Le test de la Fed

Salima Barragan

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«Nous n’avons jamais expérimenté un resserrement monétaire si expéditif», constate Sonja Laud de LGIM.

Les montagnes russes dans lesquelles les investisseurs sont ballotés ne sont pas près de s’arrêter. Si le point d’inflexion de l’inflation mène les marchés, «a-t-on vraiment vu le pic?», s’interroge Sonja Laud, CIO chez LGIM. Ce débat, qui avait émergé à la fin de la pandémie lorsque la majorité des experts anticipaient un renchérissement temporaire en raison des perturbations sur les chaines logistiques mondiales, n’est pas encore tranché. Entretien.

Si l’inflation venait à s’aggraver davantage, quelles en seraient les conséquences?

Nous avons observé de nouvelles tensions à la hausse aux États-Unis. Cependant, si l’inflation se diffuse significativement, nous verrions des pressions sur la Banque centrale européenne et sur la Banque d’Angleterre afin d’ajuster leur programme. Mais la situation n’est pas claire. Car, compte tenu de la vitesse d’adaptation des politiques et du manque de connaissances que nous avons sur les resserrements monétaires, devons-nous escompter un atterrissage en douceur de l’économie ou une récession? Les marchés prendront comme indices les attentes de revenus et les perspectives des entreprises pour jauger de l’efficacité des programmes monétaires.

Pensez-vous que les banques centrales sont en retard?

Le revirement manifeste de la politique de la Fed durant ces derniers six mois, où nous sommes passés d’une attente de relèvement de 80 points de base en 2 ou 3 étapes à une cible de 3%, prouve qu’elle était bien en retard. La BCE qui a tardé à réagir, considère une première hausse d’un demi-point! Les banques centrales des marchés développés autres que les États-Unis ont rattrapé leur retard dans leurs messages hawkish ; même au Japon, où le contrôle de la courbe des taux semble menacé.

Généralement, la fin du cycle est un moment propice pour les actifs risqués qui demeurent insensibles à la première hausse de taux.
Quels sont les risques principaux pour le deuxième semestre?

Nous distinguons les États-Unis de l’Europe dépendante des facteurs géopolitiques, car les pressions inflationnistes y sont plus vives en raison de la crise du pétrole et du gaz qui impacte de plein fouet le consommateur européen. La facture énergétique aura un impact direct sur le PIB du Vieux-Continent qui pourrait éventuellement tomber en récession.

Les États-Unis échapperont-ils à une récession?

Leur statut d’exportateur énergétique limite les répercussions de la flambée des matières fossiles sur les ménages, cependant un atterrissage en douceur semble improbable.

Généralement, la fin du cycle est un moment propice pour les actifs risqués qui demeurent insensibles à la première hausse de taux. En revanche, lorsque nous atteignons la phase où les relèvements de taux font effet sur l’économie, les actions chutent. Mais nous ne pouvons pas anticiper l’impact du resserrement des conditions monétaires, car nous n’en avons jamais vu d’aussi expéditif. C’est un test. Et j’attends de voir comment les marchés interprèteront les données des entreprises au second semestre.

Quelles sont les implications du test de la Fed sur les investissements?

L’inflation a atteint des niveaux que nous n’avons plus revus depuis les années 1980. Nous devons donc appréhender son implication dans les investissements avec humilité. Les investisseurs étaient jusqu’alors habitués à des retours positifs sur les obligations et les actions. Entre 2010 et 2020, la corrélation était établie à -0.5. Depuis le début de 2021, elle se situe autour de 0 et devient même positive, ce qui rappelle davantage les environnements de forte inflation observés dans les années 1950, 1970 et 1990. Depuis le début de l’année, les performances des deux principales classes d’actifs sont dans le rouge. Nous préférons cependant prendre les risques sur les actions que le crédit.

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