Au lendemain des élections en Turquie

Karine Hirn, East Capital

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L’attention des investisseurs monopolisée par les défis économiques.

 

Les résultats des élections présidentielles et parlementaires en Turquie le 24 juin sont tombés. Avec un taux de participation très élevé de 87%, le président Erdoğan et le parti de la Justice et du Développement (AKP) s’assurent le contrôle du pays pour les cinq prochaines années, avec 52,5% des votes dès le premier tour des présidentielles et 54% des sièges du parlement pour l’alliance AKP-MHP. Ces élections étaient historiques tout en ayant finalement qu’une importance minime pour les investisseurs qui vont continuer à focaliser leur attention sur comment la Turquie peut sortir de ses difficultés économiques et financières ainsi que suivre de près les futurs agissements de la Banque Centrale.

Pourquoi historiques?

Les élections du 24 juin, un double scrutin inédit dans l’histoire du pays, sont importantes car elles représentent la transformation de la Turquie d’un système parlementaire à un système présidentiel, à la suite du référendum constitutionnel d’avril 2017. Le président Erdoğan dont la mainmise sur le pouvoir a progressivement augmenté pendant les dernières 15 années, contrôle maintenant les pouvoirs exécutif et judiciaire.

De plus, ces élections ont été anticipées de 17 mois; alors que le AKP qui traditionnellement a bâti ses succès électoraux sur les succès économiques du pays aurait des raisons de craindre un désenchantement populaire du fait de la dégradation accélérée des indicateurs économiques. Politiquement l’annonce en avril d’élections en juin était aussi considérée comme une manœuvre astucieuse pour empêcher l’opposition de s’organiser et de se mobiliser.  

 La Turquie a été déclassifiée
par les trois grandes agences de notations.
Une économie vacillante

Un manque de discipline en termes de politiques monétaire et fiscale, et une politique budgétaire expansionniste ont entrainé une situation difficile. La Banque Centrale, accusée d’être sous influence présidentielle, a perdu toute crédibilité auprès des investisseurs, après plusieurs années consécutives au cours desquelles les objectifs d’inflation ne sont jamais atteints. La devise locale, la livre turque s’est effondrée de 25% depuis janvier 2018 et l’inflation annuelle est montée à 12%. Il est prévu que le rythme de la croissance économique - fort en 2017 et pendant le premier trimestre 2018 (de l’ordre de +7,4% pour les deux périodes) -, chute à 3,5%-4% pour 2018.

Enfin le solde du compte courant s’est creusé pour atteindre 55 milliards de dollars en glissement annuel, représentant 6,3% du PIB. Ce solde est structurellement déficitaire mais a, par le passé, pu être financé en partie par des investissements directs étrangers qui se réduisent du fait d’un climat des affaires et politique dégradé et en partie par les investissements instables et vulnérables. La Turquie a été déclassifiée par les trois grandes agences de notations, et souffre, comme d'autres pays émergents souffrant de déséquilibres économiques, d’un contexte mondial de resserrement des politiques monétaires, entraînant un reflux de leurs devises notamment sous l’effet des réformes fiscales américaines. Les réserves de change s’amenuisent (80 milliards de dollars).  

Le PER moyen se situe en-dessous de 7.
Un marché turbulent

La bourse d’Istanbul a perdu 30% depuis le début de l’année (en dollars), après des gains de 47% en 2017. Le marché turc, sur lequel les fonds East Capital investissent depuis 2001, est un habitué des turbulences et de la volatilité.

Mais le système bancaire est solide et prudent; et les équipes de gestion des entreprises présentes dans nos portefeuilles démontrent une aptitude à naviguer sans perdre le cap. Le PER moyen du marché se situe en dessous de 7, ce qui représente un discount de 44% par rapport aux autres pays émergents, un niveau record, observé pour la dernière fois en 2008. Beaucoup de titres turcs offrent des valorisations dont les niveaux nous semblent trop faibles pour être ignorés et nous en avons profité pour consolider nos portefeuilles en nous concentrant sur nos convictions et sur des entreprises de qualité supérieure.

Une fois les célébrations de la double victoire de l’AKP passées, le gouvernement devra se mettre directement au travail, car comment résoudre les déséquilibres évoqués est la véritable question que se posent aujourd’hui les investisseurs, plus importante que les résultats d'élections.