L’Alpha moderne

Salima Barragan

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«Nous réfléchissons intelligemment à ce que les investisseurs veulent obtenir», explique David Abner de WisdomTree.

 

David Abner, Responsable Europe, a rejoint WisdomTree, alors que l’industrie des ETFs n’était encore qu’à ses débuts. Cette société pionnière a lancé le concept d’investissement moderne. Tirer profit de la transparence reste son principe de base. Elle a pour mission d’expliquer clairement aux investisseurs ce qu’ils vont obtenir à travers une nouvelle génération innovante d’ETFs. Interview avec David Abner.

Depuis ses débuts, comment WisdomTree a-t-elle révolutionné l’industrie des ETFs?

En 2006, WisdomTree a démarré son activité comme créateur de propriété intellectuelle avec des indices qui pouvaient être investis au moyen des ETFs. Ces produits, alors uniques,  étaient basés sur des indices propriétaires pondérés par les dividendes. Puis est arrivé un fonds sur la méthodologie des revenus. En 2008, nous avons lancé le plus grand ETF sur le marché actions indien avec des actifs sous-jacents physiques. Il est vite devenu un produit phare et les investisseurs ont dès lors commencé à nous contacter pour des solutions sur les marchés émergents. Nous réfléchissons intelligemment à ce que les investisseurs veulent obtenir. Aujourd’hui, nous continuons de créer nos propres indices au lieu de concurrencer les émetteurs des indices principaux.

«Nous leur avons expliqué comment isoler le risque actions du risque devise,
et cela est devenu une innovation incroyable pour l’industrie.»
En 2013, vous lancez le premier ETF sur le Japon avec couverture du risque de change. Cela répondait-il à une demande spécifique?

Nous avions remarqué qu’il y avait un grand malentendu de la part de nos clients américains qui investissaient à l’étranger. Beaucoup d’entre eux ne différenciaient pas la part des actions et des devises dans l’attribution de la performance. Nous avons donc créé à leur intention les premiers ETFs avec couverture du risque de change, des produits phares, tout en et les éduquant sur les risques liés aux investissements internationaux. Pour ce faire, nous leur avons expliqué comment isoler le risque actions du risque devise, et cela est devenu une innovation incroyable pour l’industrie. En étant le précurseur, cela nous a également permis de nous démarquer de nos concurrents.

Quel constat faites-vous de l’évolution des ETFs avec une couverture du risque de change?

En Europe, nous avons la possibilité d’offrir une gamme diversifiée de parts pour un même fonds et, par conséquent des parts couvertes ou des parts non couvertes contre le risque de change. Les investisseurs peuvent ainsi choisir leur niveau d’exposition en fonction de leur opinion sur l’évolution des taux de change ou des actions. Cela fragmente la liquidité, mais, une fois que ce principe est assimilé, c’est l’un des grands avantages de la possibilité de créer différentes parts.

D’ailleurs, sur le marché européen, sur quels segments allez-vous vous concentrer?

Nous continuons à nous concentrer sur quatre classes de produits: l’or, les matières premières, les produits à découvert et à effet de levier et les OPCVM. Nous investissons massivement dans la technologie et allons bientôt lancer en Europe notre outil digital de construction de portefeuilles.

«Nous ne proposons pas seulement nos produits
mais tout un univers d’ETFs.»
En quoi consiste cet outil de construction de portefeuilles?

Conçu en architecture ouverte, cet outil permet d’analyser les risques d’un portefeuille diversifié sur différents actifs et de proposer des pistes pour son optimisation. En modélisant toutes les classes d’actifs, il pourra notamment simuler un nouveau portefeuille. Nous nous distinguons des autres outils similaires parce que nous ne proposons pas seulement nos produits mais tout un univers d’ETFs. Il permettra aux investisseurs de comprendre les diverses ramifications entre leurs actifs.

Quelles sont vos dernières innovations en termes de produits?

En 2017, nous avons fait l’acquisition de Boost ETP, un émetteur d’ETPs à effet de levier. Il s’agissait d’une plateforme permettant de s’implanter en Europe pour lancer des OPCVM. Cette année, nous avons fait une plus grande acquisition avec ETF Securities. Cette intégration incroyable est notre priorité absolue. Mais nous restons innovants sur tous les fronts et avons lancé une palette de produits comme le premier ETF obligataire européen sur des CoCo bonds (obligations à conversion obligatoire), apportant ainsi une nouvelle classe d’actifs à l’industrie. Nous avons aussi lancé deux fonds obligataires européens de type «aggregate», un fonds sur les petites capitalisations japonaises ainsi qu’un fond alternatif très performant basé sur une stratégie Put Write. Enfin, nous avons innové avec des fonds smart bêta sur les matières premières. Certaines sous-exploitées, c’est le moment idéal de s’y intéresser avec un fonds multi-factoriel géré activement.

Comment en êtes-vous venu à écrire «The ETF Handbook», un ouvrage de référence sur le marché?

Nous nous sommes très vite rendu compte que les investisseurs qui passaient des fonds de placement traditionnels aux ETFs avaient un besoin de formation. Nous avons compris cela de nos discussions avec certains investisseurs. J’ai alors commencé à bâtir un capital de connaissances sur le sujet et nous sommes devenus des éducateurs de premier plan, ce qui a d’ailleurs marqué un tournant. Il était important qu’ils en apprennent davantage sur notre méthodologie et sur la façon de constituer un portefeuille d’ETFs. J’ai donc écrit mon premier livre sur l’industrie des ETFs mais de nombreuses informations concernant son écosystème continuent de provenir de WisdomTree.

Comment voyez-vous évoluer le marché des ETFs, particulièrement en Europe?

L’industrie des ETFs va continuer de croître. Il s’agit de la version la plus moderne des fonds de placement. Les investisseurs bougent lentement, et lorsqu’ils ne le font pas, ce sont les ETFs qui reçoivent leurs flux. Aussi, l’industrie va profiter des exigences croissantes des organismes de réglementation comme une transparence accrue et des frais moins élevés, ce qui est également une bonne chose pour les investisseurs en ETFs. Enfin, en Europe, la croissance a été moins forte que prévue à cause de la structure du marché. L’investisseur européen ne peut pas avoir une image globale de la liquidité, des volumes et des flux parce qu’il n’y a aucune bourse pan-européenne indiquant un prix unique contrairement aux États-Unis. Mais l’essor des réglementations va changer la donne du marché européen.