Le pic de l’investissement passif a été dépassé

Yves Hulmann

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Pour Kamal Bhatia, COO de Principal Asset Management, les frais de gestion figurent désormais moins au centre des préoccupations, la performance davantage.

Comment les investisseurs traversent-ils la sévère correction subie par les marchés depuis le début de cette année? Le point avec Kamal Bhatia, président de Principal Funds et Chief Operating Officer (COO) chez Principal Asset Management.

Quelle est votre perception des marchés actuellement et quelles sont les attentes des investisseurs?

C’est la première fois depuis dix ans que les gens regardent sérieusement quelle est l’allocation d’actifs au sein de leurs portefeuilles. Je pense aussi que nous avons dépassé le pic en matière d’investissement passif. Les investisseurs sont devenus davantage attentifs à la baisse de leurs placements plutôt que de se concentrer uniquement sur les coûts de gestion. Si quelqu’un parvient à économiser 50 points de base de coûts mais qu’il subit une baisse de dix ou vingt pourcents avec ses placements, cela l’oblige à réfléchir différemment au sujet de ses investissements.

Par ailleurs, j’observe aussi que les investisseurs s’intéressent aussi à davantage de classes d’actifs que les actions et obligations traditionnelles. On observe un certain intérêt pour la dette d’entreprise avec une courte duration, en particulier dans les marchés privés. Aux Etats-Unis, les obligations municipales («Munis») redeviennent également attrayantes pour les investisseurs, aussi pour des raisons fiscales ainsi qu’en raison de la connexion indirecte avec le financement d’infrastructures. Des instruments tels que les asset backed securities (ABS) sont aussi attrayants du fait que l’accent placé sur les collatéraux redevient en vogue. Des opportunités similaires gagnent aussi en importance parmi les actifs à plus hauts risques tels que l’immobilier de prochaine génération et l’innovation dans l’alimentation.

S’agissant des actions, les investisseurs institutionnels sont-ils prêts à prendre à nouveau un peu plus de risque ou privilégient-ils avant tout la sécurité de leurs placements?

Les États-Unis restent la région la plus favorable aux actions, en particulier pour les moyennes capitalisations, car celles-ci offrent une plus forte exposition géographique aux revenus et des valorisations plus attrayantes à l'heure actuelle.

Si l’inflation provient avant tout des prix de la nourriture, il faut trouver des moyens de s’en protéger en investissant dans des placements qui gagnent aussi en valeur dans ce domaine. Il en va de même pour l’énergie et le logement.

Concernant les actions européennes, celles-ci ont été pénalisées par les nombreuses inquiétudes qui persistent en Europe en raison du conflit en Ukraine, de la crise énergétique ou des incertitudes sur le plan politique dans certains pays comme l’Italie par exemple. Donc, la prime de risque est plus élevée en Europe actuellement – mais à un moment ou un autre, la situation va se stabiliser.

S’agissant des marchés émergents, je pense qu’on peut trouver davantage de valeur dans les grandes capitalisations. En outre, beaucoup de pays émergents disposent de ressources réelles qui sont recherchées actuellement. Le Brésil est un endroit intéressant pour investir dans les marchés émergents.

Pour un investisseur basé en Suisse, vaut-il la peine de diversifier ses placements en dollars – ou n’est-il pas plus judicieux de continuer d’investir dans des obligations en francs, du fait que la monnaie helvétique se renforce continuellement?

Le plus grand risque pour les investisseurs basés en Suisse est l’inflation. Beaucoup de gens ont sous-estimé l’inflation et il n’y a aucune manière d’obtenir un rendement supérieur à l’inflation en investissant dans des emprunts gouvernementaux. Tous les pays vont importer de l’inflation – et la Suisse ne va pas échapper à ce mouvement. C’est pourquoi, il est nécessaire de trouver des sources de rendement qui soient à même d’évoluer au moins au même niveau que l’inflation. Beaucoup de gens privilégient des actifs sûrs actuellement. Toutefois, si vous avez, d’un côté, une inflation située entre 6 et 7% et que vous obtenez, de l’autre, 4% de rendement avec vos placements, vous perdez quand même de l’argent dans tous les cas – et cela peu importe à quel point votre investissement peut être considéré comme sûr ou non. Si l’inflation provient avant tout des prix de la nourriture, il faut trouver des moyens de s’en protéger en investissant dans des placements qui gagnent aussi en valeur dans ce domaine. Il en va de même pour l’énergie et le logement.

Le secteur de l’énergie compte parmi les rares catégories d’actifs qui a gagné en valeur depuis le début de cette année. Vaut-il la peine d’investir dans les actions liées à ce secteur?

La plupart des actions d’entreprises liées à l’énergie sont souvent de très grandes compagnies qui sont aussi actives dans un très grand nombre de secteurs. Or, si la correction des marchés se poursuit en cas de récession l’an prochain, les titres de ces entreprises vont probablement revenir vers leur moyenne de long terme – ils ne vont pas continuer à progresser.

Un autre aspect doit être mentionné au sujet de l’énergie: la question ne se limite pas à la seule hausse des prix de l’énergie mais aussi aux coûts en lien avec la livraison de l’énergie. Il manque des infrastructures de qualité à travers le monde pour réceptionner l’énergie livrée. C’est donc un sujet complexe qui comprend de nombreuses dimensions.

Faut-il alors investir plutôt dans le financement de ces nouvelles infrastructures?

C’est dans tous les cas une thématique extrêmement intéressante actuellement. Nous allons assister à un boom des investissements dans les infrastructures liées à l’énergie ou en général. Il faudra non seulement des nouveaux terminaux pour accueillir les livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) mais aussi pour la nourriture. Le logement, l’énergie et l’alimentation compteront parmi les grands thèmes de ces prochaines années. Nous allons probablement voir l’âge d’or de l’investissement dans tous les fonds destinés au financement d’infrastructures.

Si l’on en revient aux actions et aux marchés en général, comment compareriez-vous la correction survenue en 2022 par rapport à d’autres?

Elle est très différente de celle de 2008. Lors de la crise financière globale de 2008, on avait assisté à une chute simultanée des actifs financiers et des actifs sociaux. En même temps que les marchés financiers chutaient, beaucoup de gens perdaient en effet leur emploi ou leur maison. En 2022, on a assisté jusqu’à présent avant tout à une correction des actifs financiers. En revanche, les actifs sociaux n’ont, eux, pas encore été affectés. Il n’y a pas encore eu de véritable ajustement de la demande et la plupart des gens continuent à dépenser leur argent. Le ménage moyen américain s’en sort plutôt bien actuellement – les gens ne ressentent pas encore la douleur de la correction. Les employés disposent toujours d’un pouvoir de négociation important en matière de salaires. En 2023, une récession surviendra et c’est à ce moment-là que les actifs sociaux commenceront à en subir les conséquences. C’est pourquoi, je pense que l’on assistera à une série de crises en plusieurs étapes. Cela signifie également que l’on ne sortira peut-être pas aussi rapidement de cette crise que lors des crises précédentes – également parce que les banques centrales ne disposent actuellement pas des mêmes moyens d’actions pour relancer la croissance. La crise actuelle pourra être répartie sur deux à trois ans.

 

La Suisse est le huitième marché le mieux noté en matière d’inclusion financière

Parmi 42 marchés analysés à l’échelle mondiale, la Suisse est le huitième marché le plus inclusif sur le plan financier, indique le Global Financial Inclusion Index publié fin septembre par Principal Financial Group. Plusieurs facteurs ont contribué à la bonne place obtenue par la Suisse dans ce classement. Le soutien solide qui est offert aux niveaux de l’État, du système financier et des employeurs, combiné à l’investissement dans des moteurs de croissance à long terme, tels que l’adoption de la technologie, ont contribué à la bonne place de la Suisse dans ce classement.

Le Global Financial Inclusion Index se concentre sur trois aspects: le soutien du gouvernement, le soutien du système financier et le soutien des employeurs. Il examine dans quelle mesure chacun de ces piliers fournit les outils, services et conseils pertinents pour permettre aux populations de ces États d’atteindre des niveaux plus élevés en matière d’inclusion financière.

La Suisse bénéficie du système fiscal jugé le moins complexe parmi les marchés examinés

Dans le détail, la Suisse se classe au troisième rang concernant le soutien du gouvernement, 11e en ce qui concerne le soutien du système financier et 16e s’agissant du soutien des employeurs, par rapport aux autres marchés analysés dans l’indice.

Autre point positif: la Suisse possède le système fiscal le moins complexe parmi tous les marchés présents dans cet indice. Le fait de recourir à un système fiscal relativement moins complexe est un point commun parmi quatre des cinq marchés les plus performants de l’indice. La Suisse se classe au premier rang avec Singapour dans ce domaine.

En matière de soutien du gouvernement, le pays se classe deuxième concernant le niveau d’emploi, 10e concernant l’adéquation, la durabilité et l’intégrité de son système public de retraite, et cinquième concernant la sensibilisation et l’adoption des régimes de retraite obligatoires du gouvernement.

La Suisse en cinquième place pour la quantité et qualité de ses «fintech»

En matière de soutien du système financier, la Suisse se classe cinquième concernant la quantité et la qualité de ses entreprises de technologies financières («fintech»), 10e concernant l’accès aux comptes bancaires et 13e concernant l’accès au crédit. Elle se classe 16e pour son volume de transactions de paiement en temps réel. La Suisse obtient des scores inférieurs en tant que catalyseur de la confiance des entreprises (20e), ainsi que des droits de protection des emprunteurs et des prêteurs (21e).

Conseils en matière financière insuffisants de la part des employeurs

En matière de soutien des employeurs, bien que la Suisse se classe huitième concernant les cotisations de retraite des employés et 12e concernant les prestations d’assurance fournies par les employeurs, ses notes chutent concernant les initiatives de rémunération flexible (26e), ainsi que le soutien et les conseils fournis aux employés par les employeurs en matière financière (25e). L’indice Global Financial Inclusion Index a été élaboré en partenariat avec le Centre for Economics and Business Research (Cebr).

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