Le retour des actifs cycliques

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Selon Paul Jackson d’Invesco, l’apaisement des tensions géopolitiques abaissera les primes de risque mondiales.

Comme de coutume en début d’année, cinq personnalités du monde de la finance partagent avec les lecteurs d’Allnews leurs vues sur les thèmes qui marqueront ces douze prochains mois: les conséquences de la crise du coronavirus, le fardeau de la dette qui s’alourdit et la politique du président fraîchement élu Joe Biden. Ils dévoilent aussi quelle sera leur politique d’investissement. Autour de quatre questions clés, l’équipe d’Allnews vous souhaite une heureuse année 2021.

Paul Jackson, responsable de la recherche de l'allocation d'actifs chez Invesco, s’attend à une troisième vague de contamination au retour des vacances de fin d’année, sans doute suivie de nouvelles mesures de confinement. Il estime aussi que la victoire du Démocrate Joe Biden apaisera les tensions géopolitiques, ce qui contribuera à réduire les primes de risque mondiales en faveur des actifs risqués et au détriment des valeurs refuge telles que l'or. Il privilégie les actifs cycliques comme l’immobilier et les matières premières industrielles.

Quel bilan tirez-vous des dommages créés par le coronavirus et quelles sont vos perspectives pour cette année?

Outre les innombrables décès recensés jusqu'à présent, le COVID-19 a provoqué l'une des plus profondes récessions mondiales jamais enregistrées. Selon nos estimations, le PIB mondial a diminué de 10% entre le dernier trimestre de 2019 et le deuxième de 2020. Toutefois, certains pays comme la Chine s'en sortent mieux que d’autres...Avec relativement peu de décès, elle n’a pas dû sacrifier son économie. Durant les trois premiers trimestres, son PIB a même augmenté de 3,2% contrairement à de nombreux pays pour qui le début de l’année sera difficile. Le Royaume-Uni, par exemple, dont le taux est beaucoup plus élevé, a perdu 9,7% de son PIB contre seulement 2,0% pour la Suisse. Après l'assouplissement des mesures de confinement durant les vacances de Noël, je m’attends à une troisième vague de décès nécessairement suivie d’une nouvelle série de mesures, probablement les dernières si les campagnes de vaccination démarrent réellement au cours de ces prochains mois. Dans ce cas, l'économie mondiale pourrait bondir d'au moins 5% d'ici décembre.

Tant que les rendements réels des obligations d'État restent aussi bas,
l'augmentation de la dette publique ne représente qu'une faible menace.
Que penser des niveaux de dette des gouvernements amplifiés par la crise?

Sans le renfort des gouvernements pour protéger la trésorerie des ménages et des entreprises, la récession aurait été bien plus catastrophique. L’ampleur de leur soutien se constate à travers la détérioration de leurs finances publiques. Pour 2020, le FMI prévoit un déficit public des membres du G20 supérieur à 11% du PIB, soit le double des 5,6% enregistrés en 2010. Malheureusement, cela intervient à un moment où la dette publique a déjà atteint un niveau stratosphérique qui devrait par ailleurs s'aggraver en raison du vieillissement de la population. Le bureau du budget du Congrès anticipe un niveau de la dette du gouvernement de 98% en 2020 et 104% en 2021.

Sans les achats d'actifs des banques centrales, un tel niveau de dette aurait entrainé une hausse des coûts de financement. Les rendements des obligations d'État ont chuté en raison d'une combinaison de ces achats et de l'effet de la récession sur l'inflation. Tant que les rendements réels des obligations d'État restent aussi bas, l'augmentation de la dette publique ne représente qu'une faible menace, mais si ce n'est pas le cas elle le deviendra.

Comment la politique menée par Joe Biden va-t-elle orienter les marchés?

Sa politique budgétaire pourrait avoir un effet positif sur les marchés boursiers si un Sénat républicain - ce qui me semble le résultat le plus probable – ne limite pas ses ambitions de dépenses publiques. Une impasse qui a, rappelons-le, déjà entrainé des épisodes de volatilité dans le passé, notamment lorsqu'il s'agit de relever le plafond de la dette publique. De manière plus globale, nous verrons les États-Unis assumer davantage le rôle de leader mondial en matière de changement climatique ce qui sera favorable aux questions ESG et améliorera les perspectives de croissance à long terme. Aussi, la diminution des tensions géopolitiques réduira nécessairement les primes de risque mondiales, ce qui profitera aux actifs risqués au détriment des havres de sécurité comme l'or.

Quelle est votre politique d'investissement?

Dans notre modèle d'allocation d'actifs, nous privilégions les actifs cycliques tels que l'immobilier qui a beaucoup souffert durant la pandémie et qui offre désormais des rendements attractifs, ainsi que les matières premières industrielles en raison de leurs caractéristiques cycliques. Nous sommes légèrement au-dessus de la neutralité pour les actions, en mettant l'accent sur la valeur et les petites capitalisations, y compris des secteurs tels que les banques, les ressources de base et les voyages et loisirs. Par régions, nous préférons l'Europe et les marchés émergents, en partant du principe que l'économie mondiale connaîtra une forte expansion en 2021 et que l'Europe a le plus à gagner des vaccins.

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