Responsabilisation des investisseurs et des entreprises

Salima Barragan

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Ghadir Cooper de Barings préconise une approche dynamique et un engagement actif pour débloquer la valeur à long terme.

Transition climatique, droits de l'homme; les investisseurs prennent de plus en plus conscience de leur pouvoir d’influence sur la société via des stratégies de placement qui prennent en compte les critères ESG en parallèle des performances financières. D’ailleurs, l’investissement responsable pourrait devenir la norme plus vite qu’on ne le pense. Cependant, toutes les approches ESG ne se valent pas. «L'intégration, la dynamique prospective et l'engagement actif sont la clé pour débloquer la valeur à long terme sur les marchés des actions », affirme Ghadir Cooper, responsable des actions au niveau mondial chez Barings. Entretien.

La prise de conscience de l’investissement responsable est apparue peu après l’éclatement de la Grande Crise Financière. Pourquoi les gestionnaires d’actifs ne communiquent-ils dessus que depuis ces dernières années?

Si la prise de conscience a commencé il y a des décennies, l’importance de l’ESG s'est accélérée dans un laps de temps très court. Les investisseurs sont devenus plus conscients de leur pouvoir d’influence sur des problèmes globaux comme le changement climatique et les droits de l’homme. Ces derniers temps, ces tendances coïncident également avec des régulations qui évoluent en faveur de l’ESG et qui en demanderont toujours plus aux investisseurs.

Pour les gestionnaires d'actifs, il est donc impératif de comprendre
clairement le résultat que leurs clients recherchent.
Pouvons-nous imaginer que l’investissement responsable devienne la norme d’ici cinq ans?

Elle deviendra une norme bien plus rapidement que cela. Tous les investisseurs ont déjà intégré l’ESG d’une façon ou d’une autre même si toutes les approches ne sont pas comparables. Cette tendance s'intensifiera aussi au sein des entreprises qui sont même plus importantes que les investisseurs dans le sens où elles ont un impact direct sur la société.

Effectivement, les approches ne sont pas toutes comparables. Mais ne répondent-elles pas aussi à des objectifs différents?

Chaque approche possède ses avantages et ses inconvénients mais elles produisent effectivement des résultats différents. Par exemple, certains investisseurs sont prêts à accepter des rendements financiers plus faibles en échange de meilleures normes sociétales ou environnementales alors que d'autres n’envisagent l'ESG que sous l'angle de la gestion des risques. Pour les gestionnaires d'actifs, il est donc impératif de comprendre clairement le résultat que leurs clients recherchent.

Selon votre expérience, quelle approche vous semble-t-elle la plus équilibrée?

L’ESG a d’abord commencé avec les filtres d’exclusion qui est une approche peu sophistiquée car elle empêche de tenir un dialogue pour un changement positif. Puis les approches ont changé avec l’intégration des critères l’ESG dans les décisions. C’est cette voie que nous avons décidé de suivre avec les sociétés dans lesquels nous investissons afin d’influencer leur comportement. Cette approche dynamique offre de meilleurs résultats à tout le monde. Nous avons inclus des thèmes de durabilité sans altérer les profils de risque/rendement y compris une meilleure gestion des ressources environnementales afin de répondre aux objectifs de neutralité carbone. D’autres gestionnaires vont même plus loin avec l’investissement d’impact pour réduire par exemple les déchets. Sans oublier la philanthropie qui se trouve de l’autre côté du spectre.

Les sociétés devraient avoir pour objectif de dénicher
les talents et de les développer à l’interne.
Pouvez-vous revenir sur vos engagements avec des entreprises?

Oui, nous avons eu plus de deux cents interactions avec des sociétés afin qu’elles divulguent plus d’information, qu’elles mettent en place des politiques protégeant les lanceurs d’alerte, qu’elles publient les détails de leur chaîne d’approvisionnement ou encore qu’elles améliorent la diversité au sein des conseils d’administration.

Une entreprise pourrait argumenter qu’il n’est pas toujours possible de garantir la diversité des conseils si les talents féminins venaient à manquer, notamment dans certains domaines où les femmes sont encore (hélas) sous-représentées…

C’est potentiellement vrai, mais ce n’est pas une bonne excuse car les sociétés devraient avoir pour objectif de dénicher les talents et de les développer à l’interne. Les femmes doivent être encouragées à étudier dans des domaines nécessaires à leurs futures compétences et, lorsqu'elles commencent leur carrière, les entreprises doivent continuer à développer les talents. Les entreprises doivent assumer cette responsabilité.