Vegan, de l’assiette à l’investissement rentable

Anne Barrat

2 minutes de lecture

Plus rigoureux que l’ESG, plus ambitieux que l’impact: changer le monde avec Claire Smith de Beyond Investing.

Lutter pour la cause animale et lutter contre le réchauffement climatique, même combat explique Claire Smith, fondatrice et CEO de Beyond Investing, la première société de conseil dédiée à la promotion de produits financiers grand-public excluant de l’univers d’investissement toute société qui contribue de manière directe ou indirecte à l’exploitation animale et à la dégradation de l’environnement, les deux étant liés. La rigueur de l’exclusion est à la hauteur de l’enjeu. Vertigineuse: l’élevage et la production de viande représentent aujourd’hui 51% des émissions de gaz à effet de serre; les émissions liées au secteur animalier de l’agriculture devraient augmenter de 80% d’ici 2050, croissance démographique mondiale oblige.

Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer le Vegan Climate Index® puis l’ETF US Vegan Climate?

Je cherchais un produit financier qui répondent à mes valeurs et principes pour placer mon épargne retraite. Je n’ai rien trouvé, aucun fonds qui véhicule une approche combinant zéro exploitation des animaux et zéro énergie fossile. Comme j’avais une longue expérience dans le secteur financier, j’ai décidé de créer une solution qui intègre mes convictions et celles d’une communauté Vegan en plein essor, en particulier chez les 15-40 ans. C’est ainsi qu’ont été lancés Beyond Investing en 2017, le Vegan Climate Index® en 2018, l’ETF adossé à ce sous-jacent en 2019.

Le chemin à parcourir
semble encore long. 
Qu’est-ce qui différencie le critère Vegan de celui des ESG?

Si une valeur Vegan est nécessairement conforme aux critères ESG, l’inverse n’est pas vrai. Autrement dit, un portefeuille peut être ESG sans être Vegan, ce qui devrait pourtant être le cas. Et n’est pas sans créer de la confusion parmi les investisseurs qui, s’ils savaient qu’ils cautionnent inconsciemment des stratégies d’entreprises labellisées ESG mais participant directement ou indirectement à l’exploitation des animaux, s’abstiendraient. C’est le cas de nombreuses sociétés financières incluses dans des fonds dits ESG, lesquelles prêtent de l’argent à des acteurs de la chaîne de production de l’élevage ou des énergies fossiles. Seuls des critères extrêmement stricts (moins de 2% des revenus provenant d’activités liées aux énergies fossiles ou à l’élevage), guidant une recherche très approfondie, permet de déceler ces impacts indirects. Idéalement, le filtre ESG devrait tenir compte du filtre Vegan, mais c’est loin d’être vrai aujourd’hui. Le chemin à parcourir semble encore long.  

Tesla Vegan, n’est-ce pas contre-intuitif? Comment sélectionnez-vous les valeurs?

Tesla Vegan oui, parce qu’ils ont choisi, précurseur en la matière, d’équiper 100% de leur parc automobile avec des moteurs à énergie non-fossile, mais aussi de retirer tout cuir de leur véhicule. Une option simple, qui est pourtant loin de faire l’unanimité parmi les constructeurs automobiles, Ford et General Motors parmi tant d’autres. A l’opposé du spectre, on trouve sans surprise Mac Donald et de nombreux fast-foods, ou encore les parcs d’animation, Disney en tête. Les champions digitaux présentent le plus souvent un business model compatible avec nos critères, Microsoft, Google notamment, ainsi qu’Apple – sur nos radars cependant en raison de réserves sur la fabrication des bracelets de l’Apple Watch. Entre ces deux pôles des valeurs évidentes, des zones grises existent, qui impliquent que nous revoyons en permanence le contexte de l’acceptable. Ainsi, si une seule société est capable de revoir ses process de production pour correspondre à nos critères, comme Tesla, alors toutes les autres du secteur qui ne le font pas sont exclues. La sélection est particulièrement complexe dans le secteur financier, tant il est laborieux d’identifier les acteurs, bancaires notamment, qui financent, même très indirectement et marginalement, les compagnies pétrolières et affiliées, puis de mesurer la proportion de ces prêts par rapport à la taille de leur bilan. Sont exclues de l’indice, donc de l’ETF, JP Morgan, Morgan Stanley, Goldman Sachs, ou encore, plus récemment, Bank of America, parce que la proportion de ses prêts à l’industrie des énergies fossiles n’avait pas diminué alors que le marché global était en recul sous l’effet de la pandémie de COVID.

Une prochaine étape est de voir la composante
Vegan intégrée dans le filtre ESG.
Pourquoi le marché américain?

Tout simplement parce que c’est le plus gros, le plus liquide, celui qui attire le plus d’investisseurs. Celui qui a potentiellement le plus grand impact également. Notre univers d’investissement, le S&P 500, comprenant les plus grands leaders dans leur secteur, il offre donc les meilleures opportunités de les faire dévier de leur trajectoire pour prendre en compte la double problématique Vegan et environnementale. Cela étant dit, nous sommes en bonne voie pour lancer l’ETF sur une bourse européenne au premier trimestre 2021.

Comment voyez-vous le futur du Vegan?

La thèse Vegan gagne chaque jour du terrain sur les trois fronts clés pour qu’elle devienne incontournable. Celui des consommateurs, de plus en plus nombreux à revoir la composition de leur assiette. Celui des citoyens, qui passe par des actions politiques, en devenir. Celui des investisseurs, essentiel puisque plus nombreux seront les flux en faveur de la cause, plus solide elle sera. De ce point de vue, la bonne nouvelle est venue de la performance du Vegan Climate Index®, qui a surperformé depuis sa création de près de 14% le S&P 500. Rien d’étonnant à ce que l’ETF adossé à l’indice voie l’intérêt des investisseurs, et encours afférents, croître rapidement. Une prochaine étape est, comme je l’ai dit, de voir la composante Vegan intégrée dans le filtre ESG.