Point d’inflexion

Salima Barragan

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«Depuis la bulle internet, les actions de valeur suisses n’ont jamais été aussi bon marché», déclare le Dr Yun Bai de Vontobel Asset Management.

Au cours des quinze dernières années, les actions Value - qui sont des titres décotés par rapport à leur valeur théorique -, ont sous-performé les actions de croissance. En d’autres termes, les actions value sont bien moins chères que les actions de croissance. Il faut retourner à l’ère de la bulle Internet pour retrouver un écart de valorisation aussi important entre les deux catégories de titres. Pour le Dr Yun Bai, responsable de la recherche des investissements factoriels chez Vontobel Asset Management, ces actions value sont à un tournant. Entretien.

Que pensez-vous de l’écart de valorisation entre les actions suisses de valeur et de croissance?

L’écart de valorisation est très prononcé sur le marché suisse, mais aussi au niveau global. Sur l’indice phare suisse, il s’agit d’une variation de 3 écarts types jamais enregistrée en 10 ans.

Quel sera le facteur déclencheur d’un retour à la moyenne des actions de valeur?

L’environnement de taux bas favorise les actions de croissance car les investisseurs se concentrent sur leur duration plus élevée. Toutefois, à plus court terme, on peut s'attendre à ce que les actions de valeur rebondissent en raison de l'écart de valorisation très prononcé des actions de croissance.  Dans l'intervalle, les plans de sauvetage de la Banque centrale réduiront le risque de défaut des sociétés de valeur.

Les banques centrales ont supprimé les risques
de liquidité et de défaut des banques commerciales.
Quand aviez-vous vu les actions de valeur suisses aussi bon marché vis-à-vis de celles de croissance?

Il faut remonter à la bulle internet. Même lors de la crise financière, les actions de valeur n’étaient aussi bon marché.

Cependant, on peut exclure une survalorisation des actions technologiques…

Oui, car à l'époque de la bulle Internet, les ratios cours/bénéfices se situaient entre 50 et 60 alors que les taux d'intérêt étaient beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, avec les taux planchers, nous avons un ratio P/E du secteur technologique de 30, ce qui n'est pas un niveau excessif de surévaluation si l'on considère que le ratio des marchés développés se situe à 20.

D’après vos analyses, comment les action Value se sont-elles comportées après la grande crise financière en comparaison avec le Covid-19?

Comme nous l’avions observé sur le marché suisse lors du crash boursier de 2008, la valorisation des actions valeurs n'était inférieure que de deux écarts types à sa moyenne historique alors qu’après la crise sanitaire, le rendement excédentaire du facteur valeur sur un an a atteint -22,45% fin mai.  A la sortie de le grande crise financière, lorsque le sentiment négatif des investisseurs s'était dissipé et que l'économie a repris de la vigueur, les actions de valeur ont mené la reprise boursière.  Actuellement, l'assouplissement des mesures de verrouillage et la possibilité d'évaluer plus clairement les conséquences économiques de la pandémie ont contribué de manière significative à la résolution de l'incertitude.

En juin, vous avez réduit votre importante exposition aux valeurs bancaires. Pour quelles raisons?

Durant la crise, les écarts de valorisation d’UBS et de Credit Suisse étaient abyssales, pourtant les valeurs bancaires suisses dans leur ensemble sont les plus grandes bénéficiaires des injections de liquidité. Les banques centrales ont supprimé les risques de liquidité et de défaut des banques commerciales. D’ailleurs, le marché l’a bien compris et ces valeurs ont rebondi une première fois en avril puis une seconde en mai. Suite au deuxième rebond, nous avons décidé d’alléger quelque peu notre exposition aux valeurs bancaires dont l’écart de valorisation avait commencé à se refermer.

Actuellement, la reprise et les investissements
semblent incertains pour le secteur des voyages.
Souffriront-elles aussi de l’essor Fintech à terme?

Oui, il y aura une compétition sur le long terme. Pour l’instant, les produits des Fintech doivent encore être régulés. À long terme, nous assisterons à l'évolution du secteur bancaire.

Avec la liquidité des ventes des titres bancaires, vous avez renforcé votre exposition sur les assurances, pourtant pénalisées par les dommages liés au Covid-19. Pour quelles raisons?

Leurs titres sont encore très sous-évalués. Nous avons bien analysé le risque bêta des assureurs ainsi que les développements du Covid-19 mais le scénario global devient plus clair qu’il y a un mois. Le secteur est indirectement impacté par les injections de liquidité des banques centrales. Les cinq grands assureurs auront ainsi des revenus stables ainsi qu’un bon retour sur liquidités.

Les pertes liées à la pandémie seront pourtant colossales si l’on croit certaines analyses…

Elles seront élevées mais les assureurs ont commencé à augmenter leurs primes pour absorber ces pertes qui sont de toute façon déjà dans les prix.

Les action Value cachent souvent des trappes de valeur. Quel est le secteur à éviter?

Actuellement, la reprise et les investissements semblent incertains pour le secteur des voyages. Le plus difficile sera de changer la mentalité des gens et de leur redonner envie de voyager.