La BCE va arrêter son programme de QE malgré les risques

AWP

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La fin de ce programme intervient à un moment où la conjoncture en zone euro montre des signes de faiblesse.

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La Banque centrale européenne doit entériner jeudi l’arrêt de son programme historique de rachats d’actifs lancé en 2015, mais l’accumulation de risques devrait la pousser à temporiser avant de retirer son soutien à l’économie.

Annoncée avant l’été mais effective fin décembre, la fin de ce programme appelé QE «intervient à un moment où la conjoncture en zone euro montre des signes de faiblesse. La BCE devra s’en expliquer», estime Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.

A lui seul, l’abandon des achats nets de dette privée et publique constitue un tournant majeur, alors que l’institut de Francfort a injecté 2600 milliards d’euros par ce biais depuis mars 2015.

Si cet effort inédit a facilité l’accès au crédit, permettant de soutenir l’activité et écarter le spectre de la déflation, il s’avère moins justifié maintenant que la zone euro en est à une cinquième année consécutive de croissance.

Pas question pour autant de durcir nettement la politique monétaire, tant les nuages s’amoncellent sur l’économie. Au contraire, la BCE «va laisser ses options ouvertes quant à la trajectoire future de sa politique», pronostique Capital Economics.

Inquiétudes

Car les plans initiaux de l’institut, consistant à enterrer le programme de rachat d’actifs au moment où la croissance était solide et l’inflation gagnait en vigueur, sont «désormais sous pression», résume Gilles Moec, économiste chez Bank of America Merrill Lynch.

Plus sévère, Thomas Mayer, directeur de l’institut Flossbach von Storch de Cologne, juge auprès du Handelsblatt que la BCE «aurait dû cesser son programme d’assouplissement quantitatif et sa politique de taux d’intérêt négatifs depuis longtemps», et risque d’»affronter la prochaine récession sans aucune préparation».

Dans l’immédiat, les observateurs s’attendent à voir la banque centrale réviser à la baisse ses prévisions macro-économiques pour 2018 et 2019, et scruteront particulièrement ses premières estimations pour 2021.

Loin de s’apaiser, les inquiétudes liées au conflit commercial entre Washington et ses principaux partenaires continuent d’empoisonner les marchés financiers et peser sur les perspectives de croissance.

Côté européen, l’incertitude est encore montée d’un cran après le report lundi du vote crucial du Parlement britannique sur l’accord sur le Brexit, prévu initialement mardi. Et le conflit budgétaire entre l’Italie et l’UE n’est pas résolu.

Souplesse

Enfin, les banquiers centraux ne pourront ignorer la situation en France, plongée en plein conflit social des «gilets jaunes» et où la croissance sera moins forte que prévu au quatrième trimestre, selon le gouvernement français et la Banque de France.

L’inflation en zone euro a de son côté décéléré en novembre à 2% sur un an, après 2,2% en octobre, même si elle reste au-dessus de l’objectif fixé par la BCE, soit un niveau légèrement inférieur à 2% «à moyen terme».

Jonglant avec ces différentes données, le président de la BCE Mario Draghi devrait délivrer jeudi un message nuancé face à la presse, en évitant de se montrer alarmiste à propos de la croissance, tout en conservant de la souplesse sur la politique monétaire.

Depuis plusieurs mois, l’institution martèle qu’elle maintiendra ses taux d’intérêt à leur plus bas niveau «au moins» jusqu’à l’été 2019, une échéance qui devrait être progressivement affinée l’année prochaine.

Par ailleurs, l’arrêt du programme d’assouplissement quantitatif ne signifie pas, loin s’en faut, que la BCE va cesser de soutenir directement l’économie. Car l’institution va continuer à injecter des milliards d’euros de liquidités sur le marché, en réinvestissant son stock pléthorique d’obligations au gré de leurs échéances.

La Banque centrale devrait préciser jeudi comment elle va procéder en la matière, afin de maintenir aussi longtemps que nécessaire des conditions favorables de financement.

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