Le sur mesure pour la clientèle institutionnelle

Salima Barragan

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Nous visons à devenir une référence dans la gestion obligataire, déclare Christophe Pella de GAMA Asset Management.

Fondée en 2019, GAMA se dédie exclusivement aux investisseurs institutionnels. Avec sept professionnels à son bord, la société est détenue en majorité par l’équipe de gestion pour garantir son indépendance et la continuité du personnel et du style de gestion. Si les obligations demeurent son expertise première, GAMA gère aussi des fonds sur actions et matières premières pour des encours totaux de 600 millions de francs suisses. Entretien avec le CEO Christophe Pella et Rajeev De Mello, gestionnaire d’un fonds Global Macro.

En comparaison avec les grands gestionnaires d’actifs, comment fonctionnez-vous?

CP: L’équipe de gestion a cofondé GAMA et détient la majorité les parts de la société, ce qui assure une stabilité de l’équipe et du style de gestion ainsi qu’une focalisation sur la performance, à l’inverse des grands assets managers qui se concentrent souvent plutôt sur la distribution.

RM: En raison de notre offre très ciblée, nous pouvons consacrer le gros de notre journée de travail à nos investissements alors que les grands gérants passent une partie conséquente de leur temps à gérer leur business. Nous sommes indépendants et nos vues le sont aussi. Enfin, nous nous dédions exclusivement à la clientèle institutionnelle.

En quoi le langage à tenir avec la clientèle institutionnelle diffère-t-il de celui avec les clients privés?

RM: Chez les investisseurs professionnels, la stratégie fait partie intégrante du portefeuille qu’ils gèrent et qu’ils considèrent comme un investissement diversifié, alors que les privés regardent souvent un placement isolé en tant que tel. Ces derniers ont difficilement une vue globale sur le contexte.

Comment votre style de gestion vous démarque-t-il?

CP: Nous avons une gestion globale, sans contrainte et opportuniste. L’obligataire reste notre point fort, mais l’un de nos trois fonds UCITS permet d’exprimer nos vues macro également avec des actions et des matières premières.

La devise helvétique se porte bien depuis un semestre et elle devrait continuer dans cette voie, car elle bénéficie du statut de valeur de refuge.
Comment vous exposez-vous aux matières premières?

RM: Dans notre fonds Global Macro, essentiellement via des ETFs ou indirectement via des devises, émetteurs et sociétés exposées aux matières premières. Depuis un an, la hausse des matières premières touche toutes les classes d’actifs. Le pétrole a contribué à une inflation qui influence les banques centrales et les rendements des obligations. Notre adaptons notre exposition crédit en favorisant les producteurs. Les pays exportateurs et leurs devises devraient surperformer.

Quelles sont vos perspectives sur les marchés pour les mois à venir?

CP: Nous anticipons une réduction de la croissance, non seulement à court terme mais aussi de la croissance potentielle, à cause des considérations autres qu’économiques qui s’imposent à nouveau dans les décisions sur l’approvisionnement énergétique, le commerce des biens d’importance stratégique, etc. Une situation favorable aux obligations. Nous n’envisageons pas l’arrivée d’une stagflation identique aux années 1970, qui avait été causée par une politique monétaire trop accommodante. Aujourd’hui, ce sont les perturbations de l’offre des matières premières qui poussent les CPI à la hausse et créent un risque pour la conjoncture. Quand les matières premières deviennent onéreuses à cause d’un choc externe, la demande pour d’autres secteurs en souffre.

Le cycle de hausse des taux va-t-il pénaliser les obligations comme dans le passé?

RM: Oui, mais c’est sans doute largement dans les prix aujourd’hui, après une correction pire que celle de 1994. Pour le futur, les valorisations sont attrayantes car le niveau des rendements a monté à un point où ils intègrent un scénario plausible de hausse des taux d'intérêt par les banques centrales et sont en ligne avec le taux de croissance de long terme. Aux USA, les investisseurs ont sans doute ajouté une prime de risque face à une Fed trop lente à resserrer la politique monétaire et qui pourrait être plus efficace dans sa communication.

Quelles sont vos vues sur le franc suisse?

RM: La devise helvétique se porte bien depuis un semestre et elle devrait continuer dans cette voie, car elle bénéficie du statut de valeur de refuge, comme l’a illustré la cassure temporaire de la parité avec l’euro le 7 mars. Peu d’autres actifs offrent cette protection aux investisseurs. Ni le Yen, ni les obligations d’États, impactées par le resserrement monétaire à venir, n'ont joué ce rôle récemment. Bien sûr, la BNS intervient dans le marché des changes pour éviter une envolée rapide de la monnaie nationale, mais elle pourrait se montrer plus tolérante dans un contexte de tensions sur les prix dans la mesure où la force du franc suisse réduit le renchérissement lié au choc externe des matières premières libellées en dollar américain.

CP: Un autre facteur positif pour le franc suisse est le différentiel d’inflation avec les partenaires commerciaux de la Suisse. Pour jauger la politique monétaire, ce n’est pas le taux de change nominal, mais le taux de change réel, corrigé de l’inflation, qui importe. La BNS mentionne d’ailleurs régulièrement ce point, la dernière fois le 24 mars après son examen trimestriel. Le différentiel d’inflation élevé permet une certaine appréciation nominale sans ralentir les exportations et l’économie suisses.

Quelle est votre allocation d’actifs?

RM: Nous avons réduit la part en actions, qui était peu significative en entrée de crise car nous les considérions comme surévaluées sur les grands marchés. Il existe des opportunités et des décotes de cours sur certains pays et secteurs et nous privilégions les titres sensibles à la hausse des matières premières.  Nous sommes investis aux Etats-Unis, au Japon, en Europe et sur le reste de l’Asie.  Prudents sur l’euro, nous sommes en revanche favorables au dollar américain ainsi que sur différentes devises émergentes survendues en 2021. Enfin, nous avons renforcé notre position sur l’or pour défendre nos portefeuilles.

Quelles sont vos ambitions sur le marché suisse?

CP: Nous voulons devenir une référence dans la gestion obligataire et offrir à nos clients des services sur mesure garantis par notre expérience à l’international, notre proximité et la qualité de notre expertise.