Les valeurs de croissance de qualité maintiennent leur potentiel

Salima Barragan

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Edouard Carmignac privilégie les titres technologiques, de la santé et du luxe.

© Antoine Doyen

Lors de sa conférence de presse annuelle tenue en janvier, Carmignac a partagé ses prévisions pour l’année: une inflexion de la croissance mondiale à 4,2%, plus d’un point en dessous de 2021. Dans le contexte actuel de tensions persistantes sur les prix, les actions de croissance capables de faire face à la hausse de leurs coûts en défendant leurs marges, constituent les valeurs à privilégier. Entretien avec le CEO Edouard Carmignac en marge de l’évènement.

Quelles sont vos observations sur les tensions sur les prix?

Au-delà des effets inflationnistes conjoncturels plus soutenus qu’attendu, notamment les pénuries sur les chaînes de production, encore prolongées par l’apparition du variant Omicron, des facteurs plus structurels pourraient provoquer des tensions haussières plus durables qu’attendu sur les prix. Il me semble opportun de nous interroger sur au moins deux tendances de fond. D’une part, l’évolution des prix de l’énergie, en grande partie influencée par la transition énergétique. D’autre part, l’évolution de la pression haussière sur les salaires, notamment aux Etats-Unis. Dans ce scénario d’une inflation résiliente post-Covid, l’action des banques centrales est à surveiller de près. Elles auront à cœur d’éviter un dérapage inflationniste non maîtrisé tout en prenant garde à ne pas enrayer la reprise d’activité en cours et déjà fragilisée par des contributions budgétaires déclinantes. A plus long terme cependant, des pressions déflationnistes structurelles demeurent, notamment la démographique et la technologie.

La reprise d’activité suscite une relance des créations d’emploi décevante.
Comment analysez-vous l’évolution de marché du travail aux Etats-Unis?

S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, nous observons déjà des évolutions très marquées sur le marché de l’emploi depuis l’apparition de la Covid, notamment aux Etats-Unis. La reprise d’activité suscite une relance des créations d’emploi décevante. La réduction des demandeurs d’emploi semble plus tenir à l’accélération des départs en pré-retraite, à une moindre recherche de deux salaires chez les couples ayant des enfants à charge ou aux jeunes en rupture de formation qu’à un retour massif à l’emploi. Ainsi, d’août à septembre 2021, près de 24 millions d’américains auraient quitté leur emploi. Cette contraction de la population active recèle une pression haussière durable sur les salaires et donc sur l’inflation.

D’après votre expérience, comment se comportent les différents segments des marchés lors des cycles d’inflation et de relèvement des taux?

Dans ce contexte, les actions constituent la classe d’actifs à privilégier. Il conviendra néanmoins d’éviter les valeurs cycliques, à part les valeurs énergétiques, car les resserrements monétaires combinés avec de moindres stimulations budgétaires les pénaliseront. En revanche, les valeurs de croissance de qualité déjà établies ont un meilleur potentiel. Celles-ci ont à la fois la capacité de faire face à la hausse de leurs coûts en défendant leurs marges et d’être moins vulnérables à l’inévitable décélération de l’activité que nous anticipons cette année. Quant aux marchés obligataires, ils vont continuer à être sous pression comme ils l’ont été en 2021 car même dans un scénario de resserrement marqué de la politique monétaire des banques centrales, les taux d’intérêts réels devraient continuer à rester négatifs à court terme. Seules les stratégies obligataires flexibles et non benchmarkées peuvent réussir à naviguer dans cet environnement. Des opportunités existent notamment sur les marchés du crédit et de la dette souveraine émergente.

Pourtant, les valeurs de croissance vacillent depuis quelques temps. Comment interprétez-vous ce phénomène?

Les valeurs de croissance ont subi ces derniers mois les effets d’une rotation qui a essentiellement profité aux valeurs cycliques. Les anticipations de relèvement des taux et de réduction de la liquidité fournie par les banques centrales ont notamment mis sous pression les valeurs à forte croissance traitant à des multiples élevés. Néanmoins sur le moyen et long terme, les valeurs de croissance, et je pense notamment aux secteurs de la technologie, de la santé et du luxe, sont celles qui ont le meilleur potentiel tant en raison de leur capacité d’innovation et de disruption que de leur pricing power. Les marchés chinois ont également souffert en 2021 mais nous pensons que cela pourrait évoluer en 2022. Alors que les politiques massives de soutien économique se trouveront en perte de vitesse, notamment aux Etats-Unis et en Europe, la Chine pourrait s’engager dans l’approche inverse, en initiant une politique économique expansionniste. De plus, il existe selon nous une probabilité non-négligeable que les incertitudes, essentiellement réglementaires ou celles liées au secteur privé immobilier s’estompent graduellement. Néanmoins, à très court terme, en raison des risques liés à la politique «zéro-covid» du pays face au variant Omicron, la prudence et la sélectivité restent de mise.