Un objectif ambitieux

Salima Barragan

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Tim Radjy d'AlphaMundi veut décupler les avoirs engagés dans la gestion d’impact en Suisse d’ici à 2030.

Du 29 novembre au 2 décembre, Building Bridges mobilise les acteurs du développement durable en Suisse, réunissant ONG, autorités gouvernementales et établissements financiers du monde entier. Sponsor de l’événement, AlphaMundi dévoile son objectif ambitieux de décupler d’ici à 2030 les avoirs engagés par l’industrie financière dans la gestion d’impact en Suisse, à l’aide d’une coalition d’acteurs. Dans un entretien en marge de la conférence, Tim Radjy, fondateur d’AlphaMundi et membre du comité de Sustainable Finance Geneva, nous explique comment il compte atteindre cet objectif.

Comment les investissements d’impact en Suisse ont-ils évolué depuis la première semaine de Building Bridges en 2019?

Durant la pandémie, les investisseurs n’avaient plus la possibilité de se réunir, ce qui a freiné les investissements d’impact. Selon les statistiques du rapport Tameo, la majorité des fonds d’impact sur les marchés émergents ont cru de 1,5% en 2020. C’est un chiffre très bas vis-à-vis de la croissance de 18% enregistrée en 2019.  Mais cette année, les investissements d’impact ont repris au même rythme qu’avant la crise, avec une augmentation de 10 à 12% des actifs engagés.

Comment l’avenir de la finance d’impact suisse s’annonce-t-il d’ici 2030, date butoir des Objectifs de développement durable des Nations Unies?

Plus nous approchons de 2030, plus les pressions de la COP26 et l’engouement pour la finance durable seront marqués. En Europe, les exigences de transparence en matière de risques et de durabilité sont devenues incontournables. La Suisse, qui est traditionnellement un marché autorégulé, instaurera nécessairement des mesures plus musclées. Mais pour l’instant, je constate que les décisions d’intégration des opportunités durables dans les portefeuilles sont lentes. Selon Swiss Sustainable Finance, la Suisse a investi 1’520 milliards de francs suisses avec une approche ESG et 86 milliards avec impact en 2020, sur les 6’900 milliards d’actifs qu’elle gère. Il faudrait revoir les systèmes de bonus des gérants afin d’assurer une allocation supérieure des fonds à la finance durable.

 La finance d’impact a fait ses preuves sur la dernière décennie et ses résultats sont au rendez-vous.
Votre objectif en Suisse est de décupler les actifs d'impact, actuellement de 1% à 10% d’ici 2030? Pourquoi 10%?

Si l’on se base sur la tendance hors COVID, nous arriverions à ce chiffre avec une croissance annuelle de l’ordre de 23%. La finance d’impact a fait ses preuves sur la dernière décennie et ses résultats sont au rendez-vous. Face aux impératifs moraux et financiers, il me parait qu’un objectif ambitieux est pertinent.

Comment arriverez-vous à l’atteindre?

Comptant près de 1% des actifs domestiques investis avec une mesure d’impact, la Suisse, pourtant pionnière en matière de finance durable, est à la traîne de l’Union Européenne et des Etats-Unis. Le G7, puis le G8, avaient constitué en 2013 une task force pour les investissements sociaux, convertie en un groupe de mobilisation, le groupe directeur global pour la finance d’impact (GSG). Basé à Londres, il a créé des conseils nationaux pour la finance d’impact dans un trentaine de pays et la Suisse n’en fait pas encore partie. Leur rôle est primordial pour bâtir des partenariats publics et privés. Nous aimerions donc constituer un conseil national en Suisse d’ici la fin de l’année prochaine, afin qu’il nous permette de multiplier les engagements par 10 par rapport aux encours actuels.

Viser une allocation de 10% des actifs de ces actifs, n’est-ce pas imaginer que l'impact deviendra une classe d’actifs à part entière?

L’ESG est une approche, et non une classe d’actifs traditionnelle et je pense qu’il n’y a que de bonnes raisons d’investir selon une telle perspective, considérée comme une niche il y a 10 ans, à travers toutes les classes d’actifs.

Comment votre fonds d’impact, en partie exposé aux microcrédits, s’est-il comporté durant la pandémie? Avez-vous eu des défauts de paiement?

Notre fonds de dette SocialAlpha, qui prête de l’argent à des petites entreprises en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, investit dans des fintechs prêteuses des fonds ainsi que dans des sociétés liées aux énergies renouvelables ou à l’alimentation durable. Ses caractéristiques de rendement ajusté au risque sont donc différentes des fonds de microcrédits. Sa performance annuelle depuis sa date de lancement en 2009 jusqu’au 30 juin 2019 a été positive, de l’ordre de plus de 3% par an. Durant la pandémie en 2020, le portefeuille a subi une contraction de 4% qui n’est pas due à une série de faillites mais la conséquence d’une approche délibérément conservatrice où nous avions provisionné des montants significatifs à cause du manque de visibilité sur les événements. Nous avons ensuite déprovisionné, revenant à des rendements positifs dès 2021. Non parce que les pays en voie de développement ont résolu leurs problèmes en termes de vaccins et de quarantaines, mais parce que nous avons restructuré la majorité des prêts sur trois mois à trois ans, pour soutenir les entreprises dans leur trésorerie et préserver leurs capacités opérationnelles.  La plupart des entreprises ont réussi à résister à l’impact de la pandémie, mais nous n’excluons pas un second impact tant qu’une grande partie de leurs populations n’a pas accès aux vaccins, même si leur âge moyen réduit l’impact potentiel du COVID19.

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