La banque qui tient dans la poche

Salima Barragan

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Alpian lance un service de conseils disponible à tout moment. Avec Victor Cianni.

Alpian est la première banque privée digitale de Suisse. Incubée par le groupe bancaire Reyl Intesa Sanpaolo, la néo-banque basée à Genève associe la technologie à l’expertise humaine. En plus de sa gamme de mandats discrétionnaires sur mesure, elle va lancer une offre de conseils équivalente à «l’advisory» des établissements traditionnels. Sauf que ce service reste disponible à tout moment sur son application mobile. Allnews a rencontré son CIO Victor Cianni afin de s’entretenir sur le départ surprise de leur CEO Schuyler Weiss, leur positionnement et leur stratégie d’investissement.

Comment le départ de votre CEO et co-fondateur Schuyler Weiss, qui retourne aux États-Unis après 5 années à la tête d’Alpian, va-t-il changer la direction de la banque?

Il est retourné aux États-Unis afin de poursuivre ses aspirations et se lancer dans la politique. Son deputy-CEO Gianmarco Bonaita deviendra notre nouveau PDG, car nous conservons notre confiance dans l’équipe dirigeante. Cette dernière donnera sans doute une nouvelle direction à Alpian.

Nous sommes présents dans le marché depuis un an; une année cruciale pour conquérir des parts de marché et répondre aux attentes de nos clients. De ce point de vue, nous ne changerons rien. Nous chercherons toujours à en faire plus.

Comment votre stratégie, en tant que banque privée digitale, se différencie-t-elle de celle d’une banque privée traditionnelle?

Nous nous positionnons sur le marché des clients « affluents », dont les encours se situent entre 100’000 à un million de francs. Ces derniers sont mal servis par les banques de détails, mais leurs encours ne sont pas assez significatifs pour attiser les banques privées. Notre clientèle est hétéroclite en termes de publics et de tranches d’âge; elle va des jeunes actifs aux retraités.

Nous essayons de revenir à une forme de bon sens qui consiste à écarter les frais cachés. Nous repensons notre modèle afin d’être totalement en ligne avec nos clients. Par exemple, nos conseillers à la clientèle ne sont pas rémunérés sur les ventes de produits. Nous répercutons la grande partie des hausses des taux d’intérêt à notre clientèle.

Le grand public confond souvent banque en ligne et numérique. Comment différenciez-vous ces deux segments et quel est votre positionnement?

La banque numérique fait appel à toutes les formes de conseils et services fournis à travers des canaux numériques. Alors que les banques en ligne, qui travaillaient avec des supports papier, ont bénéficié des premiers accès internet.

Cependant, cette classification est devenue caduque. Nous allons beaucoup plus loin avec notre modèle d’application pour smartphone, sur lequel la plupart des interactions ont lieu. Ce choix est crucial, car il nous confère un avantage indéniable: celui d’avoir votre banquier avec vous en tout temps.

Quelle est la position d’Alpian vis-à-vis des robo-advisors, les conseillers numériques?

On associe souvent la banque numérique aux robo-advisors. Les deux se marient parfaitement, mais nous nous concentrons sur les services à valeur ajoutée. Côté portefeuille, nous proposons des outils de gestion. La technologie nous aide à résoudre des problèmes mathématiquement complexes, telle que l’optimisation d’un portefeuille pour un client. Cette tâche requiert de trouver la combinaison d’actifs la plus efficace possible, ce qui est difficile à réaliser humainement. De même, certaines tâches ingrates et répétitives sont automatisées, compressant les coûts finaux pour le client. Pendant que la technologie nous aide avec les tâches à faible valeur ajoutée, nous pouvons nous concentrer sur l'essentiel: la sélection de produits, la recherche, les vues de marchés, les conseils aux clients. Le rôle de l'humain reste prépondérant.

Quelle est votre stratégie d’investissement?

La philosophie d’investissement des stratégies mandataires porte sur le long terme, avec une diversification internationale. Notre but consiste à trouver l’allocation optimale pour chacun de nos clients. La finance comportementale entre en jeu, en combinaison avec notre allocation stratégique. Nous conservons toutefois une marge de manœuvre. Actuellement, notre allocation actions est neutre. Côté obligations, nous sommes légèrement surpondérés sur la partie courte de la courbe des taux, car nous arrivons à la fin des relèvements de taux bien que nous prévoyons quelques soubresauts à venir. Nous restons positifs vis-à-vis des cryptoactifs qui offrent des points d’entrée intéressants. Mais cette classe d’actifs reste, naturellement, à la discrétion de nos clients.

Quels sont vos nouveaux projets?

Nous lançons une nouvelle offre de conseils, également disponible sur l’application. En tant que banque 100% mobile, nous mettons l’accent sur une stratégie, sans noyer nos clients dans une offre de fonds thématiques. Ces derniers choisissent leur univers d’investissement, et nous leur fournissons les conseils adéquats par l’intermédiaire de l’application. Cette offre correspond aux services « advisory » des banques traditionnelles à l’intention des investisseurs qualifiés. Nous sélectionnons des produits diversifiés et négocions leurs frais dans l’intérêt de notre clientèle.

Vous ne croyez pas au succès des ETF thématiques, plébiscités par une majorité de plateformes en ligne. Pour quelles raisons?

Nous préférons nous démarquer, car tous les ETF thématiques ne se valent pas. De plus, beaucoup d’entre eux présentent un risque de concentration et de chevauchement de positions. D’ailleurs, les statistiques démontrent que lorsque ces derniers arrivent sur le marché, ils sont déjà excessivement valorisés. Nous leur préférons les véhicules de type mixte.

Vous intéressez-vous au private equity?

L'offre private equity est en train d'émerger pour les mass affluents mais les propositions ne sont pas encore aussi intéressantes que pour les clients fortunés. Pour l'instant nous n'en offrons pas, mais nous suivons de près les développements dans le secteur.

Lorsque les taux étaient plus bas, la classe d’actifs affichait un point d’entrée très intéressant. Cependant, nous allons voir beaucoup d’ajustement de valorisation à la baisse. Les vintages auront plus de difficulté à performer dans ce nouvel environnement de taux et nous pouvons nous attendre à des soubresauts.

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