Un optimisme raisonné

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Priorité à la reprise, à la relance, au rattrapage. Entretien avec Stéphane Furet de Dorval Asset Management.

Alors qu’analyses et opinions sont truffés de termes tels que «recul», «récession» ou même «dépression», Dorval Asset Management est optimiste sur le sort de l’économie et des entreprises. Malgré le choc sanitaire et les mesures qui l’ont accompagné – et dont l’impact ne peut être sous-estimé -, la priorité doit être accordée à la reprise, à la relance, au rattrapage. C’est autour de cette logique que Dorval Asset Management entend organiser ses portefeuilles. Quelques questions à Stéphane Furet, directeur général délégué et gérant de fonds.

Contrairement à une majorité de vos pairs, vous êtes optimiste. Pourquoi?

Nous sommes positifs et peu nombreux à l’être. Certes, la sortie de crise ne sera pas univoque et plusieurs régions restent très vulnérables; c’est le cas dans les pays émergents, dans quelques états américains et dans certains pays européens. Mais nous estimons que la deuxième vague, si elle survient, sera surmontée à un coût économique très inférieur à celui de la première vague. C’est d’ailleurs l’opinion de l’OCDE qui chiffre le coût d’une seconde vague au tiers du coût de la première. Le taux de mortalité baisse et un vaccin – celui d’AstraZeneca - est enfin réellement à l’ordre du jour pour l’automne. En termes de chute boursière, si le crash de mars/avril a été le plus agressif jamais enregistré, la normalisation se montre très rapide. Les résultats d’entreprise attendus pour le deuxième trimestre pourraient être plus élevés que ceux envisagés et les PMI européens tout juste publiés se situent en moyenne à 47,5, au-dessus des attentes. 2021 sera l’année du boom économique avec une croissance que nous estimons à environ 6% en Europe. Certes, pour que le niveau de profit des principales entreprises européennes revienne à celui de 2019 il faudra patienter jusqu’à fin 2022 ou début 2023 mais beaucoup de sociétés pourraient déjà les atteindre en fin d’année 2021.

«La rapidité de réaction des banques centrales a prévenu la crise financière.»
Le salut est-il entre les plans de relance gouvernementaux et les programmes d’achat d’actifs des banques centrales?

Sans aucun doute. C’est ce qui a permis de tenir le choc sanitaire sans effondrement des revenus pour les ménages. L’Union européenne travaille sur un plan de relance de 750 milliards d’euros ciblant particulièrement les pays périphériques du Sud et de l’Est. Les Etats-Unis annoncent un quatrième plan de relance de mille milliards de dollars en juillet. Entre chaos et dette, les autorités ont choisi la dette. Avec des programmes illimités d’achat d’actifs, les banques centrales garantissent la solvabilité des Etats et, directement ou indirectement, celle de la plupart des entreprises. De nombreux pays émergents sont aussi entrés sur ce terrain. La rapidité de réaction des banques centrales a prévenu la crise financière. Les primes de risque de mars se réduisent tout comme la crainte d’une cascade de faillites.

Dans une présentation récente, vous citiez une enquête de Bank of America Merrill Lynch selon laquelle la majorité des gérants pensent que les marchés actions sont surévalués. N’est-ce pas votre sentiment?

Nous sommes plus nuancés. L’évolution des indices boursiers indique qu’ils sont bien construits pour résister. Plus de 50% de l’indice MSCI monde est composé de sociétés pour lesquelles les profits ont très bien résisté aux chocs, en particulier dans la santé et la technologie. Les marchés ne sont, en vérité, ni surévalués, ni sous-évalués. Au niveau mondial, le PER de Schiller1 est proche de sa moyenne historique. Malgré le soupçon de bulle, le PER de Schiller des actions de croissance, de type Nasdaq ou Tesla, suit le même trend que sur les 20 dernières années. Avec des taux durablement bas, les marchés actions restent très attractifs en particuliers les valeurs cycliques et industrielles.

«Nous conservons certains thèmes structurels et avons rebalancé
nos portefeuilles actions vers des secteurs plus cycliques.»
Quelles sont les opportunités les plus intéressantes?

Les secteurs les plus appréciés sont effectivement chers par rapport aux secteurs les plus cycliques, qui sont eux très décotés. En d’autres termes, les marchés se sont montrés trop négatifs vis-à-vis des cycliques qui, délaissées, sont aujourd’hui très bon marché et devraient se revaloriser en 2020/21 comme on l’a observé lors des 3 précédentes reprises économiques. Il faut donc s’attendre à une rotation progressive mais potentiellement de grande ampleur. En conséquence, nous conservons certains thèmes structurels et avons rebalancé nos portefeuilles actions vers des secteurs plus cycliques et vers les petites valeurs prometteuses qui ont été très éprouvées.

Certains secteurs ont beaucoup souffert. Quelles sont vos attentes?

Le transport aérien a été terriblement affecté par le confinement. Ce sont les compagnies low cost, avec leurs offres de vols plus courts et plus abordables, qui devraient se redresser le mieux. Les compagnies historiques vont durablement souffrir de la baisse des voyages business en raison des nouvelles habitudes peu couteuses d’échanges professionnels online. L’hôtellerie et l’événementiel sont aussi à la peine pour longtemps. 

Quels sont les titres que vous avez récemment sélectionnés et pourquoi?

Dans notre fonds d’actions européennes, nous avons privilégié plusieurs thématiques: la digitalisation de l’économie (Solutions 30, S&T, Worldline), les sociétés en capacité à traverser la crise et à rebondir (Total, Axa, Unibail, CRH), la transition énergétique et environnementale (Veolia, Schneider). Les autres sélections sont plus ad hoc (Adidas, Sanofi, Aperam, Michelin). Je ne reviendrai que sur quelques exemples. Cement Roadstone Holdings (CRH), un leader des matériaux de construction, que nous avons acheté au plus bas et qui devrait profiter des plans de relance aux Etats-Unis et en Europe. Dans un secteur automobile en pleine déconfiture, Michelin continuera de bénéficier du remplacement indispensable des pneus sur un parc vieillissant. Ou encore Aperam, un des leaders de l’inox européen: une entreprise sans dette, qui sert un dividende élevé (7%) et qui va profiter des volumes et de prix croissants au deuxième trimestre.

1 Pour obtenir son PER, Robert Shiller a mis au point sa propre méthode de calcul qui revient à diviser la valeur boursière des marchés d'actions US par la moyenne sur dix années des bénéfices annuels.

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