Attention à la frugalité

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

2 minutes de lecture

Pourquoi la Suisse se refuse-t-elle une politique familiale à la hauteur de celle des pays nordiques alors que ses ressources sont plus élevées?

Dans les pays de l’OCDE, les dépenses sociales représentaient 20% du PIB en moyenne en 20181. Les retraites constituent la part la plus importante de ces dépenses, à 8% du PIB. Des 34 pays de l’échantillon, la France est le pays qui dépense le plus (31% de son PIB) et, à l’opposé, le Mexique celui qui dépense le moins (13% du PIB). Les dépenses sociales représentent environ 16% du PIB en Suisse, un niveau plus proche de celui de la Turquie que du niveau moyen de l’OCDE. En revanche, en comprenant les dépenses de l’assurance maladie – obligatoires et financées par les familles elles-mêmes – la Suisse se retrouve au-dessus de la moyenne (4,7% du PIB dépensés pour l’assurance maladie privée en 2016). Ainsi, si l’on inclut les dépenses privées et que l’on corrige en fonction du système d’imposition qui souvent finance une partie des dépenses sociales, la Suisse grimpe de la 26e à la 11e place. La France reste numéro un dans les deux cas, mais les Etats-Unis font un bond de la 21e place à la deuxième. Le Mexique demeure en queue de peloton, qu’importe la définition. 

La Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède dépensent deux fois plus
que la Suisse pour atteindre un taux de pauvreté infantile inférieurs.

Au sein de l’ensemble des dépenses sociales, celles en faveur des familles représentent environ 2% du PIB des pays-membres de l’OCDE. La Suisse, pour sa part, alloue environ 1,7% de son PIB au profit des familles et affiche un taux de pauvreté des enfants proche de 10%. Dans l’ensemble, cette performance est au-dessus de la moyenne. Elle est très largement supérieure à celle de la Turquie (qui consacre environ 0,4% de son PIB aux familles) où le taux de pauvreté infantile est supérieur à 25%, ainsi qu’à celle des Etats-Unis, avec un taux de dépenses en faveur des familles s’élevant à 0,7% du PIB et où le taux de pauvreté est de 20%. On découvre par ailleurs dans l’étude de l’OCDE que les pays nordiques surperforment dans ce domaine. C’est le Danemark qui dépense le plus pour les familles, à 3,4% du PIB et qui se targue également du taux de pauvreté le plus faible à environ 2%. La Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède ont tous des taux de pauvreté infantile inférieurs à celui de la Suisse et dépensent deux fois plus que la Suisse pour y parvenir. 

Selon le FMI, la Suisse se classerait au 3e rang du PIB nominal par personne au niveau mondial, suivie par la Norvège et l’Islande (4e et 5e). Le Danemark se trouve au 10e rang et la Suède au 12e

La loi Suisse ne garantit aucun congé paternité
alors que dans l’Europe des 28, pratiquement tous les pays en offrent un.

Pourquoi la Suisse se refuse-t-elle une politique familiale à la hauteur de celle des pays nordiques alors que ses ressources sont plus élevées? Prenons le congé paternité comme exemple (celui attribué spécifiquement aux pères).  Dans l’Europe des 28, pratiquement tous les pays en offrent un, même si sa durée est très variable. La Slovénie et la Finlande offrent 13 et 9 semaines respectivement, tandis qu’en Italie la durée se limite à un jour, pour une moyenne dans l’Union de 12,5 jours2. La loi Suisse ne garantit aucun congé paternité, même si les nouveaux pères peuvent demander un ou deux jours dans le contexte des jours permis dans le cadre des évènements familiaux3

La Suisse doit saisir cette opportunité pour dépasser sa frugalité, au risque d’en payer le prix autrement. Mieux vaut agir que subir. 

1  «Social Expenditure Update 2019», OECD 2019. 
2  Janna van Belle, « Paternity and parental leave policies across the European Union », RAND Europe. 
3  «Paternity leave», www.ch.ch.
 

A lire aussi...