Le président de l’Autorité américaine de régulation des marchés financiers (SEC) Gary Gensler va quitter son poste de manière anticipée, selon la SEC, le 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump, qui avait dit vouloir l’écarter.
La nouvelle, annoncée dans un communiqué publié jeudi, a donné un coup de fouet au cours du bitcoin, Gary Gensler étant considéré dans le milieu comme l’ennemi juré des cryptomonnaies.
Dans les minutes qui ont suivi, la devise numérique reine a établi un nouveau record absolu, à 99’022,69 dollars l’unité, proche du seuil symbolique des 100’000 dollars.
Lors de sa campagne, Donald Trump avait annoncé son intention de remplacer Gary Gensler dès son arrivée au pouvoir.
En l’absence d’un cadre législatif clair, cet ancien banquier avait choisi une approche répressive des devises numériques, qu’il entendait réglementer comme des titres financiers classiques.
Sur cette base juridique contestée, la SEC a assigné en justice trois des plus grosses plateformes d’échanges, Binance, Coinbase et Kraken, ainsi qu’une série de plus petites start-up.
Elle a néanmoins enregistré plusieurs revers judiciaires, qui l’ont poussée à autoriser la mise sur le marché, en début d’année, de nouveaux produits de placement, appelés ETF (exchange traded fund), qui permettent de profiter des fluctuations du bitcoin sans en acheter directement.
Jusqu’ici Gary Gensler n’avait pas indiqué envisager un possible départ anticipé.
La volonté de Donald Trump de se défaire de lui avant la fin de son mandat avait occasionné un débat entre juristes et universitaires en l’absence de jurisprudence établie.
De l’avis général, le futur président américain aurait pu désigner un nouveau président de la SEC mais n’aurait pas pu forcer Gary Gensler à quitter le conseil du régulateur, dont il est l’un des cinq membres.
Nommé par le président Joe Biden, le sexagénaire ne devait théoriquement achever son mandat de cinq ans au conseil de la SEC qu’en avril 2026.
Sous sa gouvernance, «la SEC a rempli sa mission et appliqué la loi sans appréhension et sans favoritisme», a commenté Gary Gensler, cité dans le communiqué.
«Outrepasser ses prérogatives»
L’industrie des cryptomonnaies a salué la décision avec enthousiasme.
Durant le mandat de Gary Gensler, «la SEC s’est posée en gardienne et a freiné l’innovation», a réagi, sur X (ex-Twitter), l’avocate Hailey Lennon, ancienne juriste de la plateforme d’échanges de cryptomonnaies Coinbase.
Jeudi également, un tribunal fédéral de Fort Worth (Texas) a retoqué un nouveau point de règlement introduit par la SEC qui revenait à élargir la définition de courtier aux plateformes de cryptomonnaies, infligeant un nouveau revers au régulateur.
«C’est une grande victoire», qui devrait inciter la SEC à «ne pas outrepasser ses prérogatives en imposant des règlements punitifs, se conformer au droit administratif et à collaborer avec l’industrie pour trouver des solutions adaptées», a commenté, sur X, Kristin Smith, directrice de l’association professionnelle Blockchain Association.
S’il est un terrain d’innovation, le monde des cryptomonnaies et de la «blockchain», technologie sur laquelle sont construites les monnaies numériques, est aussi un espace propice aux arnaques et escroqueries car peu régulé et garantissant une forme d’anonymat.
Il a notamment été le théâtre du plus important scandale financier depuis la chute de Bernard Madoff, à savoir l’implosion de FTX, fin 2022, à l’époque deuxième plus grosse plateforme d’échanges de cryptomonnaies.
Son patron, Sam Bankman-Fried, a été condamné, en mars, à 25 ans de prison pour fraude et association de malfaiteurs.
Quant à celui de Binance, première plateforme mondiale, il a plaidé coupable d’infraction à la législation américaine sur le blanchiment en novembre 2023. Dans le cadre d’un accord avec le gouvernement américain, il a accepté de démissionner.
Changpeng Zhao a été condamné à quatre mois de prison ferme en avril et a été libéré en septembre.
Une proposition de loi dite FIT21 encadrant le secteur a été largement adoptée, en mai, par des élus des deux bords à la Chambre des représentants.
Actuellement à l’étude au Sénat, elle prévoit notamment de redonner la main à un autre régulateur financier, la CFTC, à l’approche considérée comme plus pragmatique et moins dogmatique que celle de la SEC.