Bonds Europe: le marché mis en ébullition par les craintes de récession

AWP

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Le rendement allemand à 10 ans a touché un nouveau point bas historique mercredi, descendant à -0,656%.

Inversion de la courbe des rendements obligataires américains, taux tombés à des niveaux abyssaux en zone euro: les craintes de récession se sont traduites violemment mercredi sur le marché de la dette, que chérissent les investisseurs peu enclins au risque.

Le taux d’intérêt sur les bons du Trésor américains à dix ans est passé temporairement sous celui des bons à deux ans, pour la première fois depuis 2007, signal de mauvaise augure pour la croissance mondiale.

L’inversion n’a été que de courte durée mais elle a été très remarquée, pesant fortement sur les marchés actions.

Et pour cause: aux yeux des marchés financiers, ce mouvement «confirme une phase de ralentissement de la croissance mondiale» et «augmente la probabilité de récession» même si ce n’est «pas systématiquement à très court terme», indique à l’AFP Cyriaque Dailland, gérant diversifié chez Sanso IS.

En effet, les courbes de taux sont considérées comme «normales» quand les taux de rendement associés à un placement sont d’autant plus élevés que leur échéance est lointaine.

Comme prêter de l’argent à long terme est plus risqué qu’à court terme, les emprunteurs doivent offrir un rendement plus élevé aux investisseurs qui sont prêts à prendre des risques et à renoncer à la liquidité.

Mais dans le cas de la courbe inversée, les taux court deviennent supérieurs aux taux longs... signe que le marché juge le risque économique s’accroître à court terme.

Signal avant-coureur?

«C’est un phénomène qu’on a souvent observé avant les récessions (...) Si on regarde l’historique récent, c’est quelque chose qu’on a vu avant la crise financière 2008-2009, avec une brève inversion de la courbe au courant de l’année 2006 et 2007», se souvient Julien Rolland, gérant obligataire spécialiste des taux souverains chez Aviva Investors.

L’inversion de la courbe s’est produite mercredi vers 11H40 GMT, quand le rendement américain à 10 ans est descendu juste sous celui du taux à 2 ans, autour de 1,62%.

Le taux de l’emprunt américain à 30 ans a encore plus fortement réagi, glissant à son plus bas niveau historique, à 2,0139%, vers 11H50 GMT.

Sur les taux obligataires en zone euro, le recul a été généralisé mercredi mais de façon moins spectaculaire qu’outre Atlantique.

Selon les analystes, cette inversion des taux américains n’est pas due à un unique élément déclencheur mais à un environnement morose dans son ensemble, entre différend commercial sino-américain, incertitudes politiques en Italie et sur le Brexit ou anticipations de baisse des taux par des banquiers centraux déjà très accommodants.

L’annonce mercredi d’un ralentissement de la production industrielle en Chine et d’un recul de la croissance en Allemagne ont encore assombri le tableau: «la conclusion c’est qu’il y a toujours de plus en plus de craintes» sur «une baisse de la croissance mondiale, ce qui a pour effet de tirer à la baisse les taux», note Julien Rolland.

Face aux incertitudes, les investisseurs tendent en effet à se reporter sur des «actifs-refuges» jugés moins risqués, comme les obligations souveraines.

Pour M. Rolland, le mouvement de mercredi confirme qu’il faut s’attendre à «des taux plus bas et pour plus longtemps».

Mais jusqu’où les taux obligataires vont-ils tomber?

«Soit on arrive à stabiliser l’économie pour au moins quelques trimestres (aux Etats-Unis) et l’inversion de la courbe ne s’amplifie pas, soit les investisseurs entrent dans un scénario très noir et, dans ce cas-là, le 10 ans américain a une probabilité encore plus forte de continuer à baisser», estime M. Dailland.

Alors que les Etats-Unis ont encore des taux positifs, la zone euro est dans une situation inédite, avec des rendements obligataires négatifs qui flanchent de jour en jour et vont de record en record.

Le rendement allemand à 10 ans, le Bund, qui fait référence sur le marché de la dette en zone euro, évolue en négatif depuis fin mars. Il a touché un nouveau point bas historique mercredi, descendant à -0,656%. Celui de la France, passé en territoire négatif depuis près de deux mois, est de son côté tombé à -0,376%, là aussi un plus bas inédit.

Un taux négatif sur une obligation signifie que l’investisseur qui gardera ce titre jusqu’au bout perdra in fine de l’argent.

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