Un rythme de rénovation soutenu du parc immobilier

Yves Hulmann

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Pour Philippe Doffey, directeur de Retraites Populaires, les possibilités de faire davantage de travaux de rénovation se heurtent aux capacités disponibles des entreprises.

Outre un bénéfice net qui a plus que doublé à 345 millions de francs en 2021, contre 129 millions en 2020, Retraites Populaires a aussi réalisé une performance nette de 6% en 2021, comparé à 4,4% en 2020 et 11,3% en 2019.

Les actions et le private equity ont principalement contribué à cette progression, tandis que placements obligataires ont présenté des performances pour la plupart négatives, a indiqué la société qui a présenté ses résultats mercredi. Que faut-il attendre pour la suite? Le point avec Philippe Doffey, directeur général de Retraites Populaires.

En 2021, Retraites Populaires a réalisé une performance nette de 6%, contre 4,4% en 2020, tandis que le bénéfice net a plus que doublé à 345 millions de francs, après 129 millions un an plus tôt. Concernant les perspectives pour 2022, vous vous montrez en revanche très prudent, soulignant que si vous avez eu le vent dans le dos en 2021, il faudra plutôt affronter des vents contraires cette année. A quoi songez-vous en particulier?

D’abord à l’inflation. Même si elle restera moins élevée en Suisse qu’ailleurs, la hausse des taux d’intérêt qui résulte de l’augmentation des prix du pétrole, de nombreuses matières premières et des coûts de l’énergie en général a aussi des répercussions sur nos placements. Ensuite, il y a les incertitudes liées à la situation géopolitique: personne ne sait comment la guerre en Ukraine va évoluer. Tous ces facteurs vont provoquer une augmentation des taux d’intérêt et cette hausse sera pénalisante à court terme.

«Je ne pense pas que le reversement de 68 millions d’excédents aux assurés va devenir la nouvelle norme. Tout dépendra de l’évolution des marchés.»
Pensez-vous aux divers placements que vous effectuez ou à la valorisation de votre parc immobilier?

Surtout à l’aspect des placements. Une hausse des taux d’intérêt aura un impact aussi bien sur les obligations que les actions que nous détenons dans notre bilan. S’agissant de l’immobilier direct, Retraites Populaires est à mon avis relativement peu exposé à un risque de hausse des taux. D’une part, car notre parc immobilier est surtout constitué d’immeubles affichant des niveaux de prix moyens. D’autre part, en raison de la dynamique démographique dans le canton de Vaud. Avec quelque 8’000 arrivants par année, ce qui correspond à un besoin d’environ 2500 appartements, la demande reste importante sur le marché du logement. En outre, une hausse des taux d’intérêt n’affecte généralement pas tellement l’immobilier de location – son impact se fait davantage ressentir sur les logements en propriété. L’augmentation des coûts liés à des taux hypothécaires plus élevés pourrait avoir un certain impact sur la demande des PPE ou des maisons individuelles. Dans le domaine des immeubles de location, je ne pense pas que cela soit le cas.

Toujours concernant les résultats de 2021, la distribution d’excédents aux assurés a atteint près de 68 millions de francs. Faut-il désormais s’attendre à ce qu’une telle somme soit reversée chaque année aux personnes assurées chez Retraites Populaires ou est-ce une exception?

Je pense que c’est un montant qui résulte d’un exercice qui a été vraiment exceptionnel. C’est d’autant plus le cas que nous avons pu reversé de l’argent aux assurés dans tous les domaines, aussi bien concernant les produits de rente, de capital, les polices de libre passage que dans la prévoyance. Maintenant, je ne pense pas que le reversement de 68 millions d’excédents aux assurés va devenir la nouvelle norme. Tout dépendra de l’évolution des marchés. L’idée est d’attribuer les excédents en fonction du résultat réalisé – nous ne pouvons pas estimer ce montant à l’avance.

«Le véritable enjeu est la limite des capacités disponibles: en Suisse, il faudrait quatre fois plus de personnel pour pouvoir réaliser tous les travaux de rénovation nécessaires.»
En 2021, Retraites Populaires a une nouvelle fois adapté à la baisse le rendement nécessaire pour couvrir vos engagements à 1,4%, contre 1,74% en 2020 et 1,94% en 2019. Le niveau plancher a-t-il été désormais atteint?

Ce rendement dépend beaucoup de l’évolution du taux d’intérêt minimal LPP, tel qu’il est fixé par le Conseil fédéral, qui est situé à 1%. Si le taux LPP est revu à la hausse, alors cela fera mécaniquement augmenter aussi le rendement nécessaire de notre institution. De manière générale, notre but est d’être plus agile en termes de structure de bilan. Nous ne pouvons toutefois pas déterminer entièrement par nous-même à quel niveau se situera le rendement nécessaire à l’avenir, car il est justement influencé par le taux LPP et le taux technique.

En matière de développement durable, vous visez un rythme de rénovation situé à 1,5% chaque année pour votre parc immobilier. Serait-il possible d’en faire davantage?

Notre parc immobilier direct, qui représente à lui seul près de 21% de notre bilan, fait l’objet d’une politique de rénovation très active. Une fois qu’un objet immobilier a été rénové, cela permet d’obtenir des économies d’énergie allant jusqu’à 60 ou 70% de la consommation précédente, comme cela a été le cas par exemple suite à la rénovation de l’immeuble Beau-Rivage à Lausanne. Il en résulte ensuite une réduction massive des charges.

A la question de savoir s’il serait possible d’en faire davantage, notre volonté serait d’aller encore plus vite dans le rythme de rénovation de notre parc immobilier mais celle-ci se heurte à la limite des capacités disponibles dans ce domaine. Nous avons par exemple scanné 600 immeubles pour évaluer quelles étaient les possibilités d’améliorer leur bilan énergétique. A la fin, nous avons retenus 150 immeubles. Même lorsque la décision de rénovation a été prise, il faut encore trouver les entreprises capables d’effectuer de tels travaux. Le véritable enjeu est la limite des capacités disponibles : en Suisse, il faudrait quatre fois plus de personnel pour pouvoir réaliser tous les travaux de rénovation nécessaires. La véritable limite du rythme de rénovation ne se situe pas au niveau de la capacité d’investissement ou des aides apportées par la Confédération et les cantons mais elle tient au personnel disponible pour effectuer ces travaux, à la possibilité de trouver les entreprises capables de les réaliser. Et puis, il y a aussi la question du type de rénovations énergétiques qui se pose: pour poser des panneaux solaires, c’est en général assez simple pour obtenir les autorisations nécessaires. Lorsqu’il s’agit de travaux de géothermie, il s’agit de procédures beaucoup plus complexes.

«En ce qui concerne la gestion passive, nous sommes en phase de réflexion afin d’investir sur la base de benchmarks qui intègrent des critères de durabilité.
Un autre domaine sur lequel vous mettez l’accent est celui de l’encouragement à la prévoyance volontaire. Retraites Populaires a même lancé début avril une campagne qui s’adresse aux personnes âgées entre 20 et 30 ans. Vous partez du constat que seules 36% des personnes âgées de moins de 35 ans ont déjà cotisé au 3e pilier. Comment convaincre ces personnes?

Il faut tout d’abord avoir un message adapté qui parle aux personnes de cet âge-là. Ensuite, il faut choisir un canal de distribution adapté – rien ne sert de leur dire d’aller prendre rendez-vous avec un conseiller en placement. Enfin, il faut aussi mettre en évidence des avantages qui les concernent: par exemple, en soulignant qu’ils feront des économies d’impôts ou que l’argent épargné dans le pilier 3a peut être utilisé pour financer l’accès au logement.

Quels types produits proposez-vous dans ce domaine?

Nous proposons des produits à capital garanti. En revanche, nous n’offrons pas de produits liés à des fonds de placement.

Il devrait être possible, d’ici quelques années, d’effectuer des versements rétroactifs, allant jusqu’à 5 ans, dans le pilier 3a lorsque l’on n’a pas utilisé l’entier de ses possibilités de cotisation. Que pensez-vous de cette possibilité?

En tant qu’assureur, nous y sommes favorables. Quant à savoir dans quelle mesure ces nouvelles possibilités de déductions seront acceptables sur le plan politique, il est difficile de le prévoir.

Les placements qui tiennent compte des critères ESG sont un des thèmes très discutés du moment. Comment les appliquez-vous – en effectuant vous-même le travail d’analyse ou déléguant cette tâche à des sociétés tierces?

Pour certains types de placements, nous déléguons ce travail à des sociétés tierces - mais en leur demandant d’appliquer nos critères. En ce qui concerne la gestion passive, nous sommes en phase de réflexion afin d’investir sur la base de benchmarks qui intègrent des critères de durabilité.

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