Virus: les marchés chutent, les frontières se ferment

AWP

4 minutes de lecture

Les marchés sont tétanisés par les craintes d’une récession face à une épidémie qui semble ralentir dans son berceau asiatique mais se propage sur les autres continents.

Avis de détresse: de Sydney à Paris en passant par Tokyo, l’explosion du nouveau coronavirus partout dans le monde a une nouvelle fois lundi envoyé les places boursières par le fond et Wall Street a ouvert aussi par un plongeon, conduisant à une suspension des échanges.

Confrontées à la hausse exponentielle du nombre de contaminations, aux confinements massifs et aux craintes d’une récession économique mondiale, les marchés ont chuté les uns après les autres, insensibles aux efforts déployés par les banques centrales.

Après les pertes historiques de la semaine dernière, la Bourse australienne a ouvert la semaine par une chute inédite de 9,7%. Hong Kong, Shanghai, Shenzhen, Tokyo, partout en Asie la baisse a été au rendez-vous.

L’Europe a suivi avec des pertes de plus de 5% à l’ouverture et la situation s’aggravait à la mi-journée, la Bourse de Paris perdant plus de 10%. A Zurich, le SMI perdait 8%.

Les Bourses des pays du Golfe, très dépendants du secteur de l’énergie, se sont également effondrées lundi, à l’exception du Qatar, emportées par la chute des prix du pétrole. L’or noir, plombé par une surabondance d’offre sur le marché, faute d’entente entre grands pays producteurs, évoluait lundi à son plus bas niveau depuis 2016.

Et le salut n’est pas venu d’outre-Atlantique, où Wall Street s’est écoulé à l’ouverture.

Les échanges ont été suspendus peu après l’ouverture après la chute de 7% du S&P 500, emporté par la panique autour de la pandémie de coronavirus.

L’effondrement de l’indice S&P 500 a automatiquement déclenché un mécanisme d’interruption des échanges d’un quart d’heure, censé permettre aux acteurs du marché de reprendre leurs esprits.

Au moment de la suspension, le S&P 500 s’effondrait de 8,14%, le Dow Jones de 9,71% et le Nasdaq, à forte coloration technologique, de 6,12%.

«La matinée a été encore brutale sur les marchés» face au spectre de la récession, a souligné David Madden, un analyste de CMC Markets.

Selon lui, «les banques centrales font de leur mieux pour calmer les marchés mais en réalité cela provoque l’effet opposé», car ces «mesures radicales ont envoyé des messages préoccupants aux investisseurs» qui du coup «délaissent aveuglément» les actions.

«Récession presque garantie»

«Les marchés comprennent que la récession est presque garantie. Les autorités aident en injectant de l’argent mais ne peuvent la stopper», a observé pour sa part Jasper Lawler, analyste pour London Capital Group.

La Banque centrale américaine (Fed) a abaissé brutalement dimanche son taux à 0%-0,25% et annoncé une injection de liquidité de 700 milliards de dollars.

La dernière fois que la Fed avait abaissé ses taux à un tel niveau remonte à décembre 2008, au coeur de la crise financière dite des «subprimes».

Parallèlement, la Fed, la Banque centrale européenne et les Banques centrales du Japon, Royaume-Uni, Canada et de Suisse, ont assoupli les conditions auxquelles elles s’échangent des devises entre elles, afin de pouvoir garantir un approvisionnement suffisant des marchés en dollars.

La Banque centrale du Japon (BoJ) a nettement augmenté ses objectifs annuels pour certains de ses rachats d’actifs. Son objectif annuel de rachats de fonds négociés en Bourse a été ainsi doublé à 12.000 milliards de yens (101 milliards d’euros).

A l’effondrement des marchés financiers s’ajoute celui des statistiques économiques. Celles-ci se sont révélées nettement pires que prévu en Chine, deuxième économie mondiale. La production industrielle s’est contractée pour la première fois en près de 30 ans.

La Banque centrale chinoise a pourtant abaissé lundi le taux de réserve obligatoire des banques, injectant 550 milliards de yuans (70,6 milliards d’euros) pour soutenir l’économie.

Mais cela ne suffit pas à soutenir la cote car «le coronavirus continue à se répandre à travers la planète et la demande de biens de consommation recule», a observé le courtier Guangzhou Wanlong Securities.

Le Covid-19 a fait plus de 6.000 décès dans le monde, dont plus de 2.000 en Europe devenue, selon l’Organisation mondiale de la Santé, l’épicentre de la maladie désormais.

L’Europe a renforcé ses barricades, en imposant le confinement quasiment total dans plusieurs pays. Les Etats-Unis prennent le même chemin avec des écoles fermées, des bars-restaurants et casinos dorénavant portes closes à New York comme à Los Angeles, ou Las Vegas.

L’Allemagne se ferme

La maladie a tué 6.420 personnes dans le monde, dont plus de 2.291 en Europe, devenue «l’épicentre» de la pandémie selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et l’Italie et l’Espagne, où les contaminations explosent, sont particulièrement touchées.

Il y a désormais plus de décès recensés ailleurs dans le monde (3.221) qu’en Chine (3.199). Point de départ de l’épidémie et pays le plus frappé, la Chine semble avoir enrayé la propagation du virus avec seulement 16 nouveaux cas lundi, dont 12 importés de l’étranger.

De nombreux pays cherchent à se protéger en s’isolant toujours plus, jusqu’à l’intérieur de l’Union européenne, mettant à mal le principe européen de libre circulation.

L’Allemagne a mis en oeuvre lundi à 07H00 GMT ses contrôles aux frontières avec cinq pays annoncés dimanche --France, Autriche, Suisse, Danemark, Luxembourg. Des policiers allemands ne laissaient passer que les transports de marchandises et les travailleurs transfrontaliers.

La Russie, la République tchèque, l’Argentine, la Colombie ou encore le Guatemala ont eux aussi annoncé dimanche la fermeture totale ou partielle de leurs frontières.

Pays le plus touché en Europe par la pandémie, l’Italie a enregistré dimanche un nombre record de 368 nouveaux décès en 24 heures, qui porte le nombre des morts à 1.809.

Le Premier ministre italien Giuseppe Conte a appelé à «une coordination européenne» dans les domaines de la santé et de l’économie pour affronter le coronavirus, avertissant que son pays n’avait pas «encore atteint le pic» de contagions. «Le moment est arrivé de faire des choix courageux et l’Italie peut offrir une contribution significative, en tant que pays qui a connu en premier une diffusion aussi large du virus», dit-il dans un entretien lundi au quotidien Il Corriere della.

Sommet du G7 par visioconférence

M. Conte doit participer lundi à un sommet extraordinaire du G7 par visioconférence pour coordonner la lutte contre le coronavirus dans les domaines sanitaire, économique, financier et de la recherche.

Deuxième pays le plus touché d’Europe, l’Espagne a confiné sa population et décrété l’état d’alerte pour 15 jours.

En France (127 morts et 5.423 cas avec plus de 400 personnes hospitalisées en état grave), la situation «est très inquiétante» et «se détériore très vite», a averti lundi le directeur général de la Santé Jérôme Salomon, «le nombre de cas double tous les jours».

Le pays a fermé depuis dimanche restaurants, bars, discothèques, cinémas, écoles et universités mais maintenu ses élections municipales avec une participation qui s’est effondrée.

L’Autriche (602 cas samedi) a interdit les rassemblements de plus de cinq personnes et limité les déplacements au strict nécessaire.

Les Pays-Bas et le Luxembourg ont également ordonné dimanche la fermeture des lieux et commerces accueillant du public et l’Irlande celle des pubs.

Aux Pays-Bas, le gouvernement a ordonné la fermeture des écoles, bars, maisons closes, et aussi celle des coffee shops, devant lesquels de longues files d’attente s’étaient formées après l’annonce, les clients voulant assurer leur approvisionnement en marijuana.

L’état d’urgence a été décrété en Serbie pour une période indéterminée, et l’armée va être mobilisée pour contribuer à la lutte contre la pandémie. Le Pérou, la Bolivie et l’Equateur ont eux aussi imposé de sévères restrictions de mouvements à leur population.

Les six monarchies arabes du Golfe, qui ont suspendu leurs liaisons aériennes et comptent 1.000 cas, notamment au Qatar) ont enregistré leur premier décès lié au coronavirus, à Bahrein.

La population libanaise doit rester confinée chez elle deux semaines et l’aéroport international de Beyrouth fermera à partir de mercredi jusqu’à fin mars.

L’Iran, troisième pays le plus touché au monde, a annoncé 113 décès supplémentaires (724 morts au total, 13.938 cas). Les autorités ont demandé aux habitants d’»annuler tous leurs voyages et de rester chez eux» et ont fermé le coeur du sanctuaire chiite de Machhad.

Le Maroc a suspendu tous les vols internationaux mais des avions spéciaux ont été autorisés pour rapatrier les touristes européens bloqués.

Aux Etats-Unis, où les nouveaux contrôles pour les Américains rentrant d’Europe ont provoqué le chaos dans les aéroports, les villes de New York et Los Angeles ont ordonné à leur tour la fermeture des bars, restaurants et boîtes de nuit. A Las Vegas, MGM a fermé ses 13 hôtels et casinos.

Le Chili, imité par le Pérou, a fermé ses ports aux navires de croisière, après la mise en quarantaine de deux d’entre eux avec environ 1.300 personnes à bord.

Un autre navire, avec 3.700 personnes, est en quarantaine en Nouvelle-Zélande qui a également interdit toute escale aux bateaux de croisière jusqu’au 30 juin.

A lire aussi...