L’autonomie de l’investisseur s’accroît sur le marché des ETF

Emmanuel Garessus

5 minutes de lecture

Après l’annonce d’un partenariat avec Coop, Robyn Laidlaw, de Vanguard, souligne l’attrait des solutions à bas coût et adaptées au cycle de vie ainsi que des stratégies 60/40.

Coop a récemment présenté son offre Coop Finance+ à travers laquelle Vanguard offre à Coop ses produits d’investissement et ses solutions stratégiques pour les intégrer dans les solutions de prévoyance 3a du détaillant. L’offre est disponible depuis le début novembre. Le gérant d’actifs y est chargé de définir les différentes allocations stratégiques et de mettre à disposition diverses options d’investissements. Robyn Laidlaw, responsable de la distribution de Vanguard en Europe, répond aux questions d’Allnews sur ce sujet et sur les tendances du marché des ETF:

Comment se déroule la vente de vos fonds au sein du partenariat avec Coop?

Quelques semaines après le lancement, il est trop tôt pour parler de chiffres. Notre approche est toujours celle du long terme. Nous étions d’emblée conscients du temps nécessaire pour que cette coopération apporte ses fruits et contribue à notre croissance.

Nous apprécions particulièrement l’idée d’apporter une nouvelle solution de prévoyance à bas coût destinée aux investisseurs suisses, surtout à ceux qui sont attirés par les offres digitales individualisées. Nous restons intéressés à explorer d’autres partenariats pour atteindre les investisseurs finaux.

Est-ce que cet accord est une première au plan européen?

Oui, c’est une première, même si nous avons déjà au Royaume-Uni une offre pour l’investisseur individuel accessible numériquement.

Vanguard est réputée pour le bas coût de ses fonds indiciels et de ses ETF. Est-ce que la solution choisie avec Coop offre les frais les plus modestes dans les solutions 3a?

Les frais sont de 0,6% à 0,63% selon le portefeuille choisi pour une solution 3a de Coop (tout compris, notamment le rééquilibrage). Cette solution est la seule à proposer une stratégie pour le cycle de vie dans une solution numérique 3a en Suisse. Le coût est également nettement inférieur à celui encouru par un investisseur individuel qui tenterait de reconstituer les avoirs du portefeuille sous-jacent en acquérant des actions individuelles pour constituer le même portefeuille.

Pourquoi vous intéresser au B2B2C? Pourquoi pas un accès direct avec l’investisseur final?

Le partenariat avec Coop est effectivement une offre B2B2C. Nous considérerons d’autres opportunités similaires ailleurs qu’en Suisse. Vanguard se définit comme un champion des solutions pour l’investisseur final. Nous pensons en effet que l’épargnant doit souvent payer des frais excessifs ou être confronté à un choix beaucoup trop limité. Le B2B2C est un instrument idéal pour y remédier en nous alliant avec des partenaires partageant nos vues à long terme.

«Les frais sont de 0,6% à 0,63% selon le portefeuille choisi pour une solution 3a de Coop (tout compris, notamment le rééquilibrage)»

Il est encourageant de constater, par exemple sur le marché allemand, que les investisseurs deviennent de plus en plus autonomes dans leur stratégie de prévoyance ou dans l’achat d’ETF.  Nous nous attendons à une nette expansion de ce comportement autonome grâce aux plate-formes digitales de nombreux pays, par exemple aux Pays-Bas, dans les pays nordiques et en Allemagne. La numérisation est un magnifique instrument lorsqu’il s’agit d’abaisser les barrières à l’entrée et de faciliter l’accès aux marchés financiers. Les progrès sont majeurs: chaque particulier est à même d’effectuer ses propres recherches et d’investir en toute autonomie à un coût modeste.

Qu’en attendez-vous en termes d’actifs dans cinq ans?

Nous réfléchissons davantage en termes de valeur ajoutée pour l’investisseur qu’en termes de fonds sous gestion. Si cette valeur ajoutée est au rendez-vous, elle conduit inévitablement à un accroissement des clients. Et si ceux-ci sont satisfaits et améliorent leurs perpectives de retraite tout en réduisant leurs coûts, c’est un excellent résultat.

Après les cinq premières semaines de votre offre avec Coop, quelles stratégies choisissent les premiers clients à ce service entre les plus prudentes et les plus agressives?

Il est encore trop tôt pour se prononcer, mais il sera très important de considérer leur comportement d’ici quelques mois. Selon nos expériences sur le marché britannique, nous avons vu que même les jeunes gens n’aiment pas les allocations stratégiques risquées, alors que leur âge leur permettrait d’adopter une approche plus risquée à long terme.

En tant que responsable de l’allocation se placement dans cette offre, faut-il s’attendre à ce que vous changiez fréquemment l’allocation stratégique durant l’année?

Le coeur du message de Vanguard, depuis ses origines, consiste à montrer que l’investisseur professionnel ne bat pas les indices à long terme en modifiant fréquemment sa stratégie. Nous préférons définir une allocation stratégique à long terme et ignorer les aléas du court terme. La réelle valeur ajoutée de l’investisseur qui pense à sa retraite future consiste à définir la bonne proportion entre les actions et les obligations. Et si les marchés sont difficiles, il importe de s’en tenir à ce choix et de rééquilibrer régulièrement les portefeuilles pour maintenir la proportion initiale. Le résultat est d’autant plus favorable avec des produits à bas coûts comme des fonds indiciels et des ETF.

Est-ce que vous recommandez une allocation avec 60% d’actions et 40% d’obligations, malgré leur piètre performance en 2022 et, selon les pays, aussi en 2023?

Nos nombreuses recherches sur ce sujet, y compris plusieurs ouvrages de John Bogle, notre fondateur, conseillent de ne pas trop se focaliser sur un an ou deux mais sur des horizons nettement plus longs. Nous sommes d’ardents défenseurs du portefeuille 60/40. Même en 2022, lors de la baisse conjointe des actions et des obligations, nous étions parmi les rares groupes financiers à affirmer que le 60/40 était loin d’être mort. Au sein de l’offre de Coop, il existe certes une stratégie 60/40 mais l’essentiels repose sur des stratégies de cycle de vie, qui réduisent la part des actions avec l’âge pour diminuer les risques à l’approche de la retraite. Nous allons progressivement accroître nos services dans ce domaine. Nous ne sommes pas qu’un émetteur de fonds passifs, mais aussi un fournisseur de conseils en matière d’allocation de portefeuille. Nous avons déjà lancé des produits multi-actifs appelés LifeStrategy ETF, liés au cycle de vie, non pas en Suisse mais sur d’autres marchés européens avec une allocation stratégique fixe en actions respectivement de 80%, 60%, 40%, 20%. Dans ce cadre, le marché apprécie le bas niveau des frais de gestion (environ 0,25%) pour la famille des ETF multi-actifs, lesquels incluent le rééquilibrage.

«Nous sommes d’ardents défenseurs du portefeuille 60/40»
Qu’en est-il des critères de durabilité dans vos solutions d’investissement avec Coop?

En Suisse, nous proposons des fonds indiciels ESG avec des critères d’exclusion. Tous les blocs de construction Vanguard utilisés par Coop sont ESG, à l’exception des obligations d’Etat.

Que pensez-vous du niveau des versements autorisés au pilier 3a?

Même si le montant est relativement bas, l’épargnant devrait saisir cette opportunité pour améliorer sa prévoyance individuelle. Nous saluons toutes les incitations gouvernementales qui vont dans ce sens.

Quel est le degré de participation du grand public au marché des ETF?

Ile taux de participation ne cesse d’augmenter, notamment en Allemagne. Sur ce dernier marché, il se situe entre 20 et 22% du total des actifs investissables en Europe. En Allemagne, nous constatons un vif intérêt des particuliers pour les plateformes d’investissement digitales, qu’il s’agisse de l’achat de plans d’épargne sous forme d’ETF ou d’ETF individuels. Ce marché a dépassé 130 milliard d’euros. Nous estimons qu’un million d’Allemands sont détenteurs de produits Vanguard, qu’ils les aient achetés eux-mêmes ou à travers un conseiller financier. L’Allemagne est particulièrement friande d’ETF cette année. En Suisse, les plateformes numériques commencent à s’intéresser au lancement de plans d’épargne à travers des ETF pour les investisseurs privés.

Quels ont été les faits les plus marquants de l’année 2023 sur le marché des ETF en 2023?

Nous sommes frappés par l’essor des ETF obligataires. Le FTSE All World ETF, lequel permet d’investir sur le plan global dans environ 4000 sous-jacents sur les marchés industrialisés et émergents à un coût de 0,22%, a été notre ETF le plus vendu cette année. Comme un couteau suisse, il est utile dans toutes les situations. Et c’est un bon moyen d’adopter une stratégie d’achat à long terme. Notre plus grand plaisir consiste à observer les investisseurs capables de choisir ce type de solutions plutôt que de sélectionner individuellement des pays ou des thèmes d’investissement. Notre Global aAgregate Bond ETF a également été très recherché.

Quand vos fonds actifs seront-ils disponibles en Suisse?

Au plan global, les investisseurs sont peu conscients de l’importance de la gestion active au sein de Vanguard. Pourtant elle représente environ un quart de nos actifs. Cette proportion est surtout élevée sur le marché américain. Nous utilisons un modèle de sous-conseil dans lequel nous externalisons la gestion aux meilleurs gérants actifs du monde pour les intégrer dans nos solutions sur les actions. Ce modèle a été introduit au Royaume-Uni il y a plus de cinq ans.

En matière d’obligations, Vanguard dédie une partie de ses propres équipes à la gestion active. En Europe, nous distribuons depuis 3 ou 4 ans nos fonds Ucits aux investisseurs européens, dont deux stratégies obligataires, l’une sur les marchés émergents et l’autre sur le crédit global. Les deux dernières stratégies sur les marchés émergents et le crédit global sont disponibles en Suisse. Nous pensons élargir notre offre progressivement et répondre à une plus vivre demande pour les produits obligataires.

L’année 2023 a été marquée par la forte performance d’un secteur, l’intelligence artificielle. Quelle sera l’idée d’investissement de 2024?

Vanguard n’a pas une approche centrée sur une année boursière mais sur le long terme, soit au moins dix ans. Notre message exige une grande discipline à travers les années. Nous sommes les ardents défenseurs de quatre principes d’investissement: Définir des objectifs clairs, diversifier les classes d’actifs dans un portefeuille équilibré, minimiser les coûts, maintenir une discipline à long terme. C’est en lien avec ces quatre principes que nous affirmons aussi que la stratégie 60/40 n’est pas morte.

Pourquoi n’ajoutez-vous pas le private equity dans vos portefeuilles diversifiés?

Nous avons ajouté le private equity à notre offre sur le marché américain. Mais nous n’en sommes qu’au début du processus. Nous ne prévoyons pas de le commercialiser en Europe pour le moment.

Quelle est, à votre avis, la dernière grande innovation qui s’est imposée sur le marché des ETF?

Notre dernière grande innovation a sans aucun doute été la famille d’ETF multi-actifs LifeStrategy, qui est un ETF d’une structure d’ETF que nous avons lancée il y a trois ans. S’ils ne sont actuellement pas commercialisés en Suisse, ces ETF multi-actifs donnent à l’investisseur particulier la possibilité d’investir dans des milliers de titres sous-jacents avec un seul ETF, une allocation respectant le profil de risque et à un coût de seulement 0,25% par an. Nous pouvons respecter nos principes d’investissement à long terme avec un seul produit et à un bas coût.

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