Brexit: les négociations prises dans les filets de la pêche

AWP

2 minutes de lecture

Ursula von der Leyen et Boris Johnson ont affiché leur pessimisme à l’issue d’un entretien censé débloquer la situation en vue d’un accord commercial.

L’Union européenne et le Royaume-Uni ont constaté jeudi soir la difficulté de parvenir à un accord commercial post-Brexit malgré des avancées dans certains domaines, les discussions butant principalement sur la pêche.

A l’issue d’un entretien téléphonique pour tenter de débloquer la situation jeudi soir, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le premier ministre britannique Boris Johnson ont affiché leur pessimisme.

Malgré des «progrès substantiels sur de nombreux sujets», la présidente de la Commission a affirmé qu’il serait «très difficile» de combler les divergences, en particulier sur la pêche.

De son côté, Boris Johnson a jugé les demandes européennes sur ce sujet «pas raisonnables» et avertit qu’un échec des discussions reste «très probable» sans concession importante de Bruxelles.

Selon une source britannique, Londres est «toujours prêt à continuer les négociations et à ratifier un accord, même tardivement». «Mais un accord doit entrer en vigueur d’ici au 1er janvier et en aucun cas le Royaume-Uni ne continuera les discussions si c’est impossible», a souligné cette source.

«Sur la pêche c’est vraiment très compliqué, c’est de cela que dépend un accord», a souligné à l’AFP une source européenne.

La journée avait commencé sur des signaux positifs. Le négociateur européen Michel Barnier a estimé devant des eurodéputés qu’un accord était possible dès vendredi, tout en ajoutant que ce serait «difficile», un compromis sur l’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques semblant pour l’instant bloqué.

Sans accord commercial, les échanges entre l’UE et Londres se feront selon les seules règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane ou de quotas, avec de lourdes conséquences pour des économies déjà secouées par la pandémie.

Devant cette incertitude, les Etats européens ont préparé des mesures d’urgence pour maintenir le trafic aérien et le transport routier pendant six mois avec le Royaume-Uni, sous réserve de réciprocité. Le Parlement européen a déjà approuvé jeudi des mesures temporaires pour maintenir la circulation dans le tunnel sous la Manche, entre la France et l’Angleterre.

«Crédibilité»

A l’issue d’une rencontre jeudi matin avec Michel Barnier, les chefs des groupes politiques au Parlement européen ont averti que s’ils ne recevaient pas le texte d’un accord d’ici à «dimanche minuit», ils ne pourraient pas le ratifier à temps pour qu’il entre en vigueur le 1er janvier 2021, quand le Royaume-Uni --qui a officiellement quitté l’UE le 31 janvier dernier-- abandonnera définitivement le marché unique.

Le chef de file des écologistes, Philippe Lamberts, a souligné que le délai laissé au Parlement était déjà trop court à ses yeux.

«De par sa taille et son importance politique, l’approbation de ce traité par le Parlement ne peut être expédiée en quelques jours seulement», a-t-il protesté à propos de ce document de plus de 700 pages.

Sans ratification parlementaire cette année, un éventuel accord pourrait entrer en vigueur de manière provisoire le 1er janvier, une option considérée par les Etats membres comme «la meilleure», selon un haut responsable européen --malgré l’opposition du Parlement, qui en serait réduit à l’examiner et à le valider a posteriori.

Downing Street a pour sa part précisé que le Parlement britannique pourrait être rappelé sous 48 heures, y compris le week-end, en cas d’accord.

«Bons progrès»

L’horizon semble se dégager depuis quelques jours vers un accord, Michel Barnier ayant lui-même souligné sur Twitter «de bons progrès» malgré d’ultimes «obstacles», au premier rang desquels figure la pêche, un sujet explosif pour quelques Etats membres comme la France et les Pays-Bas.

M. Barnier a expliqué aux eurodéputés que l’UE avait accepté le principe d’une «période de transition» --Londres souhaitait initialement qu’elle dure trois ans-- à l’issue de laquelle le Royaume-Uni récupérera le contrôle de ses eaux et pourra théoriquement les fermer aux pêcheurs européens. Dans ce cas, l’UE réclame des compensations.

«Le Royaume-Uni sait que sans accord sur la pêche, il n’y aura pas d’accord du tout», a-t-il insisté, selon des participants.

Les deux autres sujets qui bloquaient jusqu’alors les discussions --les conditions de concurrence équitable et la gouvernance du futur accord-- semblent en voie de résolution.

Sur les garanties réclamées par l’UE en matière de concurrence afin de se prémunir contre tout dumping social, fiscal ou environnemental de la part des entreprises britanniques, le Royaume-Uni a apparemment basculé. Il attend en conséquence que les Européens bougent sur la pêche.

Londres s’engage non seulement à ne pas régresser dans ces domaines, mais il accepte aussi la possibilité de rester «le plus proche» possible de l’UE au fil du temps. Si l’une des deux parties s’estimait lésée, elle pourrait prendre des contre-mesures, comme des droits de douane.

A lire aussi...