La croissance à long terme n’est pas remise en question

Salima Barragan

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Mais les rendements seront plus bas, estime Thushka Maharaj de J.P. Morgan AM.

Bonne nouvelle: malgré la pandémie, les prévisions de croissance à long terme n’ont pas dévié de leur trajectoire initiale. Dans son 25e rapport annuel sur les hypothèses de marché des capitaux à long terme (LTCMA), J.P. Morgan Asset Management se montre toujours confiant sur la croissance mondiale.  En revanche (et c’est la mauvaise nouvelle !) les rendements attendus des actifs traditionnels seront plus bas lors de la décennie à venir. Explications avec Thushka Maharaj, Global Multi-Asset Strategist.

Quelles sont vos prévisions de croissance et d’inflation dans le monde post-COVID?

Malgré la pandémie, nos prévisions de croissance sur le long terme restent globalement inchangées. Pour les années à venir, nous avons même revu à la hausse les PIB en Europe, au Royaume-Uni et au Japon. En revanche, la croissance en Inde et en Russie sera plus basse que prévue. Sur le court terme, l’on s’attend à une inflation contenue bien que les risques extrêmes soient devenus plus importants que lors de ces dernières années. D’ailleurs, ils augmenteront à plus long-terme.

Pourquoi escomptez-vous des rendements plus bas pour les dix à quinze prochaines années?

D’ici que revienne l’austérité et les politiques monétaires plus restrictives des prochains cycles économiques, les banques centrales et les gouvernements feront preuve d’une meilleure coordination de leurs politiques, ce qui contrastera avec leurs actions désordonnées de la décennie écoulée. Cette synchronisation mènera à des rendements à venir encore plus bas, d’autant plus que nous partons de niveaux importants sur beaucoup d’actifs risqués.

L’espérance de rendement d’un portefeuille en euros composé
de 60% d’actions et de 40% d’obligations est descendu à 2,7%.
Quels rendements attendez-vous des actions, dont les valorisations sont élevées?

Les valorisations plus ou moins étirées selon les marchés constituent un vent contraire. Leurs rendements seront plus faibles, notamment aux Etats-Unis où l’on s’attend à la plus forte baisse au sein des marchés développés.

Pourtant, vous restez positifs sur les Etats-Unis…

Oui, nous restons positifs car la technologie qui a dominé durant cette année devrait poursuivre son ascension en 2021. La technologie a aussi attiré trop d’attention au dépend d’autres secteurs complétements ignorés qui restent intéressants. Cependant, nous pensons que le marché européen - sur lequel nous sommes encore plus positifs au vu de son activisme fiscal et monétaire - le rattrapera.

Quelles sont vos hypothèses sur le crédit que vous qualifiez d’actif «quatre saisons»?

La faiblesse initiale des taux, la normalisation des politiques à moyen terme et la faiblesse des rendements d'équilibre limiteront les rendements obligataires. Mais le crédit, résilient dans ces configurations, restera intéressant autant pour les investisseurs conservateurs que pour ceux à la recherche de risques. En règle générale, le début d’un cycle d’affaires est propice aux investissements dans le crédit. D’ailleurs, le ratio de Sharpe des obligations à haut rendement est plus haut que celui des actions. Même si les rendements des obligations resteront très bas lors de la décennie à venir, les mesures monétaires en limiteront la volatilité.

Quelles sont vos perspectives sur les actifs alternatifs?

Ils deviendront une classe d’actifs essentielle pour la recherche de l'alpha, du revenu et de la diversification. Leurs rendements escomptés ajustés aux risques semblent attrayants par rapport à la plupart des actifs traditionnels, particulièrement suite à la baisse des rendements obligataires et à l'étirement des valorisations des actions. La large dispersion de leur rendement resignifie que la qualité de la diligence est primordiale afin de réaliser leur potentiel, en particulier dans le Private Equity et les Hedge Funds.

L’année passée, les prévisions de rendement à long terme de votre portefeuille modèle s’élevaient à 3,2%. Aujourd’hui, face à un environnement de rendements plus bas, quelle est votre nouvelle espérance?

L’espérance de rendement d’un portefeuille en euros composé de 60% d’actions et de 40% d’obligations est descendu à 2,7%. Nous incitons les investisseurs à élargir leur éventail d'opportunités afin de monétiser les primes de risque car de nombreux actifs sont éloignées de la frontière entre les actions et les obligations. A la sortie de la crise financière, beaucoup d'actifs étaient proches de cette frontière ce qui signifiait que les investisseurs étaient convenablement récompensés pour le risque de marché. Mais ça ne suffira plus.