde. Aussi, selon l’index de surprise économique sur les six premiers mois, la zone euro a le plus souffert des tensions commerciales.«Les déceptions en Europe ne sont pas de nature à gripper l’économie mondiale mais le marché européen, bien qu’étant actuellement bon marché, pourrait encore baisser», affirme Vincent Juvyns qui a réduit son exposition en Europe. Ces conditions pourraient continuer d’entraver la force de l’euro mais J.P. Morgan Asset Management reste légèrement favorable à la monnaie unique. Après avoir été victime du risque politique et de la posture conciliante de la BCE, elle devrait offrir un potentiel de rebond à la fin de l’assouplissement quantitatif, prévu à la fin de 2018.

«Nous sommes positifs sur la technologie européenne
qui se négocie avec une décote vis-à-vis des États-Unis.»

Un secteur semble pourtant se distinguer. «Nous sommes positifs sur la technologie européenne qui se négocie avec une décote vis-à-vis des États-Unis. D’ailleurs si la guerre commerciale s’intensifie, ce secteur devrait mieux s’en sortir car il produit ses propres semi-conducteurs et ses entreprises sont davantage orientées dans le «Business to Business», explique Vincent Juvyns. De plus, le stratégiste entrevoit aussi certaines opportunités pour les actionnaires les plus aguerris: «Le secteur bancaire pourrait être mis à l’épreuve cet été, mais devrait être une opportunité intéressante pour les investisseurs au cœur bien accroché».

Sur le marché obligataire, J.P. Morgan Asset Management favorise le segment «high yield» européen même si les valorisations restent chères. «Les fondamentaux et les durations ajustées y sont meilleurs qu’aux États-Unis», précise le stratégiste.

Une économie américaine sous stéroïdes

Au niveau macro-économique, tous les voyants sont dans le vert. «Le Capex est bien orienté, aidé par les nouvelles règles d’amortissement. L’inflation est bien au-dessus de l’objectif de la Fed», explique Vincent Juvyns pour qui la productivité est le seul indicateur à surveiller. Quatre hausses de taux sont prévues pour cette année, d’où une dynamique soutenue sur la partie courte de la courbe des taux. «L’essentiel de l’impact de la politique fiscale sera lissé dans le temps, donc bien que certaines interrogations subsistent, nous n’avons, pour l’instant, aucun élément tangible d’une récession», assure le stratégiste.

«La devise chinoise va prendre une place prépondérante
et elle pourrait supplanter le dollar US.»

Ses secteurs de prédilection aux États-Unis: les valeurs bancaires et les valeurs technologiques qui ont bien récupéré suite à quelques aléas. «En général, les secteurs cycliques s’en sortent mieux et nous n’assistons à aucune rotation sectorielle», souligne le stratégiste qui est surpondéré sur les États-Unis. Selon J.P. Morgan Asset Management, le potentiel des EPS (Earnings per Share) des grandes capitalisations boursières US n’est pas entièrement intégré dans leurs prix. Les petites et moyennes entreprises, quant à elles, seront à même de mieux profiter du stimulus fiscal et seront moins enclin à souffrir d’une appréciation du dollar US. «Nous privilégions les secteurs cycliques à forte croissance et évitons les fournisseurs d’énergie et le secteur de la consommation courante car les «bonds proxies» sont très endettés», rajoute le stratégiste. Comme source de diversification sur le marché US, il préconise en complément les stratégies alternatives de type long-short.

Le renminbi, la devise du future

Sur les marchés émergents, J.P. Morgan Asset Management reste prudente à cause de divergences sur les données économiques et de l’environnement géopolitique fragile. Elle a réduit son exposition à la dette émergente mais a maintenu la légère surpondération qu’elle avait en ce début d’année sur les marchés actions. «Sur un horizon de 6 à 12 mois, nous restons neutres sur ce marché qui a souffert du rally du dollar US même si ce dernier semble jouer un rôle de valeur refuge», explique Vincent Juvyns.

Néanmoins, deux marchés retiennent son attention: l’Inde, dont le capex a repris et qu’il considère comme un moteur de la croissance mondiale, et le marché chinois, dont les métriques demeurent bien orientées. «La dynamique est toujours soutenue avec une croissance prévue proche de 7%», souligne Vincent Juvyns. «La Chine a laissé filer le renminbi. Mais selon la PPA et l’indice Big Mac, le dollar US est trop cher». Pour le stratégiste,  il n’y a pas de doutes: «Nous allons vivre un passage de flambeau avec le renminbi. D’ici quelques décennies, la devise chinoise va prendre une place prépondérante et elle pourrait supplanter le dollar US», conclu-t-il.