La Chine renforce sa supervision financière

AWP

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La fusion du gendarme des banques et de celui des assureurs accompagne une réorganisation plus générale, a rappelé le Premier ministre, Li Keqiang.

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Dette colossale, failles réglementaires, produits d’investissement opaques... Soucieuse de contrer plus efficacement les risques financiers qui menacent son économie, la Chine va fusionner ses autorités de régulation du secteur bancaire et des assurances, tout en musclant le rôle de la banque centrale.

La fusion du gendarme des banques (CBRC) et de celui des assureurs (CIRC), largement attendue, s’inscrit dans un vaste projet de réorganisation des ministères et des administrations centrales, présenté mardi au parlement par le conseiller d’Etat Wang Yong.

Le rapprochement vise à rendre «plus solide et plus efficace le cadre réglementaire» et à mieux «empêcher l’émergence de risques financiers systémiques», a expliqué M. Wang.

Les tâches respectives de la CBRC et de la CIRC tendaient à se recouper tout en entretenant des «lacunes» grandissantes, a-t-il noté.

A l’heure où la dette publique et privée chinoise dépasse 250% du PIB, avivant la menace d’une crise financière ou d’une déstabilisation de l’économie, Pékin a fait du combat contre les risques financiers une «bataille décisive».

Le régime s’attaque à la «finance de l’ombre» (instruments de crédit peu régulés), aux créances douteuses des banques, aux produits d’investissement opaques, ainsi qu’aux conglomérats privés très endettés.

Fustigé pour sa gestion, le groupe privé Anbang, troisième assureur du pays, est récemment passé sous contrôle étatique et placé sous la tutelle... de la CIRC.

Failles

Jusqu’ici, la supervision financière restait strictement compartimentée... alors même que l’essor fulgurant de la finance sur internet ou de produits de placement diffusés aussi bien par les assureurs que par des applications de paiement électronique compliquaient la donne.

«Beaucoup d’activités financières ne relevaient clairement ni de la banque ni de l’assurance (...), ce brouillage entretenait le désordre» et favorisait les failles, indique à l’AFP Betty Wang, analyste de la banque ANZ.

Du coup, «l’orientation change complètement, d’une régulation par secteur à la régulation d’activités financières spécifiques (...) c’est mieux adapté à l’évolution des pratiques», commente-t-elle.

Dans le même temps, la responsabilité d’établir de nouvelles lois et règlements, jusqu’alors dévolue aux régulateurs, sera confiée à la banque centrale (PBOC) – qui voit donc son pouvoir accru juste avant la nomination d’un nouveau gouverneur.

«En plus de la politique monétaire, elle aura une tâche de législateur (...) et le nouveau super-régulateur appliquera principalement des politiques que décidera la PBOC», estime Zhou Hao, expert de Commerzbank cité par Bloomberg.

Surtout, la banque centrale jouera un rôle de «coordinateur» en chef de la supervision financière, insiste Mme Wang. «Jusqu’alors, les régulateurs peinaient à communiquer ou à s’échanger des informations, créant de nombreux angles morts».

Reste à savoir qui prendra la tête du super-gendarme des banques et des assureurs.

La CIRC était sans dirigeant depuis le placement sous enquête, pour corruption, de son président Xiang Junbo. Le président de la CBRC Guo Shuqing, loué pour son efficacité, est lui pressenti pour prendre la tête... de la PBOC.

Enfin, le sort de la troisième autorité de régulation financière, en charge des marchés financiers et très critiquée pour sa gestion du krach boursier de 2015, n’était pas évoqué.

Révolutionnaires

Autre changement dévoilé mardi: la Chine va établir un «Bureau de supervision du marché» afin de garantir un environnement «équitable et concurrentiel». Il réunira la lutte anti-monopoles, le contrôle de la qualité, la sécurité alimentaire, la régulation pharmaceutique...

Ces différentes réformes devraient être entérinées dans les prochains jours par l’Assemblée nationale populaire (ANP), chambre d’enregistrement législative du régime.

Selon le conseiller d’Etat Wang Yong, elles «élimineront les déficiences institutionnelles qui empêchaient le marché de jouer un rôle décisif dans l’allocation des ressources».

Une supervision financière plus stricte accompagnerait donc les efforts de désendettement des autorités, en permettant d’allouer plus de capitaux à «l’économie réelle» plutôt qu’à la pure spéculation et aux investissements «irrationnels» dopés au crédit.

Conseiller du président Xi Jinping et architecte de la politique économique, Liu He a pour sa part vanté mardi dans le très officiel Quotidien du Peuple des changements «révolutionnaires» et «profonds».

Enfin, certains ministères verront leur portefeuille renforcé: rebaptisé, le «ministère de l’Environnement et de l’Ecologie» sera ainsi chargé du changement climatique, dossier qui relevait jusqu’ici de la puissante agence de planification (NDRC), et centralisera la lutte anti-pollution.