Pour Damien Mariette, gérant du fonds Echiquier Value, les entreprises européennes restent bien orientées avant les chiffres trimestriels.
Le fonds Echiquier Value est spécialisé dans les valeurs de la zone euro dites «value», soit des titres jugés fortement sous-évalués par le gérant ou en situation de retournement. Après la correction de février, la période actuelle est-elle propice pour trouver des sociétés sous-évaluées sur le marché européen? Le point avec Damien Mariette, gérant du fonds Echiquier Value depuis 2012, lors d’un passage en Suisse.
Il faut replacer ces récents mouvements sur les marchés dans une perspective plus longue. Depuis l’élection de Donald Trump en novembre 2016, les marchés n’ont connu qu’une seule direction – à la hausse – avec une très faible volatilité de surcroît. La reprise de la volatilité observée depuis fin janvier ne peut pas être en soi considérée comme un phénomène négatif pour les marchés ou qui refléterait une détérioration de l’environnement économique global. On n’y était plus habitués, c’est tout. Maintenant, chaque Tweet de Trump provoque de nouveaux bonds de la volatilité – même si, souvent, on ne connaît pas la part de vérité de ses propos ni ce qui sera réellement appliqué par la suite. Quand la volatilité rebondit, les investisseurs délaissent les valeurs cycliques et reviennent vers les valeurs refuge – les emprunts d’Etat, l’or ou les «bond proxi», ces classes d’actifs qui y ressemblent comme l’immobilier ou les services aux collectivités. Pour autant, les fondamentaux restent bons dans l’ensemble. Les indices manufacturiers (PMI), par exemple, ont légèrement reculé en mars, aux environs de 56 ou 57 points contre un niveau très élevé de plus de 60 auparavant, mais ils continuent d’évoluer en territoire positif.
Oui, en ce qui concerne les entreprises européennes. Elles restent bien orientées avant le coup d’envoi du premier trimestre. Des groupes tels que LVMH ou Peugeot par exemple ont envoyé des signaux plutôt positifs ces dernières semaines.
Les entreprises exportatrices allemandes ont jusqu’ici été les plus touchées – ce qui se reflète dans l’évolution du DAX, quasiment revenu à son niveau d’il y a un an. Bien entendu, le renforcement de l’euro induit une baisse de compétitivité lorsque vous vendez des produits en zone dollar. Toutefois, les entreprises peuvent s’adapter, ajuster leurs processus d’achats et de production. Il est à mon avis très difficile de définir un seuil à partir duquel la force de l’euro mettrait en péril la reprise dans la zone euro. Cela dépend plutôt de la rapidité de l’ajustement des taux de change.
une juste valorisation aux groupes automobiles.»
Peugeot n’est pas spécialement affecté par la force de l’euro, ses clients étant surtout en Europe. Cela a davantage d’impact sur VW, plus actif à l’international. La force de l’euro affecte surtout davantage des sociétés comme le groupe sidérurgique ArcelorMittal ou le transporteur Moller-Maersk. En tant qu’investisseurs ayant une approche «value», nous apprécions les groupes industriels comme ThyssenKrupp, qui se traite avec une décote par rapport à la valeur de ses actifs. Moller-Maersk affiche également une décote du point de vue des capitaux employés.
Il est frappant d’observer combien souvent on a annoncé la fin des groupes automobiles traditionnels face à l’émergence de nouveaux concurrents - comme Tesla - ou face aux évolutions technologiques – l’essor des voitures électriques ou autonomes. Pour autant, ni Peugeot, ni VW ne vont disparaître en raison de ces développements. Le marché semble avoir du mal à apporter une juste valorisation aux groupes automobiles. D’abord, on annonce la fin du diesel et l’arrivée du tout électrique. Ensuite, le marché décrète que seule la taille des groupes automobiles compte et que les plus grands l’emporteront. Or, de notre point de vue, qui est aussi celui du bon sens, ce qui compte, c’est de fabriquer les véhicules qui plaisent aux consommateurs. Rien ne sert de faire des produits qui séduisent uniquement la presse automobile ou les experts. En reprenant Opel, PSA a l’avantage d’avoir augmenté sa taille. Les produits Opel passeront sur les plateformes de PSA, ce qui permettra au groupe de gagner en efficacité durant le processus de production. Enfin, aux adeptes du scénario du tout électrique dès demain, il est important de rappeler que si le secteur automobile est en mutation, il s’agit d’une branche qui évolue avec un temps beaucoup plus long que celui estimé par le marché. L’heure de la voiture électrique adviendra certes, mais progressivement. Le temps de régler les questions liées aux batteries, à l’infrastructure nécessaire pour recharger les véhicules et celles liées à l’environnement, et au coût carbone total d’une voiture électrique.
Carrefour, qui a perdu beaucoup de sa valeur l’été dernier, a connu un problème typique d’un leader qui s’est longtemps reposé sur ses lauriers. La société a mis beaucoup de temps pour diversifier une stratégie qui a été longtemps axée uniquement autour de ses hypermarchés. Aujourd’hui, les gens ne vont plus systématiquement à l’hypermarché faire leurs courses – s’ils s’y rendent, c’est pour les autres offres qui se trouvent à proximité. Carrefour a réagi avec des commerces de plus petite taille – comme Carrefour Market ou Carrefour City. C’est un processus d’adaptation qui prend du temps mais Carrefour a déjà mis en place des mesures d’amélioration. Le groupe bénéficiera de mêmes conditions d’achats que certains de ses concurrents comme Darty. Il commence aussi à rattraper son retard dans le commerce électronique.
peuvent devenir des acteurs de premier plan dans le commerce de détail.»
L’évolution du groupe allemand Ceconomy, récent spin off de Metro et qui est par ailleurs le premier actionnaire de la Fnac en France, est intéressante à cet égard. L’enseigne s’est déjà adaptée aux prix pratiqués par Amazon. Le client qui se rend dans un magasin avec l’idée de regarder des articles avant de les acheter en ligne n’a plus d’intérêt le faire, car il n’y a plus de véritable différence de prix. L’arrivée d’Amazon est déjà complètement intégrée dans le cours d’une action comme Ceconomy.
Elle a été influencée par certains événements négatifs comme les difficultés de Toys"R"Us – une enseigne qui a fait faillite aux Etats-Unis, mais pas en Europe – ou encore celles du groupe Ludendo. Mais il ne faut pas oublier que les groupes actifs dans la distribution ont de solides compétences en matière de logistique, des compétences qui peuvent être mises à profit dans le secteur du e-commerce. S’ils réussissent leur transition vers le numérique, les groupes actifs dans la distribution peuvent devenir des acteurs de premier plan dans le commerce de détail.
Alors que 80% des actifs de nos fonds sont encore situés en France, notre but est d’accélérer notre développement à l’international. Avec près de 11 milliards d’euros d’encours d’actifs sous gestion, la possibilité d’accroître la part détenue par des investisseurs à l’étranger est encore importante.
Nous avons une relation de proximité de long terme avec les investisseurs suisses. Nous avons ouvert un bureau basé à Genève, dirigé par un responsable de pays et comptons renforcer l’équipe. Nous visons à recruter une à deux personnes supplémentaires à Zurich également, soit une équipe de quatre personnes en Suisse. Nos clients sont avant tout des tiers gérants, des family office et des banques privées. Nous rencontrons régulièrement les sélectionneurs de fonds de banques en Suisse. Nous ne cessons d’adapter notre proposition de valeur aux enjeux des investisseurs helvètes, particulièrement exigeants et bien formés.