Les tendances des caisses de pension suisses

Salima Barragan

2 minutes de lecture

A la recherche de rendements, les instituts de prévoyance s’ouvrent aux marchés privés. Avec Maria Sala de BlackRock.

A la croisée des chemins, les caisses de pension suisses ne peuvent plus se permettre d’ignorer les investissements alternatifs ainsi que la question de la durabilité. La discussion ne porte plus sur leur intégration dans leur allocation d’actifs, mais sur la meilleure approche à choisir. Le point avec Maria Sala, responsable de la clientèle institutionnelle Romandie et Tessin chez BlackRock.

Comment l’allocation stratégique des fonds de pension suisses a-t-elle évoluée ces dernières années?

Nous avons constaté comme première grande tendance un appétit marqué pour les marchés privés à cause entre autres de l’effet TINA, où les faibles taux d’intérêt ont poussé les instituts de prévoyance vers des solutions qui répondent au mieux à leurs objectifs de rendement ambitieux. En Suisse, les caisses qui étaient déjà bien exposées à l’immobilier se sont ouvertes au Private Equity et aux infrastructures privées. La deuxième tendance se reflète dans leur réflexion sur la durabilité, même si elle n’impacte pas toujours leur allocation stratégique. Elles maintiennent leur exposition moyenne aux actions, mais réfléchissent aux différentes manières d’intégrer les critères ESG.

Des nouvelles règlementations ont-elles favorisé ces évolutions?

C’est effectivement la nouvelle motion Weibel entérinée en 2020 qui a fait de l’infrastructure une classe d’actifs à part entière. Avant ce changement, les placements alternatifs qui incluent le Private Equity et l’infrastructure étaient limités à 15% de l’allocation selon les directives de l’OPP2. Depuis cette date, certains fonds de pension ont commencé à bâtir leur allocation infrastructure de zéro.

Les fonds ont également commencé à réfléchir en termes de méga tendances, telles que l’immobilier logistique.

En ce qui concerne l’ESG, aucune loi n’est encore venue appuyer cette tendance car la Suisse reste très libérale en la matière, ce qui explique une grande disparité dans les pratiques ESG et les vitesses d’adoption. Cependant, le travail de l’association suisse pour des investissements responsables des fonds de pension (l’ASIR) qui discute de durabilité avec les acteurs du marché a entrainé des mouvements d’opinion favorables aux investissements durables. Certains observateurs s’attendent à des réglementions à venir dans ce sens.

Comment les instituts helvétiques se comparent-ils vis-à-vis des autres pays en matière d’investissements alternatifs?

Les fonds de pensions en Suisse allouent en moyenne entre 8 et 10% de leur encours dans les placements alternatifs, selon une étude publiée cette année. Par rapport à leurs voisins européens, ils peuvent encore progresser dans la libéralisation de cette classe d’actifs. Les caisses scandinaves affichent un ratio supérieur à 10%. Aux Etats-Unis, cette part atteint environ 30%.

Comment l’allocation à l’immobilier a-t-elle évolué et comment les caisses suisses préfèrent-elles s’y exposer?

Les caisses ont étendu leur exposition domestique et régionale dans de l’immobilier en direct. Elles investissent également sur les marchés voisins car l’immobilier suisse est devenu tendu. Avec l’inflation, l’évaluation des rendements se rapproche davantage à la poche obligataire ; il faut donc diversifier les investissements à l’étranger pour bénéficier d’un supplément de performance. Les fonds ont également commencé à réfléchir en termes de méga tendances, telles que l’immobilier logistique.

Comment axez-vous votre offre sur les investissements responsables qui deviennent un sujet de discussion?

Selon une étude sur les fonds de pension, plus de la moitié des grandes caisses appliquent déjà des critères ESG ou les appliqueront au cours des prochaines années. Certains des plus petites ne sont pas encore aussi avancées. Les fonds de prévoyance suisses qui ont introduit un objectif zéro émission nette ne sont pas la majorité. Nous ne nous focalisons pas sur l’offre mais accompagnons nos clients dans leur démarche d’investisseurs responsables et pour ce faire, nous intégrons la durabilité comme un élément clé dans la construction des portefeuilles, la gestion des risques, le développement de nos produits et dans nos relations avec les entreprises dans lesquelles nous investissons pour nos clients. L’offre de produits verts n’est qu’une composante de notre approche holistique.

En Suisse, l’exclusion reste la pratique la plus commune, nous offrons par exemple un fond qui inclut du screening ainsi que les exclusions publiées par l’ASIR.

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