Les stratégies Small & Mid Cap suisses

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Quaero Capital met sa taille à son avantage pour investir dans les entreprises dans lesquelles les autres ne peuvent pas aller.

Philip Best (gauche) et Marc Saint John Webb.

Philip Best & Marc Saint John Webb, tous deux Gérants de portefeuille chez Quaero Capital, expliquent la forte performance enregistrée depuis quelques années dans les petites et moyennes capitalisations suisses.

Expliquez-nous votre stratégie. Qu’est-ce qui vous différencie des autres gérants du même domaine?

Chez Quaero Capital, nous croyons que les meilleures performances se trouvent souvent dans les sociétés qui sont le moins bien suivies. Bien qu’il n’y ait que 247 entreprises cotées sur le SIX Swiss Exchange, il y en a plus de 60 sur lesquelles il n’y a aucune couverture d’analyste. Une bonne partie de ces compagnies sont petites et présentent des problèmes de liquidité qui peuvent décourager les plus grands gérants de fonds. Quaero Capital peut utiliser sa taille à son avantage pour investir dans des entreprises dans lesquelles les autres ne peuvent pas aller.

Quelle est votre approche d’investissement? Comment est-ce que vous dénichez les meilleures entreprises?

Nous sommes convaincus qu’il faut passer autant de temps que possible «sur la route». Certains gérants passent au contraire beaucoup trop de temps devant leur écran Bloomberg, au lieu de sortir de leur bureau pour aller visiter les entreprises.

«Prendre l’initiative de visites avec la direction des entreprises
est le meilleur moyen de garder une longueur d’avance sur les autres.»

En effet, nous croyons fermement que les meilleures idées d’investissement sont celles que l’on trouve par soi-même et cela implique souvent de contacter directement les sociétés pour fixer un rendez-vous dans leurs bureaux et visiter leurs usines et sites de production. Nous voyons aussi des compagnies qui rencontrent les investisseurs potentiels au cours de leurs «roadshows», mais en général, celles-ci vont visiter un grand nombre d’institutions et, s’il y a un angle d’investissement intéressant, il aura probablement été aussi détecté par d’autres gérants. Nous avons donc tendance à penser que prendre l’initiative de visites et de conférences téléphoniques avec la direction des entreprises est le meilleur moyen de garder une longueur d’avance sur les autres.

Le SMI est largement surpondéré en sociétés défensives. En va-t-il de même pour votre portefeuille?

Nous avons la ferme conviction que l’investissement dans les petites capitalisations n’est pas nécessairement plus «risqué» que d’investir dans les larges capitalisations. MAIS cela dépend de quel TYPE de petites valeurs vous achetez. Nous sommes heureux d’acheter des positions importantes dans des titres relativement illiquides, mais nous ne voulons pas investir dans des entreprises «risquées» (c’est-à-dire des sociétés mono-produit, très endettées ou très chères) et nous évitons par conséquent des secteurs entiers (comme la biotech, les mines et matières premières, les start-ups et les entreprises qui n’ont que peu d’historique de cotation). En fait, nous pensons que la surperformance dépend surtout de la capacité à éviter les catastrophes. Alors, oui, nous aimons investir dans des titres «défensifs».

Comparativement à vos pairs, vous avez réussi à limiter les baisses. Comment avez-vous fait?

Notre philosophie d’investissement est clairement basée sur la valeur, le «Value Investing». Ceci signifie que nous achetons des titres sur la base de ce que nous estimons qu’ils valent aujourd'hui, plutôt qu’en fonction de ce qu’ils pourraient valoir à l’avenir. Nous cherchons à acheter des entreprises qui sont bon marché en termes de ratio price/book, ratio price-to-peak-earnings, etc… et à trouver le BON point d’entrée.

«Les petites valeurs suisses ont surperformé
le reste de l’Europe sur les 20 dernières années.»

En effet, comme le disait Warren Buffet, «le profit est dans l’achat». Comme nous achetons des titres qui sont passés de mode et dont l’évaluation peut donc avoir été revue à la baisse par le marché, nos sociétés tendent à moins baisser dans les périodes de soubresauts boursiers. Encore une fois, investir dans les petites valeurs ne signifie pas nécessairement un niveau de risque plus élevé – cela dépend ce que vous vous achetez.

Les petites et moyennes capitalisations suisses ont enregistré une forte performance depuis quelques années. A quoi attribuez-vous cette tendance?

C’est un fait bien connu que les petites capitalisations surperforment à long terme. Mais en plus de ça, les petites valeurs suisses ont surperformé le reste de l’Europe sur les 20 dernières années. Ceci est dû à plusieurs facteurs. En particulier, la force du franc sur le long terme a forcé les entreprises à innover, à se concentrer sur les domaines où elles ajoutent le plus de valeur et où elles ont le plus de pouvoir de fixation des prix (pricing power), ainsi qu’à réaliser des gains de productivité pour être compétitives sur les marchés internationaux.

Les sociétés suisses ont largement atteint ces objectifs et, malgré la petite taille du pays, réussissent à jouer dans la cour des grands et à concurrencer les plus grandes entreprises. Cependant, si la discipline qu’a entraîné la vigueur de la monnaie constitue un avantage à long terme, cela reste difficile à court terme et il est de notoriété publique que de nombreuses entreprises suisses ont souffert de l’abandon par la BNS de l’ancrage à l’euro en 2015. Plus récemment toutefois, elles ont bénéficié de la faiblesse relative du franc face à l’euro et ceci a contribué à propulser les petites valeurs encore plus haut.

Pensez-vous que ce mouvement puisse se poursuivre? Quelles sont les tendance que vous suivez de près actuellement?

Depuis neuf ans, nous vivons dans un marché haussier et les petites capitalisations ont dégagé une performance exceptionnelle. Aujourd’hui, il est sans nul doute plus difficile de trouver des bonnes opportunités dans le marché et il faut donc chercher plus loin pour trouver des idées et dénicher des titres qui ont été laissés de côté par les autres investisseurs. La récente mise en œuvre de MiFID II va très certainement entraîner une diminution de la couverture d’analyse sur les petites valeurs, ce qui est certes très regrettable pour le fonctionnement efficient du marché des capitaux mais qui constituera un avantage pour des investisseurs comme nous qui cherchent activement les entreprises faiblement couvertes.

Comment votre stratégie peut-elle compléter un portefeuille d’actions?

Nous faisons ça depuis près de 15 ans et nous pensons que notre approche de sélection basée sur l’analyse de la valeur de titres évoluant sous le radar des investisseurs va continuer à fournir des rendements réguliers dans le temps, supérieurs à ceux des indices principaux.