Le modèle d’affaires d’EPIC Suisse peut être déployé à plus grande échelle

Yves Hulmann

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Arik Parizer, directeur de la société immobilière, détaille les raisons de sa future cotation à la bourse suisse.

Société peu connue du grand public en Suisse romande, EPIC Suisse est pourtant un acteur immobilier déjà très présent dans l’Arc lémanique. Fondée en 2004, la société immobilière basée à Zurich détient par exemple dans le canton de Vaud les bâtiments du parc scientifique Biopôle ou du Campus Léman. La société, qui compte le groupe Alrov, coté à la bourse de Tel Aviv, et la famille Greenbaum parmi ses principaux actionnaires, a annoncé lundi son intention de coter ses actions à la SIX Swiss Exchange, une opération qui devrait intervenir «dans les prochains mois». Pourquoi franchir le pas maintenant?

Entretien avec Arik Parizer, CEO d’EPIC Suisse.

Depuis 2004, EPIC Suisse a continuellement développé son portefeuille immobilier en Suisse, principalement dans l’Arc lémanique et en région zurichoise, sans être coté en bourse. Pourquoi planifier maintenant une IPO à la SIX Swiss Exchange?

EPIC Suisse a atteint aujourd’hui une certaine taille dans ses activités et nous disposons d’un portefeuille équilibré, à la fois sur le plan sectoriel et régional. Nous pensons que nous pouvons davantage développer nos activités – en gardant le même modèle d’affaires mais avec un volume plus élevé.

EPIC Suisse a indiqué vouloir lever environ 200 millions de francs par l’émission de nouvelles actions. Comment cet argent sera-t-il utilisé?

Après le remboursement d’un emprunt bancaire d’environ 28 millions de francs, d’un prêt actionnaires d’environ 5 millions de francs au niveau de la société holding, notre objectif est d’utiliser entre 65 et 75% de ces fonds pour effectuer de nouvelles acquisitions.

Le secteur de l’alimentation apporte
de la stabilité en termes de base de clientèle.
Votre portefeuille immobilier, valorisé à 1,3 milliard de francs au 30 juin, est principalement investi dans les secteurs du commerce de détail (43,6%), des bureaux (37,9%) et des espaces de logistique (8,7%) et d’autres projets de développement (9,7%). Aujourd’hui, le commerce de détail est fortement mis sous pression par le commerce en ligne. Comment voyez-vous les perspectives pour ce secteur?

Concernant le commerce de détail, il faut préciser que nous possédons principalement des surfaces dédiées à l’alimentation, un secteur moins concurrencé par le commerce en ligne. Par ailleurs, dans ce domaine, nous sommes peu présents dans des endroits situés à proximité immédiate de la frontière, ce qui réduit notre exposition au shopping transfrontalier et au tourisme d’achat. Plus généralement, le secteur de l’alimentation apporte de la stabilité en termes de base de clientèle. Les locataires s’engagent en général pour une longue durée. En outre, le secteur alimentaire attire aussi des clients dans les centres commerciaux, ce qui profite aussi aux autres échoppes présentes sur le site. Cela se reflète aussi d’après le critère de la durée moyenne pondérée des baux non expirés, qui dépasse les huit ans pour tout le portefeuille – plus particulièrement 10,9 ans s’agissent du commerce de détail - chez EPIC Suisse.

S’agissant des surfaces dédiées à la logistique, de quels types d’objets s’agit-il et quels sont vos projets en la matière?

Il s’agit par exemple de surfaces louées à Coop@home à Spreitenbach (Argovie) ou d’un centre logistique à Tolochénaz. La logistique est un secteur qui profite justement de l’essor du commerce en ligne.

Vous soulignez le faible taux de vacance ajusté de 3,8% chez EPIC Suisse. Que représente cet ajustement?

Durant le premier semestre 2020, notre taux de vacance publié a atteint 6,7%. Il a été toutefois ajusté de deux projets dont les vacances étaient déjà stratégiquement planifiées, l’un en raison de travaux et l’autre que nous avons acquis pratiquement vacant. Il s’agit d’un projet à Lancy et d’un autre à Volketswil. En soustrayant ces deux projets, le taux de vacance atteint au final 3,8%.

Dans vos différents segments, comptez-vous avec des taux de vacance différents – est-il par exemple plus élevé en moyenne dans les surfaces de bureaux que dans la logistique?

Non, nous ne définissons pas un certain taux de vacance qui resterait acceptable pour nous. L’objectif est de louer l’ensemble des surfaces dont nous disposons. Maintenant, le taux de vacance ajusté est un peu plus élevé dans le segment des bureaux, avec un peu plus de 6%. Notre objectif est néanmoins de louer toutes les surfaces mais nous reconnaissons que cela n'est pas possible dans un portefeuille aussi grand et que nous aurons toujours des surfaces vacantes.

Le bureau devra devenir un endroit plus social
où les collaborateurs devront avoir du plaisir à se rendre.
Au plus fort de la crise du Covid-19, en mars et avril, il a été beaucoup question d’accorder des rabais de loyer aux commerces qui ont dû fermer en raison de la pandémie. Comment avez-vous réagi de votre côté?

Nous avons adressé ce problème pro-activement, en négociant directement avec nos clients pour trouver des accords. La qualité de la relation avec les clients est un aspect essentiel dans cette branche. Bien évidemment, nous avons fait des concessions pour nos locataires mais, dans l’ensemble de nos activités, la pandémie de coronavirus n’a eu toutefois qu’un impact mineur sur l’évolution de nos revenus locatifs.

Au sein de votre portefeuille immobilier et parmi les projets en cours, vous avez beaucoup d’objets en lien avec l’éducation, la recherche ou les technologies, à l’exemple du parc scientifique du Biopôle ou du Campus Léman. Poursuivez-vous une stratégie spécifique dans ces domaines?

Notre but est de mettre à disposition des bâtiments adaptés aux besoins de nos clients. S’agissant du bâtiment loué par la société Incyte, par exemple, nous l’avons acheté sans savoir qui en serait le futur locataire. C’est plutôt dû à la structure de l’économie du canton de Vaud qui est fortement développée dans les domaines liés à la science et à la présence de l’EPFL à proximité.

Beaucoup de vos bâtiments bénéficient de certifications en matière environnementale telles que Minergie. Comment un investisseur peut-il savoir si l’ensemble de votre portefeuille est conforme d’après les critères ESG (ndlr : critères environnementaux, sociaux et de gouvernance)?

Notre société vise à obtenir une notation ESG par une agence spécialisée dans le domaine de la durabilité, ce qui offrira des garanties concernant les aspects ESG aux investisseurs.

La crise du Covid-19 a bouleversé les habitudes de nombreuses entreprises et de leurs employés, obligés de passer au télétravail dans un délai très court. Une fois la crise sanitaire passée, à quoi ressemblera, selon vous, le bureau du futur?

Il y a à mon avis deux phases différentes à distinguer. Dans un premier temps, tout le monde s’est précipité sur le «home office». Et nombre d’entreprises et d’employés y ont trouvé aussi certains avantages. Dans un second temps, nombre d’employés se sont rendus compte qu’il n’est pas toujours si pratique et motivant de travailler constamment depuis chez soi. A plus long terme, je ne pense pas qu’il soit possible de remplacer, sur la durée, les interactions que l’on a avec son entreprise et avec ses collègues en travaillant toujours à domicile. Récemment, même le patron de Netflix a déclaré qu’il fera revenir ses collaborateurs dans ses bureaux au plus vite dès qu’un vaccin sera disponible. Du côté des sociétés immobilières, cela signifie aussi qu’il faudra devenir plus créatifs. Le bureau devra devenir un endroit plus social où les collaborateurs devront avoir du plaisir à se rendre.