La BCE plus agressive qu’attendue avec une hausse des taux de 0,50 point

AWP

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La Banque centrale européenne affiche sa détermination à combattre l’inflation galopante et mettre fin à une décennie d’argent facilement accessible en zone euro. Elle s’accorde aussi sur son outil antifragmentation.

La Banque centrale européenne (BCE) a décidé jeudi d’augmenter ses taux d’intérêt pour la première fois en plus de dix ans, surprenant par une hausse plus importante que prévu pour combattre l’inflation et malgré la crise politique italienne.

Prise dans un arbitrage complexe entre hausse des prix et craintes de récession, l’institution de Francfort a choisi l’audace: elle relève ses trois taux directeurs de 50 points de base après avoir préparé les esprits à une hausse de 25 points seulement.

Le principal taux d’intérêt passe ainsi de zéro, niveau où il campait depuis 2016, à 0,50%, tandis que celui taxant une partie des liquidités bancaires non distribuées en crédit, remonte de -0,50% à zéro.

La décision sur ce tour de vis a été «unanime» face à une inflation qui «restera à un niveau élevé indésirable pendant un certain temps», selon la présidente de l’institution Christine Lagarde.

La hausse des prix en zone euro -8,6% en juin- ne cesse de s’accentuer sous l’effet conjugué de la reprise post-Covid, des tensions sur les chaînes d’approvisionnement et de la crise énergétique liée à l’offensive russe en Ukraine.

La BCE referme ainsi l’ère des taux négatifs entamée en 2014 et clôt une décennie de généreuse politique monétaire qui a permis de stimuler l’économie pendant les crises des dernières années.

Après cette forte impulsion, la BCE va «poursuivre la normalisation des taux» et ce «réunion par réunion», a assuré Mme Lagarde.

Le prochain rendez-vous monétaire est prévu en septembre avec de nouvelles prévisions économiques à la clé.

«L’inflation de la zone euro sur le reste de l’année restera élevée et la pression sur la BCE pour qu’elle agisse sera également élevée à court terme», juge Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez Pimco.

Cette décision «historique» reflète la crainte des gardiens de l’euro de voir se refermer la fenêtre d’opportunité pour une hausse des taux d’intérêt, analyse Carsten Brzeski, de la banque ING.

tâche complexe

Ce resserrement de la politique monétaire en zone euro a déjà été amorcé en juillet avec l’arrêt des nouveaux achats de dette sur les marchés.

Les autres banques centrales sont bien plus actives depuis des mois contre la flambée des prix, comme la Fed américaine qui a fait décoller ses taux en mars.

Mais la tâche de la BCE est plus complexe en raison des menaces grandissantes de coupure des approvisionnements de gaz russe, du risque que fait encourir la crise politique en Italie et de la chute de l’euro.

«L’horizon économique s’assombrit» et ce «pour la seconde moitié de 2022 et au-delà», a résumé Mme Lagarde.

En Italie – une des économies les plus vulnérables de la zone monétaire – le premier ministre et prédécesseur de Mme Lagarde à tête de la BCE, Mario Draghi, a remis jeudi sa démission. Des élections anticipées vont être organisées.

Son départ a immédiatement fait redécoller le taux d’emprunt italien sur le marché.

L'écart avec le taux allemand a atteint un plus haut depuis mi-juin 2022.

Outil contre la spéculation

Pour éloigner le spectre d’une nouvelle crise des dettes souveraines, la Banque centrale européenne a également annoncé jeudi un nouvel instrument pour protéger les Etats les plus fragiles contre des attaques spéculatives qui renchérissent leur coûts d’emprunt.

La BCE estime que ces «spreads» -- écart avec le taux de l’emprunt allemand sans risque -- gênent la transmission adéquate de sa politique monétaire.

Des conditions strictes d’utilisation de cet outil dénommé «instrument de protection de la transmission» (IPT) ont été définies, les gardiens de l’euro pouvant se voir reprocher de faire du financement d’État déguisé.

Mme Lagarde a éludé les questions répétées cherchant à savoir si l’Italie pourrait être le premier pays à bénéficier du parapluie de la BCE.

L’institut «ne prend pas position sur des questions politiques internes», a assuré l’ancienne patronne du FMI.

Mais s’il le faut, la BCE «n’hésitera pas» à recourir à l’IPT car elle est «capable de faire les choses en grand», a-t-elle martelé.

La BCE s’accorde sur des mesures pour aplanir les écarts de taux
La Banque centrale européenne a annoncé jeudi un nouvel instrument pour protéger les Etats les plus fragiles contre des attaques spéculatives sur leur dette, les marchés ayant en ligne de mire l’Italie où s’ouvre une période d’instabilité politique.
Cet outil «pourra être activé pour contrer les dynamiques de marché injustifiées et désordonnées qui menacent gravement la transmission de la politique monétaire dans la zone euro» qui vise un taux d’inflation de 2% à moyen terme, selon un communiqué à l’issue du Conseil des gouverneurs.
Depuis l’annonce en juin d’un durcissement de la politique monétaire par la BCE, concrétisé jeudi avec la première hausse des taux directeurs depuis 2011, les taux d’intérêt des dettes publiques européennes ont grimpé en flèche et l’écart entre les taux d’emprunts des différents pays s’est creusé.
La BCE parle de «fragmentation» de la zone euro qui gêne sa politique et doit donc être combattue.
L’emprunt de l’Italie se négociait jeudi en matinée au taux moyen de 3,55%, soit 223 points de base au-dessus du taux allemand à 10 ans, réputé sans risque.
Cet écart se resserrait légèrement, à 219 points de base, après les annonces de la BCE.
Face au risque d’une telle «fragmentation» allant en s’aggravant, voire d’une nouvelle crise de la dette comme celle de 2012, l’institution de Francfort a dégainé un nouvel outil censé calmer l’emballement des marchés.
Une des caractéristiques majeure de ce programme dénommé «TPI» (pour «Transmission Protection Instrument», «instrument de protection de la transmission») est que les achats de dette seront potentiellement illimités pour contrer les attaques spéculatives.
L’ampleur des achats au titre du TPI dépendra «de la gravité des risques auxquels est confrontée la transmission des politiques» monétaires.
En assurant une meilleure «transmission» de ses décisions auprès des entreprises et ménages, le «TPI» permettra à la BCE «de remplir plus efficacement son mandat en matière de stabilité des prix», ajoute l’institut.

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