Un air de ressemblance

Salima Barragan

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L’heure de la gestion fondamentale «Long short» est revenue. Avec Chris Crawford de Crawford Capital Partner.

Lors de la grande débâcle financière en 2009, la gestion alternative n’avait pas été à la hauteur de ses promesses. Ce qui avait forcé un grand nombre de hedge fund managers à revoir leur copie et créer de nouveaux modèles plus résilients aux corrections de marché. Selon Chris Crawford, CIO de la société de gestion éponyme qui vient de signer un partenariat avec le groupe Eric Sturdza, il existerait certaines similitudes entre la tourmente de 2009 et la correction boursière de 2022. Entretien.

Quelles similitudes voyez-vous entre la débâcle de 2009 et la correction de cette année?

La situation actuelle ressemble à celle de 2009: un important repli du marché après plus d'une décennie de hausse; hausse qui semble avoir été davantage alimentée par le momentum et des flux de capitaux passifs plutôt que par la sélection d’actions sur base de fondamentaux solides.  Mais avec la hausse de l'inflation et des taux d'intérêt, l'argent n'est plus gratuit. Les fondamentaux et la sélection des titres semblent revenir à la mode. De plus, les replis du printemps 2020 et de 2022 rappellent aux investisseurs que la protection à la baisse peut être très précieuse.

Pour quelles raisons aviez-vous lancé une nouvelle stratégie alternative en 2009, alors que la crise financière battait son plein?

Avant la création de la société, nous gérions un portefeuille «Long Short» qui, comme tant d'autres en 2009, ne fut plus en mesure d’assumer le risque de marché. Mais à cette époque, nous étions les témoins privilégiés d’opportunités d’investissement uniques sur les actions, avec des valorisations qui n’avaient jamais été vues jusque là; des sociétés se négociaient avec des décotes incroyables par rapport à leur valorisation intrinsèque, parfois même en dessous de la valeur de leur trésorerie nette. Vous pouviez acquérir des sociétés opérationnellement rentables gratuitement!

Pourquoi pensez-vous qu’il est plus judicieux de recourir au marché des options plutôt qu’à des ventes à découvert dans la gestion d’une stratégie alternative?

Nous préférons en effet déployer nos idées «short» moyennant l’achat d’options de vente et non à travers la vente à découvert, qui est la méthode traditionnellement utilisée dans l’industrie. Nous sommes arrivés à la conclusion que l’achat de Put présente de nombreux avantages et pour n’en citer qu’un: celui d’éviter des «Short Squeeze».

Nous préférons ainsi les caractéristiques du couple rendement / risque des options lorsqu'il s'agit de matérialiser une thèse d’investissement négative. Les options de vente ont un potentiel de perte fixe car vous ne pouvez perdre que la prime investie.  En revanche, lorsque la thèse s’avère correcte, le rendement est largement amplifié.  L'inverse est applicable pour les «shorts» traditionnels: le potentiel de perte est illimité et le potentiel de hausse plafonné.

Nous percevons également un avantage psychologique d’être «short» au travers d’options car lorsqu'une position à découvert traditionnelle se retourne contre vous, c'est-à-dire que l'action monte, la vente devient théoriquement encore plus attrayante et devrait faire l’objet d’une augmentation de la position, alors qu’en parallèle, cette position augmente en taille dans le portefeuille et devient un risque accru; surtout si votre thèse se révèle erronée, comme le marché le laisse entendre.  Ce paradoxe peut anéantir les vendeurs à découvert traditionnels uniquement à cause de l'asymétrie du rapport risque/profit de leurs positions «short».  En revanche et dans cette même situation, la valeur et le poids des options put dans le portefeuille diminuent et ce dernier devient moins risqué lorsque la thèse s'avère incorrecte, car les options finissent par expirer sans valeur et vous passez à autre chose. Parallèlement la taille et la pondération des positions put dans le portefeuille s’agrandissent et celles-ci deviennent automatiquement plus rentables lorsque vous avez raison.  

L’utilisation d’options n’est pas plus contraignante?                                                                                            

Elles constituent un actif qui s'érode avec le temps et qu'il faut constamment ajuster pour maintenir l'exposition négative du portefeuille «short». Il est donc important de déterminer initialement un niveau de risque, c'est-à-dire un montant de prime de vente à ne pas dépasser, puis de respecter celui-ci en tout temps.

Quel est votre perspective sur les marchés à moyen terme?

Pour les prochaines années, nous craignons que l'inflation et les taux d'intérêt ne restent à des niveaux plus élevés et plus longtemps que ce que le consensus ne le prévoit.  Nous écrivons dans nos lettres trimestrielles sur ce sujet depuis plus de deux ans, et le consensus s'est d’ailleurs rapproché de notre point de vue au fil du temps, mais nous pensons que le marché n'a pas encore totalement assimilé ni escompté notre scénario de base.