Vaccins: l’UE accuse AstraZeneca de «violation flagrante» du contrat

AWP

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Au coeur du débat: l’UE reproche à AstraZeneca de ne lui avoir livré au premier trimestre 2021 que 30 millions de doses de son sérum, soit 25% des quantités promises au terme d’un contrat conclu en septembre dernier.

L’Union européenne (UE) a accusé mercredi AstraZeneca de «violation flagrante» du contrat d’achat de vaccins anti-Covid. Bruelles reproche au laboratoire pharmaceutique suédo-britannique de ne pas avoir mobilisé rapidement le maximum de ses capacités de production en Europe pour fournir les Vingt-Sept.

Dans ce litige désormais arbitré par la justice belge, la première offensive a été portée par Me Rafaël Jeffareli, qui défend les intérêts des pays membres et de la Commission (ayant négocié en leur nom les conditions d’achat). Au coeur du débat: l’UE reproche à AstraZeneca de ne lui avoir livré au premier trimestre 2021 que 30 millions de doses de son sérum, soit 25% des quantités promises au terme d’un contrat conclu en septembre dernier.

Le groupe suédo-britannique dément tout violation des termes de l’accord, et juge «sans fondement» l’action intentée contre lui devant le tribunal civil de Bruxelles. Le sujet est sensible car les livraisons bien plus réduites que prévu de ce vaccin --un des quatre homologués dans l’UE contre le coronavirus-- ont eu pour effet de ralentir les campagnes de vaccination cet hiver.

«Meilleurs efforts raisonnables»

Les discussions tournent autour de l’interprétation de la notion de «meilleurs efforts raisonnables» pour satisfaire le client, en l’occurrence les pays de l’UE. Le bloc européen estime, à l’inverse du laboratoire, que ces efforts n’ont pas été déployés par ce dernier, qui aurait trop longtemps privilégié l’approvisionnement du Royaume-Uni au détriment du marché continental.

Me Jeffareli a expliqué à l’audience que pendant plusieurs semaines après l’accord de septembre, l’usine néerlandaise d’AstraZeneca (exploitée par son sous-traitant Halix) avait continué d’alimenter d’autres marchés que celui de l’UE.

«Les meilleurs efforts raisonnables, ça implique une flexibilité ! Pourquoi le basculement du site d’Halix (vers l’approvisionnement de l’UE) n’a commencé que le 13 octobre ?», a lancé l’avocat. «AstraZeneca n’a même pas utilisé la totalité des outils qui étaient à sa disposition», a-t-il ajouté, en affirmant que le groupe pouvait à l’époque mobiliser «six sites de production pour respecter le calendrier fixé».

L’usine d’Halix, à Leiden aux Pays-Bas, aurait également approvisionné le Japon à la fin de l’an dernier, selon lui. Au total, «50 millions de doses ont été détournées vers des pays tiers en violation flagrante du contrat», a accusé Me Jeffareli.

Difficultés de «rendement»

Après l’échec d’une tentative de règlement à l’amiable, la Commission européenne avait annoncé le 26 avril avoir saisi la justice pour arbitrer ce conflit. Dans un premier temps, devant un juge saisi en urgence (le contrat signé est de droit belge), les 27 pays membres réclament de recevoir les doses promises pour le premier trimestre.

L’échéance du contrat a été fixée à mi-juin, selon la Commission. L’UE estime que le laboratoire devra s’acquitter de pénalités financières s’il ne respecte pas ce calendrier. Sur le premier semestre, le retard à rattraper pourrait porter sur 200 millions de doses : 90 non livrées au premier trimestre et 110 autres au second (où AstraZeneca n’a prévu de livrer que 70 des 180 millions de doses initialement annoncées).

«Si on regarde le verre à moitié plein, nous avons livré plus de 400 millions de doses (au niveau mondial) et sauvé des dizaines de milliers de vies», s’est défendu ce week-end dans le Financial Times le patron de la multinationale Pascal Soriot. Dans un entretien au journal italien La Repubblica fin janvier, M. Soriot avait déjà livré sa vision des «meilleurs efforts raisonnables».

«On a dit: on fera de notre mieux, sans garantie de réussir», avait affirmé le dirigeant franco-australien, en arguant de difficultés de «rendement» dues au retard pris par des partenaires du groupe devant «apprendre» le processus de production. Une usine belge exploitée par un autre sous-traitant avait d’ailleurs été inspectée en janvier sur ordre de la Commission.

Après les plaidoiries des avocats de l’UE, la parole devait revenir mercredi après-midi à ceux du groupe pharmaceutique. Une autre audience pourrait être programmée si besoin d’ici à début juin. La décision du juge des référés ne devrait pas être rendue avant plusieurs semaines.

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