Repo: fin d’année agitée pour un rouage clé sur les marchés

AWP

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Le taux de repo pourrait créer des tensions en cette fin d’année malgré les milliards injectés par la banque centrale américaine.

A Wall Street, les acteurs de marché scrutent avec appréhension un mécanisme essentiel dans la plomberie du système financier - le «taux de repo» - qui pourrait créer des tensions en cette fin d’année malgré les milliards injectés par la banque centrale américaine.

Si les rouages se grippaient trop longtemps, l’ensemble des marchés pourrait manquer de cash et certaines petites sociétés financières, faute d’argent immédiatement disponible, pourraient avoir à mettre la clé sous la porte.

Tout a commencé en septembre, quand une brusque poussée de fièvre a fait bondir de 2% à 10% le taux d’un instrument discret mais crucial pour le financement des opérations quotidiennes des banques, assureurs et autres sociétés d’investissements: le marché de la pension livrée à un jour (repo). Des établissements s’y prêtent chaque jour plus de 1'000 milliards de dollars avec en garantie des produits jugés très sûrs comme les bons du Trésor.

Ces turbulences, imputées à une pénurie d’argent disponible sur le champ, avaient conduit la banque centrale américaine (Fed) à intervenir sur le marché monétaire pour la première fois depuis la crise de 2007-2009.

Or les professionnels savent que le cash se raréfie sur ce marché à chaque fin d’année, quand les banques doivent démontrer qu’elles ont suffisamment de liquidités sur leurs comptes pour faire face à un éventuel choc financier.

Ils sont d’autant plus inquiets que les facteurs qui avaient précipité les tensions en septembre, le paiement d’impôts pour de nombreuses entreprises et des ventes massives de bons du Trésor, vont se répéter le 16 décembre.

La Fed à la rescousse

La Fed a sorti le grand jeu pour renflouer les réserves des établissements financiers, mobilisant plusieurs centaines de milliards de dollars en intervenant directement sur le marché monétaire ou en achetant des bons du Trésor.

Sans aller jusqu’à imaginer un effondrement du système financier comme en 2008, quand les banques ont arrêté de se prêter entre elles par peur que l’une d’elles fasse faillite, certains se demandent si ces efforts seront suffisants.

Et s’interrogent sur l’attitude des banques: pourquoi n’ont-elles pas profité de la soudaine envolée des taux en septembre pour gagner de l’argent en prêtant davantage puisqu’elles avaient à leur disposition des réserves abondantes?

Le patron de JPMorgan Chase, Jamie Dimon, a mis en cause les réglementations qui leur imposent de détenir un montant minimum de liquidités.

Pour l’ancien gouverneur de la Fed, Daniel Tarullo, partisan après la crise financière d’une stricte supervision des établissements financiers, Jamie Dimon n’a peut-être pas complètement tort: «Si toutes les banques s’assoient sur leur coussin de liquidités (...) dans l’anticipation d’une défaillance, cela pourrait aboutir à des conséquences» néfastes en périodes difficiles, a-t-il dit lors d’une conférence jeudi au Brooking Institute.

«Au moment où les banques font état de bénéfices record, ce serait le comble que le chaos inexpliqué dans un petit coin du marché bancaire devienne une excuse pour assouplir davantage les règles qui protègent l’économie», a toutefois jugé la candidate démocrate à la présidentielle, Elizabeth Warren, se faisant l’écho de plusieurs observateurs.

Agacement

Le Conseil américain de surveillance de la stabilité financière (FSOC), responsable de la régulation du secteur bancaire, a en tout cas indiqué la semaine dernière avoir lancé une enquête sur ce qui s’était passé en septembre.

Au-delà des facteurs diminuant ponctuellement le montant d’argent immédiatement disponible pour les opérations repo, les réserves des banques se sont effritées depuis que la Fed a décidé, en 2018, de ralentir son soutien monétaire.

Dans le même temps, ces mêmes établissements ont utilisé beaucoup de cash pour acheter, comme la loi les y oblige, la dette émise en abondance par l’administration de Donald Trump pour combler le déficit des Etats-Unis.

Profitant des largesses des banques centrales depuis dix ans, les salles de marché ont par ailleurs perdu l’habitude de gérer les pics de volatilité, observe Patricia Mosser, économiste à l’université Coloumbia, à l’institut Brookings.

«En gros, cet automne, le système financier a réappris à fonctionner» avec de nouvelles règles, a estimé la spécialiste.

La Banque des règlements internationaux (BRI), considérée comme la banque centrale des banques centrales, a dans un rapport publié dimanche mis en garde contre les fragilités apparues en septembre.

L’organisation s’inquiète notamment que la majeure partie des opérations repose sur quatre grandes banques qui, dans la catégorie de leurs actifs rapidement monétisables, possèdent de plus en plus de bons du Trésor et de moins en moins de réserves immédiatement disponibles.

Jim Vogel, stratégiste marché obligataire chez FHN Financial, ressent pour sa part «un mélange d’inquiétude et d’agacement» sur le marché.

Dépenser du temps et de l’argent pour de simples opérations de tuyauterie financière «réduit les ressources disponibles pour les activités qui rapportent de l’argent», explique-t-il.

En même temps, si la Fed ne parvient pas à maintenir le marché monétaire sous contrôle malgré tous les signaux d’avertissement, cela représentera «une distraction» à un moment «où elle devrait plutôt se concentrer sur la fixation des taux d’intérêt en 2020».

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