Une boite à outils pour l’ESG

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

Comment investir conformément aux Objectifs de développement durable: le manuel du savoir-faire de Columbia Threadneedle avec Rochus Appert.

En 2015, la communauté internationale s’est entendue sur les 17 Objectifs de développement durables (ODD) des Nations-Unies dont le «funding gap annuel» est estimé aujourd’hui à 2'500 milliards de dollars. Leur financement forme donc un immense ensemble d’opportunités d’investissement. Reste à définir comment s’y prendre, ce qui n’est pas une mince affaire. Afin d’affronter cette problématique, Columbia Threadneedle a construit une «boite à outils» pour que l’investisseur actif sur le marché des actions cotées puisse accélérer l’impact des montants placés. Entretien avec Rochus Appert, Head of Discretionary Sales.

«Dans chaque cas et selon la nature de l’entreprise et du contexte, nous identifions un ou plusieurs ODD auxquels notre action et celle de l’entreprise peuvent contribuer.»
Quels sont donc les outils que vous utilisez pour vous assurer que vos investissements ont réellement un impact positif?

Il importe de comprendre en premier lieu qu’il n’existe pas de définition claire de l’impact à l’usage des investisseurs. Nous avons donc choisi d’utiliser les Objectifs de développement durables comme cadre de travail pour définir nos propres objectifs, pour mesurer et communiquer nos résultats et pour nous engager auprès des entreprises. Fondé sur les principes d’additionnalité, d’intentionnalité, de matérialité et de mesurabilité, notre mandat est ambitieux car il entend fournir un rendement financier intéressant et des résultats non financiers positifs. Les outils que nous utilisons pour obtenir des résultats concrets auprès des entreprises dans lesquelles nous investissons sont les suivants:

  • Construire des relations à long terme et nous engager dans un dialogue constructif et confidentiel, en travaillant généralement en tête-à-tête avec les entreprises.
  • Mener des actions en coalition avec d'autres investisseurs
  • Rédiger/signer des lettres publiques
  • Déposer des résolutions d'actionnaires
  • Faire du lobbying
  • Mettre en relation les responsables RH et les responsables de la durabilité des entreprises avec des experts en ESG et en durabilité.
Comment fonctionne plus précisément votre stratégie d’engagement?

Dans chaque cas et selon la nature de l’entreprise et du contexte, nous identifions un ou plusieurs ODD auxquels notre action et celle de l’entreprise peuvent contribuer. Nous engageons le dialogue avec l’entreprise au plus haut niveau et définissons les buts et les attentes puis monitorons l’avancement et analysons les résultats obtenus au fur et à mesure avec des jalons bien précis qui sont classés par un système d’étoiles (de 1 à 3 étoiles). Chaque progrès et surtout chaque ligne de chiffre d’affaires est associée à l’une des 169 cibles qui sous-tendent les ODD.

C’est un peu abstrait. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

Effectivement, compte tenu de la complexité de la problématique, seules les études de cas peuvent donner quelques réponses d’autant que, dans la réalité, chaque entreprise opère dans un champ différent, se situe à un niveau différent d’avancement du processus de durabilité et exige un dialogue complètement distinct. Parlons par exemple de Hoya la medtech japonaise. Vous savez combien les entreprises japonaises sont d’ordinaire peu enclines au dialogue. En trois ans, nous avons toutefois atteint avec eux quatre jalons ; le premier sur l’adhésion à Vision Care, le second sur la réduction de l’usage de l’eau et le troisième sur l’objectif de réduction du CO2. La dernière étape clé franchie a été la nomination d’un Chief Sustainability Officer au premier trimestre de cette année. Notre action dépend complètement de la société à laquelle nous avons affaire. Avec Mettler Toledo qui emploie quinze mille collaborateurs, nous nous sommes penchés sur les problèmes d’inclusion. Avec Smurfit Kappa, le fabricant irlandais d’emballages papier, il s’est plutôt agit d’économie circulaire sachant que la fabrication de papier est l’une des plus sales pour l’environnement. Smurfit Kappa se flatte aujourd’hui de fonctionner en boucle fermée et d’être devenu un leader de la durabilité.

Nous investissons sur la durée, 5 ans environ, avec une rotation du portefeuille de 10% par an seulement.
Comment encouragez-vous – ou contraignez-vous – les entreprises à suivre votre ligne?

Il n’est pas question de contrainte mais de dialogue et ce, toujours au plus haut niveau et en «tête à tête» ou tout au moins en comité restreint. Je crois que ce qui fait la force de nos recommandations est qu’elles cherchent non seulement à améliorer l’impact positif sur l’environnement ou sur l’écosystème social mais qu’elles offrent également de véritables bénéfices opérationnels à l’entreprise qui les met en application. Pour reprendre l’exemple de Hoya que je citais plus haut, la réduction de l’usage de l’eau a représenté un gain opérationnel significatif. Sans oublier l’amélioration de l’image tant auprès des clients que des investisseurs. Dans le cas de la société sud-africaine Clicks Group, nos conversations avec la directrice générale ont mené à une réduction des déchets plastiques avec un effet positif sur les aspects opérationnels ainsi que sur la réputation de la marque.

Compte tenu de la cinquantaine de positions en portefeuille, cette stratégie doit demander un gros investissement de votre part?

L’équipe ESG de Columbia Threadneedle compte 45 collaborateurs dotés d’une expertise sectorielle. Par ailleurs, nous investissons sur la durée, 5 ans environ, avec une rotation du portefeuille de 10% par an seulement. Avant d'investir nous voulons connaître l'histoire de l'entreprise et ce sur quoi nous allons nous s'engager. Pour éviter l'écoblanchiment.

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