Un univers complexe

Salima Barragan

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L'ESG n'a pas la même signification pour tout le monde, estime Tom Bradley-Flannagan de J.P. Morgan AM.

Mobilité verte, nutrition, énergie efficiente: des secteurs d’activité qui amènent directement un changement positif sur la société. Pour J.P. Morgan, il n’y a pas que les critères extra-financiers des entreprises à analyser, mais aussi l’effet direct de leur produits ou services sur l’environnement et la société.  Dans ses fonds ESG, la banque s’intéresse tout particulièrement aux entreprises dont la contribution est indéniablement positive. Entretien avec Tom Bradley-Flannagan, spécialiste en actions internationales.

Pourquoi l'ESG est-il un domaine d’investissement complexe?

Il n'existe tout simplement pas d'approche unique. En Europe, des efforts sont en cours pour développer un terrain d'entente et améliorer la transparence. L'introduction récente du règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable (SFDR) de la Commission européenne est une étape positive en termes de transparence et de cohérence pour ce sujet intrinsèquement complexe. L'un des principaux défis pour les gestionnaires d'investissement est la disponibilité de données ESG permettant d'évaluer correctement le profil d'une entreprise. Les informations fournies par les sociétés, bien qu'elles s'améliorent, peuvent encore être médiocres et il peut y avoir des normes de calcul différentes pour certains paramètres, ce qui rend les comparaisons difficiles

Vous vous intéressez aux entreprises qui peuvent apporter un changement positif. Avez-vous quelques exemples de sociétés?

Prenons l'exemple de l'efficacité énergétique, un domaine souvent négligé dans la lutte contre le changement climatique, mais qui est essentiel pour réduire notre empreinte CO2. Signify est un leader mondial des systèmes, logiciels et services d'éclairage LED connectés. L'éclairage représente 13% de la consommation mondiale d'électricité et 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le simple remplacement d'un éclairage conventionnel inefficace par des LED permettrait de réduire la consommation d'énergie de 53%. Rendre le système intelligent pourrait encore améliorer les économies jusqu'à 80% d'ici à 2030 selon Signify.

Les secteurs à impact négatif doivent dorénavant répondre à une
réglementation plus stricte et ainsi qu’à une surveillance accrue.
On parle aussi beaucoup de mobilité verte…

Son essor jouera un rôle clé dans la lutte contre les émissions nocives des moteurs à combustion. Par exemple, Alfen qui est un fournisseur néerlandais de solutions de réseaux électriques intelligents et de bornes de recharge pour véhicules électriques, est l'une des entreprises à l'origine de ces changements positifs. Elle est actuellement le premier fournisseur de bornes de recharge aux Pays-Bas, avec une part de marché de 30%. Elle propose une gamme complète de bornes de recharge pour chaque application: à la maison, au travail ou dans les lieux publics. Sans bornes de recharge, le succès des véhicules électriques ne sera pas au rendez-vous.

Comment les entreprises des secteurs réputés difficiles changent-elles leur comportement vis-à-vis des critères ESG?

Les secteurs à impact négatif doivent dorénavant répondre à une réglementation plus stricte et ainsi qu’à une surveillance accrue. Anglo American, par exemple, se retire du charbon pour se concentrer sur des produits plus propres, verts et durables. Dans le même ordre d'idées, BP fait des offres agressives sur les parcs éoliens offshore et RWE transforme son activité en passant du charbon à la production d'énergie renouvelable. Presque toutes les grandes compagnies pétrolières et gazières visent un taux d'émission de gaz à effet de serre nul d'ici 2050. Le secteur minier est un peu différent, car ses produits font partie de la solution étant donnée que nous avons besoin de cuivre, de nickel, de cobalt et de lithium pour électrifier nos économies ce qui explique pourquoi les mineurs se concentrent davantage sur la décarbonisation de l'extraction de ces minéraux.

Qu’en est-il pour les entreprises technologiques?

Bien que les sociétés technologiques ne soient traditionnellement pas au centre des préoccupations environnementales des investisseurs, ces derniers commencent à se rendre compte que les centres de données ont des besoins énergétiques conséquents. Le géant Microsoft place depuis des années l'action contre le changement climatique au premier plan de ses ambitions ESG et stratégiques. Depuis 2012, la société comptabilise volontairement le carbone par le biais de son prix interne du carbone qui couvre désormais toutes les activités et les trois périmètres d'émissions.

Certaines entreprises ont-elles effectué un revirement complet de leurs activités pour offrir un impact positif sur la société?

Oui. DSM en un ancienne société minière fondée au début des années 1900. A la fin du 20e siècle, elle s'est lancée dans la biotechnologie et a continué a effectué des acquisitions pour fournir des solutions scientifiques qui cherchent à résoudre les problèmes d’actualité. Aujourd'hui, DSM fabrique des produits nutritionnels et des matériaux de performance. La nutrition, qui représente 67% de son chiffre d’affaires, est de loin son activité principale. Leurs produits comprennent un supplément de vitamine D (Ampli-D) réputé pour renforcer l'immunité contre le Covid, un substitut de sucre naturel connu sous le nom de Stevia et une protéine d'origine végétale, le Canola. Elle produit aussi un additif alimentaire pour le bétail qui réduit le méthane, dont l'enregistrement est prévu pour fin 2021.