Face à l’inflation, la BCE s’apprête à sortir des taux négatifs

AWP

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«Sur la base des perspectives actuelles, nous serons probablement en mesure de sortir des taux d’intérêt négatifs d’ici la fin du troisième trimestre», estime Christine Lagarde.

La Banque centrale européenne a annoncé lundi, face à l’inflation galopante, la sortie prochaine de l’ère des «taux négatifs», une politique exceptionnelle qui visait à décourager l’épargne et à soutenir les prêts et la consommation en période de crise.

«Sur la base des perspectives actuelles, nous serons probablement en mesure de sortir des taux d’intérêt négatifs d’ici la fin du troisième trimestre», écrit la présidente de la BCE Christine Lagarde dans un billet de blog posté sur le site de l’institution.

Le taux négatif de référence de la BCE est actuellement fixé à -0,5%.

La première remontée devrait être décidée en juillet, a précisé Mme Lagarde, soit peu de temps après la fin des «achats nets d’actifs» par l’institut.

Cet autre instrument de soutien à l’économie passe par le rachat d’obligations publiques et privées sur le marché pour fournir des liquidités aux banques qui devraient les prêter.

L’ère des taux négatifs pourrait donc être scellée lors de la réunion à suivre de septembre, à raison de deux remontées de 25 points de base par réunion, selon les observateurs.

Il s’agira d’un tournant spectaculaire dans la politique très accommodante menée depuis des années par la BCE, marquée en 2014 par l’arrivée de ces taux négatifs dans une zone euro convalescente après la crise de la dette souveraine.

Cette démarche inédite dans la jeune histoire de l’institution entamée en 1999, s’inscrivait à l’époque dans un arsenal de mesures de relance face à la croissance molle entraînant une faible inflation.

Concrètement, les banques qui laissent dormir leur argent au guichet de la BCE (et des autres banques centrales de la zone euro), au lieu de les utiliser pour octroyer par exemple des prêts aux ménages et entreprises pour stimuler l’activité économique et in fine les prix, doivent s’en acquitter.

Avant 2014, les banques recevaient au contraire une rémunération de la part de la BCE lorsqu’elles «plaçaient» ainsi leurs fonds auprès de l’institution.

Les taux négatifs ont été répercutés par certaines banques de détail à leurs clients sous forme de commission supplémentaire à payer sur certains de leurs dépôts.

Inflation au-delà de 7%

Avec son message envoyé lundi, Mme Lagarde admet désormais que «la normalité d’une faible inflation (des années 2012 à 2021) et de taux nominaux très bas est révolue pour de bon», commente Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.

Les taux négatifs sont fortement critiqués surtout en Allemagne, car ils sont réputés appauvrir l’épargnant et nourrir la surchauffe des prix, dans l’immobilier notamment.

Les prix de l’énergie et les pénuries sur nombre de produits ont porté l’inflation à 7% sur un an au printemps et l’agrégat risque de s’installer durablement au-dessus du niveau de 2% jugé adéquat.

La BCE est devant un choix cornélien. Ne pas relever les taux risquerait d’alimenter un peu plus les tendances inflationnistes, notamment via les revalorisations salariales. Les relever trop vite pourrait ralentir encore la croissance déjà faible.

Encore dominée par les «colombes» voulant soutenir l’économie, la BCE était encore réticente à franchir le Rubicon ces derniers mois, contrairement à la Fed américaine comme la Banque d’Angleterre qui ont déjà entrepris de relever leurs taux.

Taux «neutre»

La trajectoire qui sera prise par la BCE après le troisième trimestre s’annonce plus floue : «si l’inflation se stabilise à 2 % à moyen terme, une nouvelle normalisation progressive des taux d’intérêt vers le taux neutre sera appropriée», écrit Mme Lagarde.

Ce niveau «neutre» des taux est défini comme le niveau optimal qui ne stimule ni ne ralentit l’économie.

Les déclarations de membres du Conseil de la BCE «suggèrent que la BCE considère le niveau neutre entre 1% et 1,5%», hors inflation, écrit Commerzbank dans une note lundi.

En cas de surchauffe de l’économie, la BCE pourrait relever ses taux «au-dessus du niveau neutre» pour abaisser les pressions sur les prix, a prévenu Mme Lagarde.

Une première réaction était visible sur l’euro qui accentuait ses gains lundi matin par rapport au billet vert (+1,07% à 1,0677 dollar à 11H30 GMT) après la publication de la note de la BCE.

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