SILEX dévoile son pipeline obligataire

Salima Barragan

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Volatilité d’inflation, taux d’intérêt, risque de récession: comment se positionner. Avec Philippe Kellerhals de SILEX.

En 2019, SILEX lançait ses deux premiers fonds d’obligations au sein d’un environnement complexe. Le bilan est sans appel: les investisseurs ont davantage plébiscité les stratégies flexibles et sans contraintes ou celles de niche. Si l'air du temps ne réussit pas aux approches traditionnelles, il offre toutefois un point d’entrée historique pour le lancement d’un fonds daté, selon Philippe Kellerhals, responsable de la gestion obligataire chez SILEX. Entretien.

Depuis le lancement de vos deux fonds obligataires initiaux, comment avez-vous étoffé votre offre de produit?

Nous avons pour vocation de ne pas lancer des fonds trop régulièrement afin de rester cohérents dans notre approche. Les structures simples de nos mandats nous ont permis de naviguer au sein de l’environnement difficile. Notre stratégie commerciale vise à amener rapidement les fonds à leur pleine capacité qui se situe entre 600 et 800 millions de francs, puis étoffer la gamme avec de nouveaux produits qui ne cannibaliseraient pas ceux existants. Nous voyons aujourd’hui une opportunité inédite de lancer un fonds daté dans lequel nous investirions dans un portefeuille d’obligations défensives et non cycliques de notations supérieures ou égales à BB- avec des maturités inférieures à 2028, afin de tirer avantage de la courbe des taux et de l’écartement des spreads de crédit pour bloquer un rendement plus élevé sur des maturités faibles; un phénomène plus revu depuis quelques années. Un fonds daté est un produit atypique, car il est constitué d’un élément de timing du cycle avec une période de souscription fixe de six mois à partir de cet été.

Avez-vous d’autres idées de lancement dès l’année prochaine?

Oui, nous pensons faire une déclinaison de nos fonds classiques sur les marchés émergents qui nécessitera deux nouvelles ressources à long terme:  un gérant et un analyste. Puis nous aimerions également lancer un fonds sur les dérivés de crédit (CDS), ce qui permet de modifier le profil de risque des liquidités des actifs des fonds. Mais aussi offrir des opportunités ainsi qu’un profil de risque / rendement différent de l’obligataire pur. Ce projet qui requiert des ajustements opérationnels au niveau du risque prendra plusieurs trimestres avant de voir le jour.  Enfin, nous avions lancé un fonds convertible il y a un an et demi. Après une année 2021 compliquée, il sera intéressant de le remettre en avant dès cette année pour son côté défensif.

Quels sont les segments de crédit actuellement les plus recherchés par votre clientèle?

Leur appétit qui a fait défaut ces dernières années est en train de revenir, car la période de volatilité offre un grand potentiel. Jusqu’ici, ils recherchaient les segments peu exposés à la duration, par exemple au format flottant ou dont les risques de duration sont couverts ainsi que les prêts à effet de levier, aussi en format flottant. Ces poches n’ont pas subi de sorties de capital. En revanche, les investisseurs ont délaissé les bons du Trésor, l’investment grade ainsi que le high yield. Enfin, les fonds flexibles avec moins de contraintes et qui comportent des instruments dynamiques restent plébiscités. Leurs encours ont mieux tenu que ceux engagés dans les segments traditionnels, où les performances cumulées depuis le début de l’année sont dramatiques.

Quel est votre scénario macro-économique?

Le coût du capital augmente de façon drastique dans un contexte d’inflation élevée, ce qui contraste avec les diverses périodes de stress survenues depuis la grande crise financière où les banques centrales étaient venues à la rescousse. Notre scénario le plus probable demeure une récession classique en 2023, qui mettrait le crédit à haut rendement, les obligations perpétuelles et les actions sous pression. Nous pouvons imaginer comme seconde hypothèse (bien que moins vraisemblable selon nous), un atterrissage en douceur avec un ralentissement rapide de l’inflation et une progression des taux modérée, qui entraineraient une baisse de la volatilité. Nous pensons qu’il est probable que la progression de l’indice des prix à la consommation aux États-Unis redescende à 3-4% en début d’année prochaine par rapport aux 6-7% récemment.

Comment anticipez-vous l’évolution des marchés obligataires à la lumière de l’inflation et de la remontée des taux?

Le marché a déjà pris en compte de nombreuses futures hausses taux des banques centrales. Ces hausses de taux se matérialiseront rapidement, mais ne devraient pas excéder matériellement ou longtemps le taux terminal implicite dans les courbes de taux actuelles (3,4% aux États-Unis à fin avril). Les banques centrales des pays développés ont mis très ou trop longtemps avant de resserrer leurs politiques monétaires. Elles vont maintenant le faire de façon très abrupte alors que les perspectives économiques se détériorent. Il en résulte un risque important d’erreur de politique monétaire. Par ailleurs, les attentes d’inflation à long terme ainsi que les estimations du taux dit neutre restent bien ancrées, ce qui nous semble logique au vu de facteurs structurels forts (endettement, démographie, productivité). Dans ce contexte, et avec des taux réels positifs sur la partie longue de la courbe aux États-Unis, l’ajustement des courbes de taux nous semble quasiment complet. À ce titre, les obligations souveraines redeviennent plus désirables, car elles devraient remplir à nouveau leur rôle d’actif défensif.

À quels types de clients vous adressez-vous?

Notre base de clientèle est constituée essentiellement de sociétés de wealth management et de la Suisse. La base de clients sur les fonds est en train d’évoluer, car nous avons passé le cap des trois années d’historique pour être considérés par de plus nombreux investisseurs institutionnels. Depuis environ un an, nous avons aussi commencé à nous diversifier en dehors de la Suisse, notamment en France qui forme un relais de croissance naturel.

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