Moderna, la biotech du futur

Salima Barragan

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Le cours de l’action de Moderna stimulé par le vaccin contre le COVID-19 ne reflète pas tout son potentiel. Avec Julia Angeles de Baillie Gifford.

En l’espace d’un an, le titre de la biotech américaine Moderna a bondi d’environ 20 dollars à plus de 169 dollars. Ce qui n’est pas étonnant, sachant qu’elle livrera bientôt son vaccin contre le SARS-CoV-2. Gérée comme une société technologique, Moderna est aussi le leader des thérapies protéiniques: cette fameuse technologie dite de l’ARN messager sur laquelle repose son vaccin mais aussi que d’autres solutions qu’elle développe. Entretien avec Julia Angeles, portfolio manager chez Baillie Gifford.

Quelles sont les deux technologies que vous suivez actuellement de très près?

En dix ans, les technologies se sont améliorées tout en devenant plus abordables. Le séquençage des gènes qui nous permet de lire la carte biologique complexe des humains, continue aussi à diminuer les coûts de la santé. La nouvelle technologie dite d’ARN messager, dont on parle énormément ces derniers temps en raison de son application au vaccin contre le COVID-19, ouvre une variété d’approches thérapeutiques.

Moderna règne-t-elle sur l’ARN messager?

Oui, et elle est également en tête de la course pour le vaccin contre le COVID-19 grâce à cette technique. Nous avions investi dans cette biotech en 2018, bien avant la pandémie, parce que cette technologie flexible lui confère un avantage concurrentiel évident et lui permettra de créer d’autres solutions thérapeutiques, et pas uniquement le très médiatisé vaccin actuel. Cette société est en réalité un pont entre une biotech et une pure tech.

Il s’agit d’une organisation unique dans le monde de la science de la vie
où les programmes ne sont généralement pas corrélés entre eux.
Pour quelles raisons?

Parce que Moderna ressemble aux sociétés technologiques qui ont plus de prévisibilité sur leurs projets, qui requièrent moins de capitaux alors que les pipelines des biotechs sont plutôt incertains et leur taux de succès est très bas. Ces dernières ont également besoin d’importants capitaux. Moderna, qui opère en divisions verticales, a amené le mode d’affaires des sociétés technologiques à la biotechnologie. Dès qu’un de leurs nouveaux produits fonctionne à la verticale (comme les vaccins prophylactiques qui sont une verticale), Moderna peut utiliser exactement la même technologie pour développer le produit suivant avec un taux de succès très élevé: c’est la beauté de leur stratégie commerciale. Il s’agit d’une organisation unique dans le monde de la science de la vie où les programmes ne sont généralement pas corrélés entre eux.

Sa valorisation n’est-elle pas devenue trop élevée en l’espace de quelques mois?

Non, elle n’est pas trop élevée compte tenu de la réduction des risques dans leur pipeline. Sa valorisation ne reflète pas les opportunités liées aux autres vaccins en essais cliniques et au potentiel de croissance en dehors de l'espace des vaccins. Plusieurs autres vaccins seront aussi développés sur cette même base. Les sociétés qui exploitent des plates-formes - c'est-à-dire qui développent des technologies permettant, par exemple, de lancer un médicament après l'autre sur le marché - ont de meilleures chances de réussite à long terme.

Le mode de transport réfrigéré des vaccins COVID-19 pourrait-il provoquer des problèmes de distribution?

Cela dépendra de la rapidité à laquelle on pourra les distribuer à grande échelle. Mais le vaccin de Moderna à un avantage sur celui de Pfizer: il peut être conservé et transporté à -20 degrés (c'est-à-dire à la même température que les produits surgelés) contre -70 degrés pour son concurrent. Si nécessaire, le vaccin de Moderna peut également être conservé durant 30 jours dans un frigo à température normale (de 5 à 7 degrés).  En outre, il peut également être maintenu 12 heures à température ambiante. Le coût du transport sera marginal pour le vaccin de Moderna qui ne demande pas de logistique spéciale. Par contre, celle requise par le vaccin de Pfizer s’annonce plus complexe et coûteuse.

Les sociétés travaillant sur différentes approches
accroissent les chances de trouver un remède efficace.
Comment percevez-vous la course au vaccin impliquant une multitudes de biotechs?

Les sociétés travaillent sur différentes approches et leurs essais dans de multiples technologies accroissent les chances de trouver un remède efficace. Même si beaucoup ne le trouveront pas, leurs recherches ne sont pas vaines mais constitueront de bonnes fondations pour les solutions du futur et permettront aussi de mieux gérer les prochaines pandémies.

Revenons au séquençage des gènes. Comment permet-il de combattre le cancer et réduire les coûts de la santé?

Cette technologie, qui a aussi contribué à améliorer les connaissances en oncologie, identifie efficacement les causes de cancer, une pathologie causée par la prolifération incontrôlable de cellules anormales. En posant le bon diagnostic, les traitements inefficaces sont épargnés. En soignant les patients à un stade précoce de la maladie, on diminue les frais liés à de longues thérapies et la qualité de vie des malades est améliorée. Il y a quelques années, la biotech californienne Illumina, active dans l’analyse les génomes, s’était séparée d’une division rebaptisée GRAIL et qui utilise la technologie d’Illumina pour fabriquer des tests sanguins afin de détecter des cas de cancer précocement, bien avant l’apparition des premiers symptômes. En 2020, Illumina a annoncé son attention de racheter GRAIL pour 8 milliards de dollars US.

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