Les Etats-Unis font preuve d’une résilience incroyable

Yves Hulmann

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Patrick Richard, directeur de la société immobilière Varia US Properties, observe que l’économie se redresse déjà dans certains Etats.

La société immobilière Varia US Properties, spécialiste du marché américain des maisons familiales, a bien résisté sur le plan opérationnel durant le premier semestre 2020. Les revenus locatifs de la société basée à Zoug ont crû de 15,1% sur un an pour atteindre 48,8 millions de dollars, grâce notamment à des acquisitions. Le taux d'occupation s'est aussi amélioré à 95% contre 93,3% en fin d'année dernière. Le résultat opérationnel moins les réévaluations non réalisées (EBITDA) s’est aussi amélioré à 23,1 millions de dollars (+19,2%). En tenant compte des réévaluations, le bénéfice opérationnel a toutefois reculé à 20,9 millions (-45,5%). Au final, bénéfice net a aussi chuté de 69,4% à 6,8 millions. En revanche, la valeur du portefeuille, constitué de 53 propriétés comprenant 10'896 unités d’habitations réparties à travers 19 Etats américains, a même légèrement augmenté pour atteindre 919 millions de dollars à fin juin, contre 915 millions à fin décembre. Quelles sont les perspectives pour le marché immobilier aux Etats-Unis en seconde partie d’année? Le point avec Patrick Richard, directeur de Varia US Properties.

«Quand la pandémie est arrivée aux Etats-Unis,
nous n’avons pas cherché à augmenter nos loyers.»
Malgré la pandémie de COVID-19 et l’effondrement de l’économie américaine ce printemps, Varia US Properties a vu la plupart de ses résultats opérationnels s’améliorer durant le premier semestre 2020 comparé à la même période de l’an précédant. Comment l’expliquez-vous?

Plusieurs de nos résultats ont été meilleurs entre janvier et juin dernier qu’au cours des six premiers mois de 2019. On n’a pas subi de grande cassure entre le premier et le deuxième trimestre. Le principal changement est que nous sommes passés d’une approche qui était plus agressive en début d’année à une approche plus conservatrice par la suite. Quand la pandémie est arrivée aux Etats-Unis, nous n’avons pas cherché à augmenter nos loyers. Le taux d’occupation de nos logements a continué d’augmenter. Notre marge opérationnelle EBITDA s’est aussi améliorée.

Avez-vous observé de grandes différences en fonction des régions?

Le fait que nous ayons eu une répartition très diversifiée de nos biens immobiliers à travers l’ensemble des Etats-Unis a permis d’éviter de subir un impact majeur d’un seul coup.

Pour la seconde moitié de cette année et concernant 2021, anticipez-vous des évolutions beaucoup plus positives dans certaines régions du pays que dans d’autres?

Nous aimerions bien sûr avoir déjà une réponse à cette question! Dans l’ensemble, je dirais que la crise du COVID-19 a renforcé beaucoup de tendances qui étaient déjà présentes avant la crise. En raison des habitudes prises en matière de télétravail, il y a beaucoup de gens qui se disent qu’ils n’ont pas besoin d’habituer dans ces villes chères comme New York ou San Francisco pour poursuivre leurs activités professionnelles mais qu’ils peuvent très bien faire le même travail aussi dans le Midwest ou en Arizona. Le mouvement consistant à quitter les grandes villes du Nord pour aller davantage vers le Sud - qui s’observait déjà avant la crise - est une tendance qui va continuer à se renforcer. Memphis, la Floride, le Texas sont des exemples de régions qui ont bien su résister à la crise et où l’économie repart rapidement.

«Nous avons pu obtenir un taux de 2,5% à dix ans pour financer
un de nos projet car il a pu bénéficier d’un ‘green loan’».
Quel est l’impact des taux d’intérêt extrêmement bas actuellement sur vos activités?

Sur ce plan, le marché immobilier américain est très différent de celui de la Suisse. En Suisse, vous pouvez obtenir des hypothèques avec un taux de 1% à dix ans, aux Etats-Unis, le niveau minimal se situerait plutôt autour des 3%. La différence correspond aux marges plus élevées prélevées par les différentes agences immobilières aux Etats-Unis. Malgré tout, nous avons pu obtenir un taux de 2,5% à dix ans pour financer un de nos projet prévu pour octobre car il a pu bénéficier d’un «green loan». C’est un taux exceptionnellement bas aux Etats-Unis.

Vous investissez aussi dans des immeubles à faible consommation d’eau et avec des programmes d’économie d’énergie. Ces efforts sont-ils soutenus par le gouvernement ou les collectivités publiques aux Etats-Unis?

En ce qui nous concerne, nous avons mis en place des programmes d’amélioration de l’efficience énergétique de nos propriétés parce que cela répond à la volonté du conseil d’administration de Varia US Properties de réduire l’empreinte carbone de nos bâtiments. Différents outils visant à mesurer la consommation énergétique de l’ensemble de notre portefeuille ont aussi été mis en place. Les résultats obtenus seront présentés dans notre rapport annuel de fin d’année.

Maintenant, s’agissant des soutiens apportés à ces efforts d’économie d’énergie, ceux-ci viennent plutôt des grandes agences de financement du marché immobilier aux Etats-Unis. Parmi les deux plus grandes d’entre elles, Fannie Mae a lancé un programme de «green loans», des prêts qui sont ensuite regroupés et qui peuvent ainsi être revendus sur les marchés internationaux. Cela se traduit par une diminution de 30 points de base du taux des emprunts. Pour y avoir accès, il faut toutefois que les améliorations de l’efficacité énergétique obtenues soient vérifiables sur vos factures, notamment en termes de réduction de la consommation d’eau et d’électricité, en respectant des objectifs fixés d’avance.

«L’impact de l’élection présidentielle sur l’économie ne devrait,
à mon avis, pas être aussi marqué que certains se l’imaginent.»
Vous publiez vos résultats en dollars, une monnaie qui a perdu environ 10% de sa valeur par rapport au franc en quelques mois. Est-ce une inquiétude pour les investisseurs de Varia US Properties basés en Suisse?

Non, nous ne ressentons pas d’inquiétudes de la part de nos investisseurs à ce sujet. Ceux-ci investissent en dollars sur le long terme. S’agissant des variations de change, nous avons décidé de ne pas recourir à des instruments de couverture en raison des coûts élevés que cela implique. Nous avons recouru au «hedging» uniquement pour la partie obligataire.

Vous n’avez pas communiqué de nouveaux objectifs pour le reste de l’année. Est-ce à cause des incertitudes liées aux élections présidentielles de novembre?

Non, certainement pas! Il s’agit surtout d’une question de prudence dans un contexte qui reste caractérisé par de nombreuses incertitudes - qu’il s’agisse de la pandémie, de l’évolution de l’économie américaine et, aussi, de l’issue des élections. Malgré tout, nous sommes dans l’ensemble confiants que l’année se terminera bien. L’impact de l’élection présidentielle sur l’économie ne devrait, à mon avis, pas être aussi marqué que certains se l’imaginent – il suffit de repenser à tout ce qui s’était dit en 2016 à ce sujet. C’est un pays qui fait preuve d’une résilience incroyable. Ce n’est pas parce que l’on change de capitaine que le paquebot va forcément changer de direction. Et au final, les gens ont de toute façon toujours besoin d’avoir un toit.

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