L'UE a refusé certaines mesures clés du plan de Theresa May, attisant les scénarios catastrophes d'une sortie brutale.
La Première ministre britannique Theresa May est renvoyée dans ses buts par le refus de l'UE de dispositions clef de son plan de Brexit, attisant les scénarios catastrophes d'une sortie brutale comme les appels à un second référendum.
A peine avait-elle réussi à faire passer son «plan de Chequers», après moultes péripéties dont la démission de deux ministres pro-Brexit, que le négociateur européen Michel Barnier l'a démoli en rejetant jeudi son dispositif clef : la solution, certes tortueuse, imaginée par Londres pour ne pas créer une frontière entre l'Irlande du nord, province du Royaume-Uni, et le reste de l'île, membre de l'Union européenne.
L'UE «ne peut pas déléguer, et ne déléguera pas l'application de sa politique et de ses règles douanières" à un pays tiers, a souligné M. Barnier, répondant à la proposition britannique d'un double système de taxes perçues par chaque côté au profit de l'autre.
Pendant ce temps, l'ex-ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, chantre d'un Brexit sans concession, appelait à «balancer Chequers» à la poubelle, dans l'hebdomadaire de droite Spectator. Et une porte-parole du petit parti europhile Libéral Démocrate commentait sobrement: le plan «lutte pour sa survie".
Theresa May croit toutefois entrevoir une possibilité de convaincre les 27 séparément et s'est lancée, avec ses ministres, dans une série de rencontres avec les dirigeants européens ces dernières semaines: elle voit ainsi ce vendredi le chancelier autrichien Sebastian Kurz à Salzburg, avant de prendre 15 jours de vacances.
Michel Barnier a cependant douché ses espoirs en assurant qu'il n'y avait pas «une feuille de cigarette» entre lui et les dirigeants des 27 sur la conduite des négociations.
Et le temps presse car un accord doit en principe être trouvé en moins de trois mois, pour le sommet européen de la mi-octobre, où il serait entériné avant d'être soumis aux parlements européens et britannique pour approbation --ou pas--, pour un Brexit fixé au 29 mars 2019.
Pour Michel Barnier, la seule façon de régler le problème irlandais est que le Royaume-Uni reste dans l'Union douanière. Mais pour les conservateurs pro-Brexit, déjà furieux que le gouvernement se dirige vers le maintien de liens étroits avec l'UE, au lieu d'une rupture nette leur laissant toute marge de manoeuvre pour nouer de nouveaux accords commerciaux, cette solution est inacceptable. Et Theresa May elle-même l'a jusqu'ici exclue.
Le blocage sur ce point crucial a renforcé l'hypothèse d'une sortie sans accord, scénario catastrophe pour les milieux économiques et financiers britanniques. Avec un cortège de sombres prédictions, de la pénurie alimentaire aux embouteillages géants.
Anticipant des problèmes aux frontières, Dominic Raab, ministre chargé du Brexit, a indiqué cette semaine que le gouvernement faisait en sorte d'avoir «un approvisionnement en vivres suffisant» en cas de sortie sans accord, le pays important 40% de sa nourriture.
Les ministres envisagent aussi de transformer une portion d'autoroute dans le Kent (sud-est de l'Angleterre) en parking géant pour les camions qui seraient bloqués au passage de la Manche.
Autre hypothèse : un accord «humiliant» qui pousserait le pays vers «Weimar», la période troublée de l'après Première Guerre mondiale en Allemagne, selon un éditorialiste du quotidien de gauche The Guardian. «Soit un pays aigri, en colère, en proie aux divisions et aux problèmes économiques (...) puant l'humiliation et le ressentiment», écrivait vendredi Timothy Garton Ash, appelant l'UE à donner «une réponse politique, pas seulement bureaucratique" au Brexit.
Pour éviter ces sombres scénarios, le quotidien europhile The Independent a lancé une pétition pour la tenue d'un second référendum, dans l'espoir qu'il annulerait le verdict de la consultation du 23 juin 2016, dont le résultat avait pris le monde entier par surprise.
Ce scénario, exclu par le gouvernement, gagne du terrain dans l'opinion, si l'on en croit un sondage paru vendredi dans le Times, avec pour la première fois une majorité de 42% pour tandis que 40% se sont dit contre.