Nouvelle dynamique pour l’Alliance Suisse des Gérants de Fortune

Salima Barragan

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Kristian Bader: «La technologie, la relation avec les banques et la visibilité sont les sujets de préoccupation de tout gérant indépendant».

Des concurrents peuvent-ils avoir du plaisir à se retrouver à la même table pour échanger autour de problématiques communes? Assurément, selon la jeune Alliance Suisse des Gérants de Fortune. Créée il a cinq ans à Zurich, cette association qui compte aujourd’hui 36 membres gérant plus d’un milliard de francs suisses d’encours, vient de franchir le cap symbolique des 100 milliards d'actifs collectifs sous gestion. La refonte récente de son Conseil d’administration a renversé les dynamiques régionales: la Romandie et le Tessin auront dorénavant leur mot à dire. Interview avec le Président fraîchement nommé de l’ASWM, Kristian Bader.

Pour quelle raison la composition du Conseil d’administration a-t-elle été remaniée et quelle nouvelle impulsion amène-t-elle à l’Alliance?

Lors de la création de l’association il y a 5 ans, les statuts prévoyaient que les membres du Conseil, c’est-à-dire les fondateurs, ne pourraient poursuivre leur mandat au-delà d’une période de 6 ans. Nous avons déjà commencé à amener de nouveaux collègues afin d’éviter d’avoir des sièges vacants. Lors de sa fondation, l’Alliance était naturellement plus orientée sur la place financière zurichoise. Cette refonte du Conseil a complétement changé les dynamiques régionales. Aujourd’hui, nous comptons davantage de membres de la Romandie et du Tessin.

Comment vous affranchissez-vous des différences culturelles?

Pragmatiques, nous disposons d’un Conseil d’administration constitué des personnes venant des différentes régions suisses avec Nicole Curti, Xavier Guillon, et David Joory pour la Romandie, ainsi qu'Andrea Hönig et Alen Vukic qui représentent le Tessin. Enfin des collègues de Zurich complètent la répartition du Conseil. Je ne vois pas vraiment de différences culturelles. Par contre, j’observe des spécificités dans les comportements des sociétés selon leur région d’origine. En fin de compte, nous évoluons tous dans la même industrie et serons confrontés l’année prochaine aux mêmes challenges.

Les gérants de fortune doivent aussi se mettre à la page avec les nouvelles solutions d’investissement telles que les crypto devises ou celles basées sur la blockchain.
Comment l’Alliance appréhende le défi de la nouvelle réglementation de la Finma qui prendra effet l’année prochaine?

Il ne faut pas sous-estimer le travail à accomplir de chaque gérant de fortune afin de se tenir prêt à ce nouveau cadre de travail. Hormis des travaux d’administration conséquents et une redéfinition stratégique, certains devront se restructurer afin d’être au point pour l’année prochaine.

Quels sont les autres challenges auxquels l’industrie est confrontée?

Les gérants de fortune doivent aussi se mettre à la page avec les nouvelles solutions d’investissement telles les crypto devises ou celles basées sur la blockchain car des demandes de conseil de la part de nos clients émergent. A moyen terme, ils devront s’adapter au rajeunissement de leur clientèle qui aura des besoins distincts de leurs ainés en matière de gestion.

Une coopération entre des gérants de fortune concurrents, un métier traditionnellement très discret sur ses activités, n’est-elle pas surprenante?

Dans le passé, il aurait été effectivement impossible d’amener tous ces concurrents à une même table. Or, ces concurrents font face aux mêmes défis et régulations et la nécessité d’une plateforme d’échange est devenue une évidence. Nous sommes toujours concurrents sur nos affaires, mais sommes assez proches pour discuter des sujets sur lesquels nous ne pouvons pas nous différencier car nous avons réussir à bâtir une relation de confiance. Rappelons que l’Alliance a pour objectif d’échanger sur des sujets de préoccupation de tout gérant indépendant: la technologie, la relation avec les banques dépositaires et notre visibilité et reconnaissance sur le marché.

Cette réglementation ouvrira la voie à de nouvelles sociétés mettant l’accent sur les nouvelles règles ainsi qu’à des organisations plus efficientes.
En tant qu’association collégiale, comment prenez-vous les décisions?

Outre des webinaires et des événements de networking, les membres se rencontrent un fois par an pour échanger sur des thématiques diverses et le Conseil d’administration se réunit mensuellement pour traiter les points importants, tels que l’adhésion de nouveaux membres, les prochains thèmes des webinaires, les demandes des tiers, etc.

Comment évolue le métier de gérant de fortune?

En Europe, la profession évoluait déjà dans un cadre contraignant depuis quatre ans. En Suisse, la Finma a également renforcé sa régulation avec l’entrée en vigueur de LSFin/LEFin, clarifiant les règles de gestion. Le métier y répondra avec davantage de professionnalisme. Certes les sociétés qui en manquent, souffriront de cette évolution. Mais le nouveau cadre va d’une part davantage protéger le client et de l’autre, créer des opportunités dans la mesure où le métier a évolué avec l’intégration des classes d’actifs alternatives comme le private equity et de l’immobilier. Aujourd’hui, les crypto devises rendent notre métier encore plus challenging.

Davantage des rapprochements entre des gérants de fortunes: comment voyez-vous le paysage évoluer d’ici deux à trois ans?

Certaines sociétés qui n’atteindront pas les nouveaux critères imposés par la Finma ne survivront pas et revendront probablement leur clientèle à d’autres gérants indépendants ou alors à des banques. Mais je suis également convaincu que cette réglementation ouvrira la voie à de nouvelles sociétés mettant l’accent sur des organisations plus efficientes. D’autres entreprises pourraient également se scinder afin de donner naissance à une entité distincte poursuivant une stratégie spécifique.

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