Précautions autour du vaccin SARS-CoV-2 prévu pour 2021

Salima Barragan

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«Les autorités devront décider quels seront les groupes de la population à vacciner», estime le Docteur Christian Lach de Bellevue AM.

Des chercheurs du monde entier sont en train de tester 36 vaccins dans le cadre d'essais cliniques en phase III à grande échelle sur des humains. Les laboratoires les plus connus sont AstraZeneca, Moderna et Pfizer/bioNTech mais une multitude de biotechs du monde entier sont également entrées en lice. Les futurs vaccins qui nécessiteraient en temps normal des années d’essais réglementaires, pourraient bénéficier d’une procédure d’urgence en vue d’accélérer leur approbation par les organismes de la santé. Une situation sans précédent qui soulève de nombreuses questions. Le point avec le Docteur Christian Lach de Bellevue AM.

Le lancement des vaccins potentiel contre la Covid-19 se précise, mais est actuellement au cœur des débats. Pouvez-vous nous préciser les enjeux?

Les sociétés pharmaceutiques dans la course pour une approbation accélérée du vaccin emprunteront un chemin réglementaire abrégé, en particulier celles des pays émergents où les standards sont différents. Non seulement elles devront s’assurer de la réponse cellulaire immunologique, mais également des exigences de sécurité plus élevées auprès des sujets sains. Leurs effets à long terme que nous ne connaissons pas encore sont au cœur du débat. Les gouvernements souhaiteraient disposer de données allant jusqu’à un an; le minimum serait de six mois. On table sur un vaccin pour la saison prochaine.

Par mesure de précaution, il s’agira de décider
quels seront les groupes de population à vacciner.
Les autorités sanitaires américaines (FDA) pourraient autoriser un vaccin avant la fin des essais cliniques de phase III. En tant que scientifique, que pensez- vous de ces procédures d’urgences inédites?

Les vaccins traitent des patients sains et non sévèrement atteints ou sans d’autres alternatives thérapeutiques. Par mesure de précaution, il s’agira de décider quels seront les groupes de population à vacciner. Vaccinera-t-on les individus à risque uniquement, à savoir les personnes âgées et celles souffrant d’affections cardiaques, ou également les sujets jeunes et sains, en fonction dans la branche médicale par exemple? Les essais devront s’assurer d’une réaction immunologique positive auprès des personnes âgées dont le système immunitaire est affaibli.

Les vaccins ne sont-ils pas dangereux sur des patients asymptomatiques?

C’est un phénomène scientifique encore mal compris qui explique pourquoi nous avons besoin de tests à grande échelle. Les rapports des sociétés à ce sujet sont pour l’instant rassurants.

Le coronavirus est-il en mutation constante, à l'instar d’autres virus?

Non, il est assez stable. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi une certaine portion de la population en contact avec le virus ne développe aucun symptôme.  La mutation a le plus souvent lieu lorsque le virus saute d’une espèce à une autre. Sur chaque patient, le coronavirus se réplique avec quelques mutations. Ce qui est bien peu en comparaison d’un virus d’une grippe ordinaire qui peut avoir un taux de mutation 100 fois plus élevé que le SARS-CoV-2. Le vaccin contre la Covid-19 a ainsi de très grandes chances d’aboutir malgré les quelques mutations observées.

Les candidats ne sortiront probablement
pas tous des vaccins sur le marché.
Quel est le taux de réussite des vaccins?

Il est trop tôt pour se prononcer avec certitude, d’autant que le taux de réussite dépendra des technologies impliquées. Les projets de développement des nouveaux vaccins basés sur le RNA, l’ADN ou encore les protéines, sont particulièrement risqués mais leurs taux de réussite pourraient s’avérer supérieurs à ceux des vaccins traditionnels qui étudient le virus original atténué. Cependant, on reproche des effets secondaires à certaines technologies. Des études devront donc être être poursuivies pour pouvoir les confirmer ou les infirmer. Jusqu'à présent, tout avance bien, mais les candidats ne sortiront probablement pas tous des vaccins sur le marché.

La Suisse a déjà précommandé 4 millions de vaccins à la biotech américaine Moderna alors que les résultats ne sont pas garantis. N’est-ce pas un peu précipité?

Chaque pays essaie de négocier des options afin de détenir un plus grand stock de vaccin. La population mondiale aura besoin de milliards de doses de vaccins, ce qu’aucune société ne pourra produire. Pour le cas de la Suisse, notons que Moderna - qui a un siège à Bâle en partenariat avec Lonza -, progresse très rapidement avec son l'ARNm-1273.

Que penser des tests effectués auprès des populations des pays émergents tels que l’Afrique du Sud, au Mexique et au Brésil?

Ces pays cherchent à signer des accords tout comme les Etats-Unis et la Suisse pour sécuriser leur accès au vaccin. Cependant, ils disposent de moins de temps. Il s’agit d’un bénéfice mutuel où les pays en développement bénéficieront des vaccins peu chers qu’ils produiront domestiquement et dont les revenus généreront assez d’argent pour accélérer les processus de vaccination. Le monde entier veut protéger sa population. L’effort est fait au niveau global et la collaboration scientifique mondiale sans précédent est indépendante des considérations politiques.

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