«Springbreak» sur les taux?

Thomas Planell, DNCA Invest

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La divergence croissante des politiques monétaires n’est pas la seule source d’irrégularité.

© Keystone

«Springbreak» sur les taux? Pas en zone euro! Après 8 hausses consécutives, le programme de hausse des taux de la BCE (3,5%, un plus haut de deux décennies) continue. Tandis que la Fed marque le pas… Pourquoi Jerome Powell a-t-il donc manqué l’opportunité de relever ses taux alors que les projections terminales des gouverneurs de la Fed passent de 5,1 à 5,6% en 3 trois mois? Plafond de la dette, fragilité du système bancaire depuis SVB, erreurs de communication interne avant la quiet period… le Président de l’institution financière la plus puissante du monde semble avoir dû, contrairement à Christine Lagarde, retirer temporairement la main de fer de son gant de velours…

Un retour en force de la tech?

Un velours qui se fait or: 50 milliards de dollars de capitalisation boursière offerts aux actionnaires de Nvidia le soir de l’annonce grâce à une hausse de 5% du titre.

Alors, retour de l’esprit FOMO (Fear of missing out)? Ou bien l’IA, si friande de la capacité de calcul du géant de la carte graphique, est-elle devenue le nouvel actif sans risque dans un monde où la croissance se raréfie?

Il est clair qu’à 200x les résultats pour Nvidia, il est délicat de répondre par l’affirmative. Néanmoins le narratif d’une croissance en berne est renforcé par la perception que le stimulus chinois est un aveu clair du ralentissement le pays qui pèse pour 20% du PIB mondial… L’adynamie de la reprise chinoise, la remontée du chômage des jeunes, la crise immobilière peuvent légitimement nourrir le ressentiment social, ennemi public numéro un de Xi…

La divergence croissante des politiques monétaires (qui peut s’expliquer par le fait qu’elles n’ont pas toutes le même mandat!) n’est pas la seule source d’irrégularité du paysage qui s’offre aux yeux des investisseurs.

Quoi de mieux donc que de relâcher les conditions de crédit pour soutenir le grand bond en avant vers le tout électrique que le parti s’efforce d’organiser dans les campagnes? 69 véhicules à batterie sont donc au catalogue de cette grande offre promotionnelle sponsorisée par l’Etat. Le Japon n’est pas en reste: 120 milliards de Yen de subventions ont été promis à Toyota pour la construction de sa gigafactory sur le sol impérial.

Les valeurs européennes cycliques, notamment l’automobile, les minières (et le luxe, qui n’est pas forcément la priorité de la politique de prospérité commune du parti…) reprennent donc des couleurs en bourse, sans pour autant rivaliser avec la performance et la valorisation de Nvidia, sans qui le S&P500 aurait clôturé dans le rouge après son rendez-vous avec la Fed.

La divergence croissante des politiques monétaires (qui peut s’expliquer par le fait qu’elles n’ont pas toutes le même mandat!) n’est pas la seule source d’irrégularité du paysage qui s’offre aux yeux des investisseurs. Entre récession manufacturière et résilience du consommateur, les marchés balancent… teintés peut-être du même optimisme que les consommateurs américains et européens, peu inquiets de perdre leur emploi?

Quoiqu’il en soit, au fur et à mesure du renchérissement de leurs multiples, les actions continuent de s’affranchir de la politique restrictive qui continue de peser sur les marchés obligataires. Quoique toujours négatifs en Europe, les taux réels aux Etats-Unis (2,7% à 2 ans, 1,5% à dix ans) n’ont pas empêché Apple de franchir son record historique précédent… 180 dollars fin 2021, quand le 10 ans américain affichait un rendement négatif de -1% en termes réels!

Cette étonnante convexité de la tech américaine (quoique gâchée par la déculottée de 2022) semble trop belle pour être vraie…

Alors, face à l’absence de répit pour les taux, le marché actions aurait-il fêté son «springbreak» trop tôt?

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