Si une fusion entre égaux de Baloise et Helvetia revêt tout son sens d’un point de vue stratégique et financier, encore faudra-t-il réussir l’intégration des deux groupes. Or celle-ci est préalable à une création de valeur supplémentaire. Autrement dit, une exécution de premier ordre sera nécessaire pour y parvenir. Les attentes du marché financier sont à présent élevées au vu de la capitalisation boursière «stand alone» ou en tant qu’entités autonomes des deux groupes d’assurances. En effet, ceux-ci se négocient en Bourse à des multiples comparables de plus de 2 fois les fonds propres et de 15 à 20 fois les bénéfices estimés, selon Reuters. Des multiples qui se révèlent plus hauts que ceux d’assureurs européens comme Axa, Allianz ou Generali, mais plus bas que ceux de Zurich Insurance. Le total des valorisations boursières de Helvetia et Baloise s’approche de 20 milliards de francs.
Le nouveau groupe Helvetia Baloise enregistrera un volume de primes d’environ 20 milliards de francs, répartis sur 8 marchés et une activité globale de «specialty lines» ou assurances spécialisées. Il emploie au stade actuel plus de 22'000 personnes, dont environ 8000 en Suisse. Il sera le deuxième plus grand groupe d’assurances en Suisse avec une part de marché d’environ 20% et un acteur de premier plan en Europe. Son ratio de solvabilité initial atteint 240%. Allnews fait le point avec Michael Müller, le CEO de Baloise, lequel deviendra directeur général-adjoint et responsable de l’intégration au sein de Helvetia Baloise.
Une fusion entre égaux de Baloise et Helvetia est-elle une meilleure solution pour Baloise que celles du recentrage et de l’élagage revendiqués par l’ex-actionnaire Cevian ou d’un rachat par un plus grand groupe d’assurances?
Le mariage prévu de Baloise avec Helvetia, qui vient tout juste d’être ratifié à une forte majorité par les deux assemblées générales extraordinaires, découle d’un long processus. En se réunissant les deux groupes pourront créer plus de valeur qu’en restant autonomes. Helvetia Baloise deviendra le plus grand employeur en Suisse dans le secteur de l’assurance et prévoyance. Une perspective certainement plus prometteuse. Helvetia Baloise présentera ses nouveaux objectifs dans le détail au premier trimestre 2026.
Vous prévoyez avec cette fusion des synergies de coûts d’environ 350 millions de francs annualisés en plus des plans d’amélioration de l’efficacité existants de 200 et 100 millions environ pour Helvetia et Baloise respectivement. Ce qui n’ira pas sans suppressions d’emplois. Quel en sera le nombre?
Nous ne pouvons pas encore le préciser. En raison des restrictions officielles, Helvetia et Baloise ne peuvent actuellement planifier que de manière limitée certains thèmes communs. L’intégration des deux groupes se déroulera de début 2026 à fin 2028. Nous voulons atteindre 80% des synergies en trois ans. Pour l’heure, nous restons concurrents et les deux sociétés doivent traiter séparément leurs clients respectifs.
Les 350 millions de francs en question concernent à concurrence des deux tiers l’emploi, un tiers se rapporte aux autres frais. Les réductions d’emplois liées à la fusion dans les pays où des doublons ont été identifiés seront mises en œuvre avant 2029 via des départs naturels et des retraites anticipées, autant que possible. Ce processus ne s’effectuera pas d’un jour à l’autre. Nous sommes conscients de notre responsabilité sociale et l’assumerons pleinement. Par ailleurs, le développement du nouveau groupe créera de nouvelles opportunités d’emploi.
«La combinaison des entités offrira davantage de possibilités de croissance rentable.»
Quels seront les avantages de croissance rentable pour le nouveau groupe?
Cette fusion ouvrira davantage de possibilités avec la combinaison des entités de Baloise et Helvetia, en termes de savoir-faire ainsi que de diversification des revenus et bénéfices, tout en améliorant le profil de risque/rendement grâce aux synergies. Ce plus grand groupe disposera de canaux de distribution plus denses, de davantage de produits, ainsi que d’une plus grande force de frappe en matière du conseil à la clientèle. Tout en faisant valoir une plus grande efficience et une excellence technique. L’asset management et la banque profiteront d’économies d’échelle significatives avec des actifs gérés supérieurs à 100 milliards de francs.
Les avantages réciproques, avec un potentiel de graduation, existent tant pour Helvetia et Baloise. Par exemple, les marchés spécialisés («specialty lines») de Helvetia procureront l’accès à des nouveaux marchés. Les services bancaires de Baloise offrent à Helvetia une gamme de produits plus large. Helvetia Baloise sera ainsi en mesure de proposer une offre globale en termes d’assurances, de prévoyance et d’épargne, avec, en filigrane, des exigences claires s’agissant de l’efficience du capital et du rendement des fonds propres.
Une plus grande diversification ne comporte-t-elle pas aussi des risques?
Le fait d’avoir une diversification équilibrée des risques entre le marché suisse et l’Europe constitue à nos yeux un avantage. N’oubliez pas que Baloise et Helvetia exploitent des portefeuilles d’assurances non-vie parmi les plus rentables en Europe. La fusion accentuera cet avantage.
Est-il rationnel de rester sur le marché allemand qui s’avère très compétitif?
Il s’agit certes d’un très grand marché, mais nous ne visons que quelques segments rentables; nous ne faisons pas tout. La taille n’est pas toujours décisive; ce qui l’est est la capacité à souscrire de bons risques de manière efficiente. La fusion avec Helvetia permettra de réaliser des synergies et de renforcer la position du nouveau groupe sur ses différents marchés, y compris en Allemagne. Un élément déterminant pour chaque activité du groupe est que le rendement des fonds propres soit suffisamment attrayant.
Quels seront les obstacles les plus importants à surmonter?
L’intégration de l’environnement informatique représente un grand défi en raison d’un nombre considérable de systèmes. Mais là aussi, il existe des similitudes; nous utilisons par exemple un logiciel commun pour les affaires collectives vie. L’intégration effective de systèmes IT pour Helvetia Baloise ne pourra commencer qu’après la fin de la transaction.
«Les objectifs visés sont ambitieux mais pas irréalistes.»
Les objectifs visés ne sont-ils pas trop optimistes, ce qui est souvent le cas en matière de fusion et acquisition?
Ce sont assurément des objectifs ambitieux, mais pas irréalistes. Les objectifs divulgués lors des journées aux investisseurs en septembre et décembre derniers respectivement par Baloise et Helvetia, en tant que sociétés autonomes, l’étaient déjà, notamment en termes d’efficience des coûts et de génération de trésorerie; la fusion permettra d’aller encore plus loin.
En particulier pour la banque?
Oui, elle pourra bénéficier d’un apport supplémentaire de clients et d’effets d’échelle. L’objectif relatif au ratio coûts-revenus émis en septembre dernier par Baloise était d’atteindre au plus 55% en 2027 contre 62% en 2024.
Quelle sera la trésorerie additionnelle générée par Helvetia Baloise?
Elle est estimée à 220 millions de francs supplémentaires annualisés, après impôts et participations des détenteurs de police d’assurance. Elle soutiendra la capacité d’augmenter de 20% le dividende d’ici 2029.
La fusion recèle-t-elle le risque d’intrigues entre collaborateurs pour se disputer un poste lorsqu’il n’y en a plus qu’un pour deux personnes, à différents échelons de l’entreprise?
Les deux entreprises ont des savoir-faire et cultures similaires. Elles partagent les mêmes valeurs. Leurs vision et buts stratégiques sont alignés. Une de mes tâches en particulier sera de veiller à un alignement et une cohésion culturels pour réussir l’intégration de Helvetia et Baloise. Ce qui requiert une bonne communication et la capacité d’agir rapidement lors de problèmes. Notre équipe de management possède les qualités et l’expérience pour relever ce défi.