La pause monétaire de la BNS déjoue les attentes

Salima Barragan

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Le statu quo n'empêchera pas une nouvelle hausse du taux de référence hypothécaire, estime Arthur Jurus de Oddo BHF Suisse.

La Banque nationale suisse (BNS) a confirmé son indépendance vis-à-vis de la Banque centrale européenne (BCE). Sa décision du 21 septembre de suspendre son programme monétaire contraste avec l'augmentation de 0,25% du taux de la BCE de la semaine précédente. Le message est clair: la BNS se concentre avant tout sur l'économie helvétique.

L’institut suisse avait lancé son cycle de resserrement monétaire en juin 2022, en réponse à une inflation importée persistante. Au fil de cinq étapes de hausses, les taux sont passés d’un territoire négatif de -0,25% à positif de 1,75%.

L'indice des prix à la consommation en août est retombé à 1,6%, justifiant une pause monétaire. Cependant, Arthur Jurus, Head of Investment Office PWM chez ODDO BHF, envisage un retour du renchérissement à 2% en fin d'année. Il met également en garde contre une augmentation du taux d'intérêt de référence des loyers en dépit de la pause monétaire. Décryptage.

Quel est l’impact du maintien du taux directeur à 1,75% sur les différents marchés financiers?

Le pic des taux a été atteint, dans la mesure où les marchés anticipaient en amont de la réunion un taux à 2% en décembre. Les prévisions ont été revues à la baisse à 1.75%.

Cette décision a conduit le franc suisse à se déprécier légèrement vis-à-vis de l’euro et du dollar, mais elle aura un impact négligeable à long terme sur l’évolution des devises: l’appréciation du franc suisse se poursuivra.

En revanche, son influence est plus positive sur l’activité, car la fin du durcissement monétaire et la légère dépréciation du franc suisse soutiennent une économie très tournée vers l’exportation, d’où la bonne réaction des actions suisses suite à l’annonce de la BNS.

La possibilité de ne pas augmenter les taux à nouveau est également le fruit d'une politique monétaire efficace.
Quelle est votre analyse de la stratégie de la BNS?

La BNS fait état d’une forte discipline monétaire. Elle augmente les taux lorsque l’inflation dépassait les 1% et que le franc suisse déviait de sa tendance à long terme.

De plus, la BNS ne dépend pas de la BCE. Elle a déjà pris l'initiative d'augmenter ses taux en premier et n’a pas toujours suivi les hausses de son homologue européen. Le message de la BNS est clair:  l’économie domestique prime. La possibilité de ne pas augmenter les taux à nouveau est également le fruit d'une politique monétaire efficace: elle peut se le permettre, car les prix sont repassés sous les 2%. Une possibilité que la BCE et la FED se permettront de prendre au 2d semestre, mais au risque d’un nouveau dérapage de l’inflation. Ce ne sera pas le cas pour la BNS.

Vous vous attendez à une incidence sur les loyers. Pour quelles raisons?

Malgré le statu quo des taux directeurs qui signalerait moins de pressions inflationnistes, nous pensons que l’Office fédéral du logement (OFL) pourrait augmenter le taux d'intérêt de référence applicable aux contrats de bail en Suisse vers fin 2023 / début 2024. D’ailleurs son directeur l’a récemment mentionné. Ce relèvement impliquera une pression inflationniste supplémentaire, car les loyers représentent en moyenne près de 18% du budget des Suisses. Nous anticipons des hausses comprises entre 3 à 8% sur la moitié des baux d’ici les 6 prochains mois.

Quel sera l’impact du statu quo sur les prix des biens de consommation?

La décision n’aura pas d’impact sur les prix, dans la mesure où elle tenait déjà compte dans ses prévisions d’un regain d’inflation lié au loyer ainsi que du nouveau prix de l’énergie qui a flambé de 30%. La BNS reste agile et n’a pas fermé la porte à une nouvelle hausse du taux en dépit des nouvelles attentes des investisseurs.

L’inflation pourrait-elle repartir à la hausse lors de la période hivernale, gourmande en énergie, mais aussi en raison de l’élévation des loyers mentionnée?

Dans son communiqué, la Banque nationale Suisse (BNS) laisse entrevoir la possibilité de nouvelles hausses à venir. Nous n’excluons pas l'éventualité d'un resserrement supplémentaire de 0,25% en décembre en raison des révisions haussières sur les loyers (ces dernières vont se prolonger sur 3 à 4 mois), et de l’inflation importée. Pour l’heure, cette dernière est devenue déflationniste, mais elle pourrait augmenter d’ici peu et ramener le renchérissement à 2% en fin d’année; ce qui correspond à l’objectif de stabilité des prix de la BNS.

Et pour la suite de la politique de la BNS?

La BNS surprend sans cesse les marchés, qui anticipent à l’heure où nous parlons un taux inchangé de 1,75% en décembre. Nous n’anticipons pas de baisse du taux BNS en 2024. L’institution anticipe toujours une inflation à 2,2% en 2024, soit autant que cette année.

Quelles sont vos vues sur les devises?

L’économie suisse est vertueuse.  Le franc suisse devrait ainsi s’apprécier à moyen et long terme, en raison d’une stabilité des prix de long terme et qui s’est renforcée ces derniers trimestres.

L’appréciation structurelle du franc est de 2,7% par an contre l’euro et de 2,8% face au dollar américain, depuis 70 ans. Cette tendance devrait se poursuivre. La fermeté du franc constitue un cercle vertueux. Elle va préserver la stabilité des prix et le capital des investisseurs libellé en franc suisse.

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