Main pleine

Salima Barragan

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Selon Kevin Thozet de Carmignac, la Fed dispose de la plus grande marge de manœuvre.

En début d’année, la Chine avait nourri beaucoup d’espoirs avec ses plans de relance sensés catapulter l’économie mondiale. Mais contrairement à 2016, la locomotive chinoise s’essouffle et «ses mesures ne suffiront pas à relancer le cycle économique global», estime Kevin Thozet, membre du Comité d'Investissement de Carmignac. A court terme, le rôle de relance de l’économie échoue à la Fed, qui aurait toutes les cartes en main. Entretien.

A l’heure actuelle, quelles contraintes la Chine a-t-elle pour relancer l’économie globale?

La Chine publie une croissance de 6% mais nous l’estimons à 5%. Si l’on se réfère à sa dynamique de ralentissement, nous retrouvons les niveaux de 2015. Elle mettra tous les moyens en œuvre pour stabiliser son économie mais ses plans de relance ne seront pas suffisants pour venir au chevet de l’économie mondiale à cause d’une triple contrainte. En Chine, l’inflation immobilière n’est pas considérée comme un effet de richesse. Son impact est jugé négatif sur la consommation. La Chine souffre aussi des tensions sur ses taux interbancaires ce qui limite la transmission de sa politique de relance à l’économie. Enfin, à cause de la diminution de ses exportations, sa balance des paiements n’est plus aussi excédentaire que dans le passé, ce qui limite sa capacité d’action.

L’inflation sur les denrées alimentaires
réduit encore sa capacité d’action sur la devise.
Pourrait-elle déprécier sa devise pour pallier à la diminution de ses exportations?

Elle mène une politique accommodante mais ce n’est pas le moment opportun pour une dépréciation dans un contexte de négociations commerciales. Une moins bonne rémunération des investissements chinois impacterait les flux de capitaux. De plus, l’inflation sur les denrées alimentaires réduit encore sa capacité d’action sur la devise.

La Réserve fédérale américaine a-t-elle le potentiel de prendre la main sur la banque centrale chinoise?

La Fed dispose de relativement grandes marges de manœuvre. Ses taux restent élevés comparés à ceux des autres pays développés et la taille de son bilan a été fortement réduite avec le «Quantitative Tightening». Elle peut encore réduire ses taux et amener une pression baissière sur le dollar. Les autres banques centrales (en Europe, au Japon et en Suisse) arrivent, elles, au bout de l’exercice mais le relais viendra aussi par les relances fiscales.

 La bonne tenue des consommateurs américains est un bon présage
mais l’inflation salariale a un effet négatif sur les marges des entreprises.
La Fed n’est-elle pas en retard sur sa politique monétaire?

Oui, car elle fait des projections de croissance de milieu de cycle. Celles estimées pour 2020 sont identiques à celles en début d’année à 2%!  Elle estime que ses baisses de taux sont suffisantes. La bonne tenue des consommateurs américains est certes un bon présage mais l’inflation salariale a un effet négatif sur les marges des entreprises qui devront baisser davantage leurs dépenses d’investissement...Ces risques ne sont pas communiqués par la Fed qui – en sus de la faiblesse de l’inflation - justifie ses baisses de taux par des incertitudes politiques et commerciales et non par la croissance intrinsèque.

Comment voyez-vous la partie qui se joue entre la Fed et la Banque centrale de Chine?

A terme, la partie se jouera sur les changes. Les craintes de Trump sur la prétendue faiblesse du Yuan sont un enjeu mais Pékin défend pour l’instant sa devise au lieu de la déprécier. Nous escomptons plusieurs baisses de taux aux États-Unis si le cycle américain ralentit. Cela justifie des positions acheteuses sur la partie la plus sensible de la courbe des taux, c’est-à-dire entre le 3 mois et le 5 ans.