Industrie et logistique ne peuvent pas être envoyées en home office

Yves Hulmann

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A la tête de Procimmo, Arno Kneubühler souligne les spécificités du marché des surfaces destinées à l’industrie et à l’artisanat.

La crise sanitaire a profondément remis en question les habitudes en matière de travail et les comportements d’achat. Si l’immobilier de bureau souffre de la situation actuelle, les surfaces destinées à l’industrie et à la logistique font toujours l’objet d’une forte demande, comme le souligne Arno Kneubühler, CEO de Procimmo SA. Entretien avec le directeur de la société immobilière principalement active en Suisse romande.

La société Procimmo SA est un gestionnaire de fonds immobiliers et elle est également spécialisée dans la location de surfaces de bâtiments industriels et artisanaux destinées notamment aux PME. Comment ces sociétés ont-elles réagi depuis la pandémie de coronavirus ce printemps?

Dans un premier temps, en mars, beaucoup d’entreprises ont dû réduire leurs activités et elles ont pour la plupart arrêté l’expansion de leurs surfaces locatives. Ensuite, à partir de l’été, la demande a fortement repris. Maintenant, depuis l’automne, le climat est redevenu plus incertain: beaucoup d’entreprises ont des projets en développement mais elles préfèrent attendre un peu. Un aspect important est à souligner: depuis le début de la pandémie nous n’avons jamais été confrontés à des vagues de résiliation – tout au plus à des ajustements. Il arrive qu’une PME qui louait, par exemple, trois entrepôts avant la crise n’en loue plus que deux actuellement.

«Dans l’industrie, certaines entreprises ont eu besoin d’espaces
supplémentaires afin de pouvoir poursuivre leurs activités.»

Malgré tout, si l’on considère l’ensemble de nos activités, la demande en surfaces louées a même augmenté depuis mars. C’est le cas notamment dans la logistique et dans l’artisanat. Dans le domaine de la logistique, la demande a même fortement augmenté durant le confinement en mars et avril. Confinement ou pas, la logistique et les activités industrielles ne peuvent pas être envoyées en home-office!

Quelles activités sont demandées en particulier?

Différentes activités ont poursuivi leur expansion ces derniers mois. C’est le cas notamment du commerce en ligne, un secteur où beaucoup de sociétés ont eu besoin de davantage de surfaces. Mais pas seulement. Dans l’industrie, certaines entreprises ont eu besoin d’espaces supplémentaires afin de pouvoir poursuivre leurs activités. On peut aussi citer les sociétés actives dans les techniques médicales ainsi que certains fournisseurs de l’industrie pharmaceutique. La demande pour les surfaces louées à l’industrie et à l’artisanat n’a ainsi pas du tout évolué de la même manière que l’immobilier de bureau classique ou celui de la vente de détail.

Concernant la vente de détail, certaines enseignes tentent de compenser la baisse de leurs ventes dans les magasins physiques par une plus grande présence en ligne. Quelles sont vos observations à ce sujet?

Le secteur de la vente de détail a été confronté à des changements brutaux en quelques semaines. Dans ces circonstances, il n’est souvent pas possible pour une entreprise de réorganiser ses activités en l’espace de quelques mois. Toutefois, la tendance de fond va clairement dans le sens d’une expansion du commerce en ligne. Dans le domaine non-alimentaire, la part des ventes en ligne atteint près de 17% en Suisse, ce qui reste encore inférieur à la part de plus de 23% observée dans des pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. De ce point de vue, il est clair que les besoins augmenteront encore dans toutes les activités qui ont un lien avec la logistique.

«Je pense que la demande pour des entrepôts
situés en Suisse va quand même continuer d’augmenter.»
Qui en profitera le plus – les grands centres logistiques situés à l’étranger ou des sites de plus petite taille en Suisse?

Il faut les deux: les grands et les plus petits, par exemple pour la «city logistique». A l’étranger, certains grands groupes construisent d’immenses hubs logistiques situés en France ou dans le sud de l’Allemagne qui auraient aussi la capacité de desservir le marché suisse depuis l’étranger. A ce sujet, il faut toutefois se demander quelles seront les réactions sur le plan politique et dans la société en Suisse. C’est pourquoi je pense que la demande pour des entrepôts situés en Suisse va quand même continuer d’augmenter.

Qu’attendez-vous jusqu’à la fin de cette année – y a-t-il un risque de blocage d’un grand nombre de projets en raison de la situation sanitaire?

Il y a parfois certaines entreprises qui avaient déjà réservé des surfaces mais qui préfèrent attendre 2021 pour prendre des décisions. Le climat des affaires est, dans l’ensemble, redevenu plus incertain au quatrième trimestre. Néanmoins, comme déjà évoqué précédemment, nous n’observons pas une vague de résiliation, loin de là. Beaucoup de PME qui figurent parmi nos locataires comptent typiquement entre 1 et 50 collaborateurs. Ces entreprises vont tout faire pour préserver leurs activités car il s’agit de leur existence même.

On observe aussi cette stabilité au regard des évaluations maximales de pertes de loyers estimées à la fin de l’exercice 2020 en raison du COVID-19. En fonction de nos différents véhicules d’investissement ces pertes atteignent entre 0,26% et 1,8%, ce qui reste marginal.

«Les sous-traitants dans le domaine de la gastronomie
souffrent énormément de la situation actuelle.»
Du côté des sociétés qui louent les surfaces, observez-vous de grandes variations par branches?

Nous ne pouvons pas bien juger de ce qui se passe exactement dans les entreprises, car nous n’avons pas d’informations précises au sujet de l’évolution du chiffre d’affaires des sociétés qui louent de nos surfaces. Cependant, nous constatons généralement que les affaires sont bonnes pour l'industrie et la logistique ainsi que pour les fournisseurs pharmaceutiques, car ils ne sont guère venus vers nous en raison de réductions de loyer. Les petits producteurs s’en sortent également bien. Les individus ont plutôt tendance à avoir des problèmes mais ils sont beaucoup moins représentés dans nos fonds commerciaux. En revanche, les sous-traitants dans le domaine de la gastronomie souffrent énormément de la situation actuelle.

Quelle est la répartition géographique actuelle de vos activités en Suisse et comment celle-ci va-t-elle évoluer?

La Suisse romande représente 70% de nos revenus et la Suisse alémanique 30%. Nous allons continuer de nous concentrer avant tout sur les cantons de Vaud, Genève et Zurich. S’y ajoutent quelques sites situés à proximité des grands axes routiers dans les cantons d’Argovie, de Bâle et de Fribourg.

Du côté des investisseurs, beaucoup de sociétés cotées ou de fonds immobiliers ont été mis sous pression au cours des derniers mois. Que constatez-vous chez Procimmo?

Les réactions des investisseurs varient d’un fonds à un autre. Notre fonds Streetbox, spécialisé dans la construction, la promotion et la vente de halles industrielles modulables destinées aux PME, affiche l’agio le plus élevé. Les fonds Procimmo I et II affichent aussi toujours un agio. Dans l’ensemble, je pense que les investisseurs apprécient le fait que Procimmo soit très peu présent dans l’immobilier de bureau ou dans le commerce de détail.

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