G20: la Suisse inquiète sur les cryptomonnaies

AWP

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Le conseiller fédéral Ueli Maurer y a aussi plaidé pour une imposition appropriée de l’économie numérique.

La Suisse s’est inquiétée des cryptomonnaies lors de la réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales du G20 à Buenos Aires. Le conseiller fédéral Ueli Maurer y a aussi plaidé pour une imposition appropriée de l’économie numérique.

Ueli Maurer «s’est positionné activement en soulignant les risques que présentent les cryptomonnaies dans les domaines du blanchiment d’argent, du financement du terrorisme et de la protection des investisseurs», écrit mardi le Département fédéral des finances (DFF) dans un communiqué. Au plan multilatéral, le Groupe d’action financière (GAFI) devra se concentrer sur les deux premiers aspects.

La Suisse mise quant à elle sur le potentiel de la technologie blockchain, aussi dans les services financiers. Elle cherche d’ailleurs «délibérément mais avec prudence» à être considérée dans le monde entier comme le pays de la blockchain ou des technologies financières, relève le DFF.

En janvier, un groupe de travail sur la blockchain et les ICO (pour Initial Coin Offerings) a été institué, conjointement avec le gendarme des marchés financiers (FINMA) et l’Office fédéral de la justice. L’objectif: accroître la sécurité juridique, préserver l’intégrité de la place financière et garantir une réglementation neutre en matière de technologie.

Au sommet argentin, la Suisse a aussi eu son mot à dire sur la fiscalité de l’économie numérique. «Afin de garantir la sécurité juridique, d’éviter la surimposition ou la double imposition et de limiter les charges administratives, notamment en ce qui concerne les start-up et les petites entreprises, il faut renoncer à des mesures à court terme», écrivent les services du ministre des finances.

Il faudra se pencher sur les règles existantes en la matière dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), relève le DFF. Les nouvelles options possibles devront aussi être examinées.

Le sommet des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales du G20 s’est tenu sous la présidence argentine les 19 et 20 mars à Buenos Aires. La Suisse participait pour la troisième fois de suite à cette réunion ministérielle, sur invitation de l’Argentine. 

craintes des tensions qui plombent la croissance

A défaut de condamner les taxes de Donald Trump ou les surcapacités d’acier chinoises, les ministres des Finances du G20 ont redouté mardi que les «tensions économiques» ne plombent la croissance mondiale, à un moment où planent les risques de guerre commerciale.

«Nous avons parlé des principaux risques pour les perspectives (de croissance), parmi eux les vulnérabilités qui pourraient être le fruit de resserrement plus rapide que prévu des conditions financières et de tensions économiques et géopolitiques», ont affirmé les ministres du G20 dans leur communiqué final après leur réunion de deux jours à Buenos Aires.

Le texte, approuvé à trois jours de l’entrée en vigueur des taxes américaines de 25% sur les importations d’acier et de 10% sur celles d’aluminium, intervient à un moment où les deux grandes puissances économiques mondiales se livrent à un bras de fer sur l’acier, dont les Européens et d’autres alliés des Etats-Unis pourraient être les victimes collatérales.

«On a senti la volonté de la part des Américains de réduire les tensions», ont expliqué à l’AFP des sources du ministère des Finances après la rencontre lundi à Buenos Aires entre le Français Bruno Le Maire et le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin en marge de la réunion.

Les Européens demandent aux Etats-Unis de les exempter des taxes douanières, rappelant qu’ils sont des alliés de Washington et qu’ils ne sont pas la source du problème, contrairement à la Chine.

Au milieu de ces tensions, le G20 Finances a rappelé que la solution passe par le multilatéralisme, mis à mal par l’incapacité de la communauté internationale à régler jusqu’à présent les problèmes de surcapacité d’acier ou pour empêcher les mesures unilatérales des Etats-Unis.

«L’UE ne souhaite pas l’escalade commerciale. Elle ne souhaite pas la guerre commerciale, mais elle se tient prête à réagir, même si notre option préférée reste le dialogue», a affirmé à l’AFP le commissaire Pierre Moscovici. «Nos contre-mesures sont prêtes», a-t-il prévenu.

TENSIONS FISCALES

Autre sujet de tension entre les Etats-Unis et l’Europe: la taxation des géants du numérique, ou Gafa. Cet acronyme désigne les quatre mastodontes américains du secteur (Google, Amazon, Facebook, Apple), dont les pratiques d’optimisation fiscale sont régulièrement pointées du doigt.

M. Moscovici a fait un rapide aller-retour à Buenos Aires pour rassurer principalement les Etats-Unis lors d’une intervention mardi devant le G20 Finances, juste avant de prendre l’avion et de rentrer à Bruxelles pour présenter mercredi sa proposition de taxation des géants du numérique.

«Il ne s’agit en rien de mesures qui sont une riposte à une situation et il ne s’agit en rien d’une mesure anti-américaine», a-t-il affirmé, soulignant que la proposition européenne allait au-delà des Gafa et concernait l’ensemble des groupes du numérique.

Dans leur communiqué, les ministres se sont engagés à «travailler ensemble pour chercher une solution consensuelle d’ici 2020» sur la taxation des géants du numérique. «Il s’agit d’un message positif. Il n’y a pas eu de choc lors de la réunion», a expliqué à l’AFP Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, lors de la présentation du rapport.

M. Mnuchin avait pourtant prévenu vendredi que «les Etats-Unis s’opposeraient fermement aux propositions de quelque pays que ce soit de cibler les compagnies numériques».

A Buenos Aires, les ministres se sont épargnés une nouvelle polémique sur la valeur du dollar.

M. Mnuchin avait fait chuter le billet vert en janvier dernier au forum économique de Davos, en disant sa préférence pour une devise américaine faible, au grand dam des pays qui exportent vers les Etats-Unis.

«Nous nous abstiendrons de procéder à des dévaluations compétitives et nous ne viserons pas le taux de change à des fins compétitives», ont affirmé les ministres des Finances, lançant un message d’apaisement.

Enfin, les ministres se sont aussi penchés sur le bitcoin et les autres monnaies virtuelles, à la demande de la France et des Etats-Unis. Ils ont ainsi refusé de les considérer comme des monnaies souveraines et ont appelé à éviter qu’elles ne soient utilisées pour le blanchiment ou le financement du terrorisme.

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